Politique

France : « À trop stigmatiser strictement les musulmans, on a fabriqué du racisme » - Aurélien Bellanger

- Malgré une crise sociale et politique persistante, les plateaux télé français préfèrent débattre sur l’islam

Ayşe Başhoruz  | 01.12.2025 - Mıse À Jour : 02.12.2025
France : « À trop stigmatiser strictement les musulmans, on a fabriqué du racisme » - Aurélien Bellanger

Istanbul

AA / Istanbul / Ayse Bashoruz

Sur les chaînes d’information françaises, les débats tournent fréquemment autour de l’Islam notamment sur CNews, où le mot « islam » a été prononcé 30 993 fois entre 2020 et 2024, selon le reportage d’un ancien collaborateur de la chaine, mettant au second plan les crises économiques, institutionnelles et sociales qui touchent le quotidien des citoyens.

De plus, le pays fait face à une dette publique avoisinant les 3 300 milliards selon l'Eurostat et traverse une crise politique, aucun groupe n'étant en mesure de disposer d'une majorité forte pour garantir un gouvernement stable. Les institutions subissent un affaiblissement et les enjeux structurels se diversifient, menaçant ainsi la cohésion économique et sociale. Selon Mathieu Slama, essayiste et journaliste politique français : « On est en train de créer le sujet de l’Islam comme un problème fondamental majeur, et une menace existentielle pour notre pays. » dit-il.

Il convient de souligner à ce point que les agressions sexuelles, les féminicides, les affaires de pédophilie et le sentiment croissant d’insécurité touchent la société comme l’annoncent les différents médias. En dépit de cette réalité difficile, les médias mettent principalement l'accent sur l'Islam et les musulmans : le port du voile, la pratique religieuse dans l'espace public, ou encore les commerces et cantines certifiés halal. Dans ce climat déjà tendu, Laurent Wauquiez, chef des députés Les Républicains, a déposé le 24 novembre une proposition de loi visant à interdire aux mineures de porter le voile dans l’espace public.

Par ailleurs, Laurent Nunez, le ministre de l'Intérieur français, a déclaré sur la chaine française BFMTV qu'il n'était pas en faveur d'une interdiction du voile pour les mineurs dans l’espace public, qualifiant l'idée de Laurent Wauquiez « très stigmatisante » pour la communauté musulmane. De son côté, Aurore Bergé, la ministre responsable de l'Égalité entre les femmes et les hommes, a une nouvelle fois exprimé sur CNews-Europe 1 son appui à l'interdiction du voile pour les petites filles, une position qu’elle dit défendre « depuis des années ».

Dans ce contexte où certaines voix politiques appellent à de nouvelles restrictions ciblant les musulmans, cette dynamique, média et politique, est dénoncée par l’écrivain français Aurélien Bellanger, interrogé sur la chaîne française TF1. Selon lui, cette frénésie autour de l’Islam finit par produire ce qu’elle prétend combattre : « À trop stigmatiser strictement les musulmans, à fabriquer une islamophobie galopante en France, parce que c’est devenu l’une des grandes passions nationales, voire la passion nationale exclusive. On a fabriqué quelque chose : en dernier lieu, on a fabriqué du racisme. Parce qu’on fabrique une sorte de classement des civilisations. ». Ainsi, l’attention publique se retrouve détournée des véritables urgences du pays notamment les enjeux économiques, sociaux et institutionnels.

Cette focalisation participe également à instaurer un climat nourri de racisme et de discrimination, et en hiérarchisant les communautés et les religions. Sur RCM, le philosophe français Jean-Loup Bonnamy souligne l’impact concret sur les jeunes générations : « Imagine la jeune fille de quinze ans qui veut se voiler. On lui dit non… mais juste après, elle voit d’autres signes religieux, comme des enfants de huit ans portant une kippa. Elle va se dire “c’est scandaleux, c’est de la discrimination”, et elle aura bien raison. » L’attention médiatique portée à l’Islam contribue ainsi à stigmatiser une partie de la population et à renforcer la division sociale, alors que le pays devrait concentrer ses efforts sur des réformes essentielles.

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