
AA/ Bujumbura/ Rénovat Ndabashinze
Filatures, menaces de morts, appels téléphoniques anonymes et fusillades, ainsi est fait le quotidien des journalistes exerçant sur le sol burundais depuis le début des contestations contre un 3ème mandat du président Pierre Nkurunziza.
Etre journaliste, aujourd'hui au Burundi devient vraiment périlleux confient des journalistes à Anadolu. "Censuré, ciblé par les pierres des manifestants si ce n'est par les balles réelles des policiers, le journaliste ne sait plus comment accomplir son travail ni s'il doit le faire en risquant sa vie", relève un ancien journaliste rencontré par Anadolu, qui préfère garder l'anonymat même s'il n'exerce plus depuis des années.
La situation s'est, nettement, dégradée depuis le coup d’Etat manqué du 13 mai, ajoute la même source rappelant que trois radios privées et deux stations de radiotélévision ont été soit brûlées soit fermées, dans la nuit du 13 au 14.
Un journaliste qui travaillait dans l'une des radios réduites au silence depuis le coup d'Etat, se lamente sur son sort soulignant qu'il est très dur de survivre sans travail et sans ressources tout en étant obligé, pour des raisons sécuritaires, de se cacher.
Bien avant la tentative de coup d’Etat, Alexandre Niyungeko, président de l’Union burundaise des journalistes (UBJ), avait mis le doigt sur la menace qui pèse sur les journalistes évoquant déjà dix qui ont "été victimes de menaces de mort".
"Les responsables de ces attaques menées contre les journalistes sont recrutés au sein du service des renseignements, parmi les jeunes militants du parti au pouvoir, Conseil National pour la Défense de la démocratie-Forces de Défense de la Démocratie CNDD-FDD (Imbonerakure) et même parmi les policiers", avait-il dénoncé lors d'une récente rencontre avec Anadolu.
Il a ajouté que même les journalistes des médias proches du pouvoir ne sont pas épargnés précisant qu'ils sont persécutés dans les zones contrôlées par les manifestants contre la candidature de Pierre Nkurunziza.
Alexandre Niyungeko cite à ce propos le cas des journalistes de la Radio Télévision nationale du Burundi (RTNB) accusés par les anti-Nkurunziza de servir les intérêts du parti au pouvoir relevant que "cette situation devrait cesser".
Le coup d’Etat manqué du 13 mai a ramené avec lui une nouvelle vague d'accusations à l'encontre des journalistes dont certains se sont vu pointer du doigt et targuer d'être en connivence avec les putschistes. "Et tout ça pour avoir diffusé le communiqué des putschistes sur nos stations" s'insurge un des directeurs des médias concernés qui s'est retranché dans un pays voisin étant "menacé" au Burundi.
Les journalistes étrangers ne sont pas mieux lotis. Certains se sont vu, en effet, empêcher d’exercer leur travail en se faisant retirer l'accréditation de couverture. Thaïs Brouck, envoyé de la chaîne télévisée France 24, fait partie de ceux-ci, il a, en effet, été accusé par le Conseil national de la Communication (CNC) d'être partial et de diffuser des informations non équilibrées.
Des journalistes qui assuraient la couverture d'une récente manifestation dans le quartier Musaga ont confié à Anadolu que des policiers les ont chassés arguant que leur présence excite davantage les manifestants.
D’après Alexandre Niyungeko, président de l’UBJ, cette situation a poussé plusieurs journalistes à se terrer et à fuir vers des pays voisins alors que d'autres vivent avec la peur et l'angoisse de se voir agresser. Il estime que cette situation ne sert guère le pays n'aide pas à concevoir une image fidèle de ce qui se passe d'autant plus que la connexions internet et téléphonique sont souvent défaillantes.