Elections Tunisie: Ksibet el Médiouni, du communisme au "vote utile"
Ksibet-el-Médiouni, un village atypique du littoral-est de la Tunisie, laissera sa sympathie traditionnelle pour la Gauche pour voter "utile" aux législatives du 26 octobre 2014.

AA/ Tunis/ Makram Hadj Ayed
Réputé vivier à la fois du communisme et des mouvements d’obédience islamique en Tunisie, Ksibet El Mediouni, s’apprête lors des législatives de dimanche prochain à voter «utile».
Bâti sur les vestiges de Leptis Minor, actuellement Lamta, accroché à une butte côtière de 30 mètres d’altitude, situé à 9 km au sud de la ville de Monastir sur le littoral est de la Tunisie, Ksibet El-Médiouni, un petit village pas comme les autres.
Vue par l’Institut tunisien de la Statistique (INS, officiel), Ksibet-el-Médiouni n’est autre qu’une parcelle réductible à 400 hectares, où vivent 10529 habitants.
Dans le répertoire intellectuel, le village est «un contexte social foisonnant et hautement politisé », a déclaré à Anadolu, Jouneidi Abdeljawed, originaire du village, figure nationale de la gauche tunisienne et tête de liste de l’Union pour la Tunisie (UPT) sur la circonscription de Monastir aux législatives de 2014.
« Depuis 1955, date de création de l’antenne locale du parti communiste à Ksibet, le village a été un vivier de la Gauche tunisienne. Destouriens (parti qui a conduit la lutte pour l’indépendance) et communistes se battaient alors côte à côte pour une Tunisie unie et libre», a-t-il rappelé.
Le village est aussi le point de départ du « Ittajah Al Islami » (Tendance islamique), dont le père fondateur était, Abdelkader Slama, simple commerçant peu connu par les Tunisiens », a confié Abdeljawad.
Ce tableau serait inachevé si l’on ne cite pas l’illustre cheikh al-Madani, qui fonda la Zawia soufie en 1910, destination privilégiée de milliers de fidèles venant de tous les recoins du Grand Maghreb.
Et pourtant, à l’approche des élections législatives du 26 octobre 2014, les habitants de Ksibet-el-Médiouni trouvent du mal de gérer leur diversité, affichant ainsi des sentiments mitigés d’exaspération et d’espoir.
Anadolu a tenté de sonder l’ambiance de la campagne électorale dans ce village atypique, les attentes de sa population ainsi que ses intentions de vote lors du scrutin du 26 octobre.
« A l’instar des élections de 2011, la campagne électorale de 2014, se déroule dans un climat de saine émulation et de maturité politique, sans incident aucun », a relevé Jawhar Ben Fradj, homme d’affaires et propriétaire d’un journal électronique.
Revers de la médaille. Le président du Forum tunisien pour les Droits économiques et sociaux (FTDES, ONG), Abderrahman Hedhili a émis de sérieuses appréhensions face au déroulement des élections du 26 octobre.
« Ce qui compte le plus, c’est le déroulement du scrutin dans le respect de la loi », a-t-il insisté, dénonçant à ce propos «certaines manœuvres utilisées par le parti Ennahdha lors de la campagne électorale des élections de 2014»
« la majorité des observateurs accrédités auprès des bureaux de vote étaient d’Ennahdha», a-t-il confié à Anadolu.
A entendre les habitants de Ksibet-el-Médiouni, ils se sentent plutôt lassés par les discours creux des candidats en lice.
« On craint le retour des Azlam (symboles de l’ancien régime) sur la scène politique, alors que ceux-ci ont été relaxés sous le gouvernement de la Troïka » s’est indigné Néji, ingénieur agronome et chef de projet de production des volailles.
« Les habitants de la région préfèrent voter pour les programmes concrets et non aux partis idéologiques», a-t-il fait savoir.
« Les habitants de Ksibet cherchent des solutions urgentes aux problèmes de l’emploi, de la sécurité et de l’environnement», a-t-il cité en substance.
« La plage du village, principale source de vie des habitants de Ksibet-el-Médiouni, s’est transformée sous l’effet du déversement massif des produits toxiques d’une pépinière de poissons en un cimetière maritime », s’est-il exprimé sur un ton coléreux.
Interrogé sur les intentions de vote des électeurs, Hamza Hedhili, originaire du village a affirmé que « la Gauche traditionnelle à Ksibet n’aura pas de chance de réussir lors des prochaines élections ».
« L’électorat pourrait voter utile, soit en faveur d’Ennahda ou de NidaaTounes », a-t-il laissé entendre, faisant remarquer que « le parti Ennahdha dispose d’un potentiel dormant et ne s’affiche pas dans les lieux publics tels les cafés du village. C’est un parti qui œuvre autrement ».
Et Hedhili de poursuivre, le courant «Al-Mahaba » de Hachmi Hamdi pourrait créer une « surprise » lors des élections de 2014, profitant « des sentiments d’exclusion et de marginalisation dont se font sentir les migrants ruraux venant de l’intérieur du pays. »
Pour le président du FTDES, les habitants du village s’attendent à ce que les nouveaux gouvernants mettent fin à la montée du courant Takfiriste.
« J’ai eu à gérer des cas de jeunes salafistes arrêtés, partis ou morts en Syrie », a-t-il confié à Anadolu.
« Un tel discours a atteint son paroxysme dans les mosquées, lorsque des imams incitent à boycotter certains candidats et appellent au Jihad en Syrie et en Irak », s’est-il indigné.
Un point de vue partagé par le candidat de l’UPT, Jouneidi Abdeljawad qui a affirmé avoir été visé en personne par ce type de discours.
« Néanmoins, ce phénomène n’est pas aussi préoccupant qu’on puisse le croire », a-t-il tempéré.
La candidate du parti Ennahdha dans la circonscription de Monastir, Chahida ben Fredj, originaire de Ksibet el-Mediouni et ancien secrétaire d’Etat chargé de l’environnement sous le gouvernement de la Troïka était « indisponible » à répondre à nos questions.
Mme Chahira ben Fredj s’est excusée, arguant « de la pleine campagne électorale » et préférant « reporter l’interview à une date ultérieure ».
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