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De drame en drame le "cimetière méditerranéen" se creuse

"l’Union européenne peut dépasser son dogme sécuritaire pour renouer enfin avec les valeurs de liberté qu’elle prétend pourtant incarner", selon Nicolas Lambert, Géographe-cartographe au CNRS.

13.02.2015 - Mıse À Jour : 13.02.2015
De drame en drame le "cimetière méditerranéen" se creuse

AA- Ankara- Şeyma Tahan 

Géographe-cartographe au Centre national de la recherche scientifique en France (CNRS) Nicolas Lambert, a indiqué qu'en 22 ans (1993-2014), plus de 30 000 migrants sont morts ou portés disparus en essayant de rejoindre l’Union européenne.

Lambert, qui s'est éxprimé à l'Agence Anadolu sur la dernière tragédie en Méditerranée, a constaté que ce drame humaine n’est pas un cas isolé.

"Samedi 7 février, quelques 430 hommes, femmes et enfants venus d’Afrique subsaharienne  embarquaient dans quatre bateaux pneumatiques sur une plage à 15 kilomètres à l’est de Tripoli. Ayant payé chacun 650 euros à des passeurs peu scrupuleux pour la traversée vers l’Europe, ils rêvaient tout simplement d’une vie meilleure. Au bout du périple, 203 moururent noyés, 29 autres de froid, un des bateaux n’a jamais été retrouvé. Seule une petite centaine de passagers fut secourue par les garde-côtes italiens" dit-il.

Rappelant que ces drames ne cessent de se mulplier Lambert explique: "En 20 ans (1993-2014), plus de 30 000 migrants sont morts ou portés disparus en essayant de rejoindre l’Union européenne. Selon les chiffres du projet  'The migrant’ files et de l’association' UNITED for Intercultural Action. En deux décennies, le phénomène n’a eu de cesse de s’amplifier : 1600 morts entre 1993 et 1998, 3700 morts de 1999 à 2002, 7200 morts de 2003 à 2006, plus de 8000 morts de 2007 à 2010 et presque 10 000 morts de 2011 à aujourd’hui, avec un pic à 4 255 morts recensés pour la seule année 2011. Aujourd’hui, de drames en drames, la mer Méditerranée est devenue la route migratoire la plus dangereuse au monde. Depuis le début des années 2000, près de 20 000 personnes y sont mortes noyées dans ce qu’il faut désormais appeler le cimetière méditerranéen", a-t-il insisté. 

Lambert, membre du réseau Migreurop (un réseau européen et africain de militants et chercheurs dont l'objectif est de faire connaître et de lutter contre les stéréotypes),  a precisé que face à une telle hécatombe, "l’Europe ne peut détourner le regard. Elle y a une part de responsabilité. Depuis les années 2000, l’Union européenne livre en effet une lutte sans merci aux migrants. Nourries par des fantasmes d’invasions ou autres fantasmes identitaires, les politiques migratoires européennes n’ont eu de cesse de se durcir pour lutter contre cet ennemi largement imaginaire".

Selon Lambert, en matière d’immigration, l’Europe ne fait pas dans l’humanitaire, elle mène une guerre. Pour cela, les pays européens se sont dotés, avec l’agence Frontex, de dispositifs de surveillance et de contrôle quasi militaires (navires, hélicoptères, avions, radars, caméras thermiques, drones, …) poussant les migrants vers des routes toujours plus dangereuses, routes qu’ils arpentent bien souvent au péril de leur vie. Seul résultat concret d’une telle politique absurde : les migrants meurent chaque année davantage tandis que les passeurs s’enrichissent toujours plus en justifiant des tarifs exorbitants.

"L’Europe doit sortir de cette logique mortifère. En réaffirmant la migration comme un droit – la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1948 annonce dans son article 13 que 'toute personne est libre de quitter son pays' –  l’Union européenne peut dépasser son dogme sécuritaire pour renouer enfin avec les valeurs de liberté qu’elle prétend pourtant incarner. Face aux drames qui se multiplient en Méditerranée, sauver ces vies doit devenir dès à présent la priorité de la politique migratoire européenne, jalon nécessaire à la refondation de notre mer commune sur des valeurs de métissage et de convivialité. Le rendez-vous des civilisations est à ce prix-là" a-t-il souligné.

 
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