Politique

Expulsé de France: Hani Ramadan appelle au respect de la liberté d'expression

- Contacté, lundi, par Anadolu, l’islamologue de nationalité suisse Hani Ramadan a fait savoir qu'il a engagé un avocat pour contester la décision « injustifiée » du ministère de I‘Intérieur de la "patrie des droits de l'Homme".

Hatem Kattou  | 11.04.2017 - Mıse À Jour : 11.04.2017
Expulsé de France: Hani Ramadan appelle au respect de la liberté d'expression

Istanbul

AA / Istanbul / Fatih Karakaya

A deux semaines de l’élection présidentielle en France, le ministre de l'intérieur, Matthias Fekl, a annoncé dans un communiqué, samedi soir, que l'Islamologue Suisse Hani Ramadan était interdit de séjour sur le sol français.

Alors qu'il se trouvait dans la ville de Colmar, en Alsace (Est), pour donner une conférence, Hani Ramadan a été interpellé par les forces de l’ordre afin de l'emmener au commissariat de Colmar avant d’être reconduit à la frontière suisse.

Contacté, lundi, par Anadolu, Hani Ramadan a fait savoir qu'il a engagé un avocat pour contester la décision du ministère, "injustifié" selon lui.

Dans un long communiqué, Hani Ramadan réfute toutes les accusations lancées à son encontre. "L’arrêté que présente le Ministre de l’Intérieur comprend en effet des erreurs et une approche réductrice de mes vraies opinions", se défend-il.

Le ministère avait justifié la décision en prétendant que "les propos de l'intéressé présentaient de graves troubles à l'ordre public".

Or, le petit fils de Hassan el-Banna, fondateur, en 1928, de la confrérie des « Frères Musulmans » en Egypte, explique que ces propos rapportés datent de plusieurs années. "Cet arrêté reprend les termes d’une polémique à laquelle j’avais pourtant largement répondu", insiste-t-il.

Pour exemple, il cite des propos qu'il aurait tenus et qui permettrait au ministre de l'intérieur de prendre cet arrêté. A titre d’exemple, il cite : « Une vraie musulmane doit porter le voile intégral en tout lieu et en toute circonstance ; seul son mari doit pouvoir la voir sans son voile.»

« Or, je n’ai jamais tenu ces propos ! Mon épouse et mes filles portent le voile et montrent leurs visages et leurs mains. Cependant, j’estime qu’une femme a le droit de s’habiller comme elle l’entend, selon ses convictions », argue-t-il.

Bien qu'il ait pris position contre la lapidation de certaines femmes, on lui reproche "de légitimer la lapidation des femmes adultères". Par ailleurs, il critique la volonté du ministre de l'intérieur de "mélanger volontairement antisémitisme et critique d'Israël."

"Il me reproche une hostilité à Israël en estimant que ma critique du sionisme est susceptible d’inciter à la haine contre les juifs», poursuit-il. « Il met en doute qu’il existe une forme de racisme sioniste Or, j’ai toujours déclaré que l’antisémitisme est inacceptable, mais que cela ne devrait pas nous empêcher de dénoncer les crimes commis contre les populations civiles à Gaza et en Palestine», a encore dit le frère de l’universitaire et islamologue Tariq Ramadan.

Ramadan ajoute que « Le ministre de l'intérieur a par ailleurs indiqué que ‘prétendre le pouvoir des lobbies financiers en France’ était aussi un motif de menaces à l'ordre public ». Or, pour Ramadan, «il s'agit d'une réalité objectivement mesurable".

"Il me reproche de contester la version officielle des attentats terroristes, alors que c’est le droit de tout citoyen, dans une saine République, d’exprimer son opinion sur le sujet, en relevant des procédures expéditives menées dans un climat malsain de surenchère médiatique instantanée, et qui vont à l’encontre des principes de l’Etat de droit et de la présomption d’innocence, quand on désigne des coupables, qu’on décide immédiatement que ce sont des islamistes, avant même de connaître qui ils sont, avant qu’ils ne soient complètement jugés et que leur motif soit connu", martèle-t-il.

Le ministre de l'intérieur l'accuse également de "légitimer le djihad." Or, Ramadan se dit très clair sur ce sujet. «L’Islam condamne avec la plus grande fermeté des actions terroristes menées contre des civils. Par contre, le droit à la légitime défense, notamment lorsque la colonisation d’un peuple se poursuit, est reconnu comme étant légitime par tous ceux à qui il reste une once de dignité. La notion de djihad mérite en outre une approche autre que superficielle», indique le communiqué.

Pour le ministère, affirmer que «l’islamophobie qui s'étend dangereusement en Europe» est une preuve d'un discours à "provoquer la haine, voire la violence, à l'encontre des sociétés occidentales, des femmes et des juifs." Or pour Ramadan, le ministre souhaite tout simplement supprimer la liberté d'expression chère à l'Occident.

Depuis quelques années, les frères Ramadan subissent les pressions des médiaux occidentaux. Ainsi le frère de Hani Ramadan, Tariq est aussi régulièrement accusé d'avoir un double discours et d'avoir une attitude discriminatoire à l'égard des femmes.

Pourtant, les deux ont toujours refusé ces accusations en expliquant longuement leurs positions. Pourtant, comme il l'explique dans son communiqué, les "journalistes tronquent la parole et la déforment afin de donner une version complètement opposée". Selon Ramadan, "un authentique républicain défend la liberté d'expression et pas pour seulement Charlie. Il fait passer le débat avant le scoop."

Or ces dernières années, la montée de l'extrémisme en Europe, pousse aussi bien les acteurs politiques que les médias à adopter une position ferme contre toute forme de discours sortant de la norme occidentale. Ainsi, la liberté d'expression est sacrée quand le discours va dans le sens de la "normalité" définie par les européens. Or, comme en a fait Hani Ramadan, à partir du moment où le discours "dérive" dans un autre chemin, non seulement la liberté d'expression peut être interrompue mais ceux qui jouissent de cette liberté peuvent être emprisonnés.

Ramadan appelle, en conclusion, le ministre de l'intérieur à "la responsabilité en conservant les principes de libertés et de vérité, bien au-delà des enjeux électoraux de sa propre carrière." Il souhaite que le dialogue ne soit jamais rompu pour un "meilleur vivre-ensemble".

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