Ebola: les sénégalais sont les garants précieux de la sécurité frontalière
"Nous sommes devenus plus vigilants. Nous devons tous aider les autorités en dénonçant toute personne étrangère qui entre dans notre pays via la frontière avec la Guinée" (jeune hôtelier à Anadolu).

AA/ Dakar/ Babacar Dione
La surveillance des frontières du Sénégal pour éviter un autre cas de virus Ebola importé, n’est plus seulement l’affaire de l’armée, de la police et de la Gendarmerie, selon la population sénégalaise qui considère que, désormais, elle a aussi son mot à dire dans cette lutte.
A Kédougou, une localité du Sud-Est du pays distante de Dakar de 702 km, les citoyens se sont appropriés la surveillance de la frontière avec la Guinée fermée depuis le 21 août dernier par les autorités afin de prévenir l’entrée de la fièvre hémorragique au Sénégal.
« Nous avons reçu des instructions fermes de la Gendarmerie qui nous demande de signaler la présence de toute personne étrangère. Toutes les personnes qui pourraient profiter de la porosité de la frontière pour entrer dans le pays et qui se présenteraient à l’hôtel sera dénoncée », a ainsi déclaré à Anadolu, Mamado Boubacar, un jeune hôtelier.
«Nous sommes devenus plus vigilants. Nous devons tous aider les autorités en dénonçant toute personne étrangère qui entre dans notre pays via la frontière avec la Guinée. Il y va de notre sécurité. Ebola est une maladie très mortelle. Tout le monde doit agir », a ajouté le jeune homme d'un ton ferme et déterminé.
Dans les villages qui abritent des sites d’orpaillage (recherche et exploitation artisanale de l'or dans les rivières aurifères), les populations sont en alerte.
« Nous connaissons tous ceux qui habitent notre village. Les orpailleurs se connaissent bien. Ils peuvent identifier toute personne étrangère. Les personnes qui s’étaient rendues en Guinée sont connues. Si elles reviennent, nous n’hésiterons à appeler la police », explique Hamidou Dansokho, un chauffeur qui habite dans le centre-ville de Kédougou rencontré à Kharakhéna, un village qui abrite un grand site d’orpaillage.
« J’étais à Fongolemby, la localité de la zone la plus proche de la Guinée. Là-bas, les populations interpellent toute personne qui tente de passer. Elles ont des téléphones portables et appellent donc directement la police et la gendarmerie pour tout cas suspect », a ajouté l'homme d'une quarantaine d'années.
Cet engouement de la population sénégalaise dans la lutte contre l'épidémie de fièvre hémorragique intervient suite à la requête récente du ministre sénégalais de l’Intérieur, Abdoulaye Daouda Diallo, qui s'était rendu dans les zones frontalières avec la Guinée et qui avait demandé aux populations de collaborer avec les forces de sécurité mobilisées pour faire respecter la décision du gouvernement du Sénégal de fermer ses frontières avec tous les pays touchés par Ebola.
Quelques jours après son séjour à l’Est du pays, le ministre avait réceptionné 200 téléphones portables destinés à appuyer les efforts faits pour surveiller la frontière, longue de près de 330 kilomètres, et nécessitant de fait, pour sa surveillance, la collaboration de la population.
Diallo avait alors fait savoir que ces outils de communication allaient être distribués aux populations des zones frontalières.
« Nous n’attendons même pas que l’Etat nous donne des moyens. Nous agissons seuls. Il y va de notre sécurité et de la sécurité de nos enfants », a expliqué Cissokho, un natif de Fongolemby.
« Nous expliquons aux ressortissants guinéens qui sont à Kédougou de ne pas prendre le risque d’aller dans leur pays. S’ils voyagent, ils ne pourront pas rentrer, parce que nous dénoncerons toute personne qui passe par la brousse pour revenir », a-t-il encore indiqué.
Les ressortissants guinéens semblent être conscients de la fermeté affichée par les autorités sénégalaises et les populations.
« Nous savons que les gens nous surveillent comme du lait sur le feu. Nous ne prendrons aucun risque. La situation interpelle tout le monde. Quand nous appelons au village, nous demandons aux parents qui veulent tenter de venir de rester. S’ils ne peuvent pas rester qu’ils n’essaient pas de venir à Kédougou, parce qu’ici, les gens sont mobilisés », a déclaré Amadou Diallo, un jeune Guinéen rencontré par Anadolu.
« La fermeture de la frontière n’arrange personne. L’économie est presque plombée parce que le transport entre les deux pays ne fonctionne presque plus. Mais tout le monde est obligé de se conformer à la décision des autorités sénégalaises », a ajouté Amadou Diallo qui dit espérer l’éradication de l’épidémie pour la reprise de la circulation des personnes et des biens.
Un vœu que le jeune Guinéen partage avec les populations du Sud-Est du Sénégal. « Tout le monde prie. Nous avons tous peur de cette maladie qui fait des ravages dans notre continent », a lancé une femme commerçante de Kédougou.