France – Gilets jaunes : sept ans après, des initiatives citoyennes perdurent malgré l’essoufflement des mobilisations
- Sept ans après, les Gilets jaunes poursuivent des actions plus discrètes, selon Maxime Nicolle, qui décrit un mouvement transformé par les violences, la crise sanitaire et un climat social toujours tendu
Istanbul
AA / Istanbul / Serap Dogansoy
Sept ans après le déclenchement du mouvement des Gilets jaunes, des formes de mobilisation subsistent malgré la disparition quasi totale des rassemblements hebdomadaires. Selon Maxime Nicolle, ancien diffuseur d’information et l’une des figures médiatisées du mouvement en 2018-2019, plusieurs initiatives citoyennes perdurent, notamment autour du référendum d’initiative citoyenne (RIC) et de l’éducation constitutionnelle.
- Des initiatives structurées autour de la participation citoyenne
D’après Maxime Nicolle, des ateliers constituants se poursuivent dans plusieurs régions afin d’encourager les citoyens à s’intéresser aux mécanismes constitutionnels. Il évoque également la création d’un syndicat « Gilets jaunes » et l’émergence de collectifs politiques revendiquant l’inscription d’un RIC « dans ses volets législatif, révocatoire, abrogatoire et constitutionnel ».
L’ancien porte-parole affirme que ces revendications trouvent des échos dans d’autres pays européens confrontés, selon lui, à des préoccupations similaires en matière de participation démocratique.
- Une mobilisation affaiblie par les violences et le contexte sanitaire
Revenant sur la première année de mobilisation, Nicolle cite « environ 10 000 interpellations préventives », « un millier de peines de prison ferme », ainsi que plusieurs dizaines de blessés graves, parmi lesquels « 33 personnes éborgnées » et « sept manifestants ayant perdu une main ». Il évoque également « des dizaines de milliers de blessés » sur l’ensemble du territoire et « 14 décès », dont certains survenus lors d’interventions policières, selon lui. Pour Nicolle, l’ampleur de ces violences a progressivement dissuadé une partie des participants de retourner dans la rue. La crise sanitaire de 2020 a ensuite mis un terme durable aux rassemblements, en raison des restrictions de déplacement et du contrôle renforcé exercé par les forces de l’ordre.
Selon lui, les restrictions adoptées pendant la pandémie, notamment les attestations de déplacement, le contrôle policier systématique et l’usage de QR codes, ont rendu les rassemblements publics quasiment impossibles. Cette période, marquée par une présence policière accrue dans l’espace public et par des limitations strictes des réunions, aurait accéléré la transformation du mouvement vers des formes plus discrètes comme des rencontres organisées dans des appartements ou des salles privées, conférences locales, débats restreints et multiplication de la diffusion d’informations et de contenus militants en ligne.
- Relations distantes avec les partis et les syndicats
Interrogé sur l’absence de structuration classique du mouvement, Maxime Nicolle décrit des tentatives de rapprochement de la part de partis politiques dès 2018, qu’il affirme avoir refusées, estimant que ces formations cherchaient à « récupérer » la mobilisation. Il évoque également des sollicitations visant à présenter la voie politique comme « l’unique moyen d’obtenir des résultats », auxquelles il dit ne pas avoir donné suite. S’agissant des syndicats, il parle d’une défiance durable envers les principales centrales, accusées selon lui d’entretenir des relations de négociation régulières avec le gouvernement et de ne pas représenter fidèlement la base militante. L’ancien porte-parole affirme que cette distance envers les structures établies, partis comme syndicats, a permis au mouvement de conserver son autonomie, mais a également limité sa capacité à peser durablement sur l’agenda politique ou à obtenir des avancées concrètes.
- Un contexte social toujours tendu
L’ancien porte-parole estime que le contexte économique continue d’alimenter un climat social tendu, citant la hausse des prix, la pression fiscale et les difficultés rencontrées par les petites et moyennes entreprises. Il évoque également des situations de précarité ou de détresse psychologique rapportées par certains participants du mouvement, liées selon lui à la dégradation du pouvoir d’achat, à l’isolement ou à l’insécurité professionnelle. Pour Maxime Nicolle, ces facteurs nourrissent une colère sociale persistante, qui pourrait se manifester à nouveau sous d’autres formes, en particulier parmi les générations les plus jeunes, qu’il juge « très attentives » aux enjeux sociaux et politiques.
- Réseaux sociaux : une diffusion massive en 2018, un encadrement renforcé ensuite
Nicolle rappelle le rôle déterminant des réseaux sociaux, en particulier Facebook, dans l’organisation initiale de la mobilisation, soulignant que les vidéos en direct publiées par les figures du mouvement ont parfois dépassé les audiences de chaînes d’information nationales. Selon lui, l’absence de régulation stricte au début de la mobilisation a permis une diffusion rapide et massive des appels à manifester. Il estime qu’un encadrement plus strict des plateformes, mis en place ensuite par les autorités et les entreprises du numérique, qu’il s’agisse de la modération des contenus, de la surveillance accrue ou des débats autour de l’accès au chiffrement des échanges, a réduit la portée des diffusions militantes et limité l’usage des réseaux sociaux comme outil d’organisation collective.
- Des traces durables chez les participants
Selon l’ancien porte-parole, une partie des personnes ayant participé aux premières semaines de mobilisation conserve des séquelles durables liées aux scènes de violence auxquelles elles ont assisté, évoquant notamment des blessés graves et des situations traumatisantes rapportées par plusieurs manifestants. Il décrit également, chez certains participants, un « sentiment d’amertume » lié au fait que le mouvement n’a pas débouché sur des mesures institutionnelles immédiates. Malgré cela, Nicolle estime que la mobilisation a laissé une empreinte durable en ouvrant un débat public sur la participation citoyenne et en sensibilisant une partie de la population aux enjeux démocratiques et au fonctionnement des institutions.
Selon lui, malgré l’essoufflement des mobilisations de rue, la dynamique née en 2018 continue d’influencer une partie de la société. Maxime Nicolle estime que les générations les plus jeunes, nées dans les années 2000 et 2010, portent un regard « lucide » sur la situation sociale et politique et pourraient être à l’origine des prochaines formes de mobilisation. Il considère que cette prise de conscience constitue l’un des effets durables du mouvement, qui, selon lui, a contribué à éveiller un intérêt accru pour les questions démocratiques et citoyennes.
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