Cameroun: Quand des affamés du Nord deviennent des assoiffés de savoir
Des denrées alimentaires sont distribuées à de jeunes élèves pour garantir leur assiduité scolaire.

AA/ Garoua (Cameroun)/ Peter Klum
«Avant le début de ce projet, j’allais suivre les bœufs de mon père dans des champs et le berger me donnait de quoi manger à la fin de la journée. Mais quand j’ai appris que je pouvais avoir mes repas à l’école, je me suis réinscriste».
Comme Sanda Oumarou, jeune écolière à Garoua, ce sont des dizaines de milliers d'élèves qui retrouvent, désormais, le chemin de l'école, rassurés désormais, quant à leur nourriture.
L'organisation non gouvernementale, Counterpart International, est la fondatrice du projet « Food For Education and Child Nutrition Program » (Nourriture pour l'éducation, et programme pour la nutrition des enfants), lancé en 2012 à Garoua, et dont bénéficie à ce jour, 150 écoles primaires de la région du Nord, soit 125 956 élèves, selon des chiffres communiqués à Anadolu par l'organisation américaine.
Le projet qui doit prendre fin au mois de septembre, fait l'objet, actuellement, d'un plaidoyer lancé par l'ONG au Gouvernement américain, principal bailleur de fonds, pour un renouvellement du financement, à hauteur de 500 mille dollars par an, selon Ben Iga, coordinateur de Counterpart International à Garoua, dans une déclaration à Anadolu.
A l'origine de cette idée, explique-t-il, un pénible constat: plusieurs élèves désertent les cours dans les régions du Nord Cameroun, où sévit la pauvreté et l'impact des actions néfastes de Boko Haram,en quête de quoi se nourrir.
"Dans ces zones, le taux de scolarisation est particulièrement bas, il se situait aux environs de 47 %, il y a 3 ans, il est à 69% aujourd'hui, grâce à l'action de notre institution", poursuit Ben Iga.
En désertant l'école pour trouver de quoi manger, certains de ces élèves avaient fait "le choix" des petits métiers tels que la broderie, l’artisanat. D'autres ont été faits, par leurs parents, cultivateurs ou bergers.
Beaucoup de jeunes filles se retrouvaient, de leur côté, embarquées dans des mariages précoces et forcés, par des parents dépourvus, qui recevaient, en échange, une dot plus ou moins conséquente.
C'est pourquoi, l'ONG a décidé, qu'en dehors des deux repas offerts aux élèves par jour, les filles assidues à l’école ont droit à 15kg de céréales par mois, qu'ils ramèneront à leurs familles. L'idée est d'offrir un substitut à la tentation de la dot, qui amène souvent aux mariages précoces et forcés.
Bouba Hamidou fait partie de ceux qui ont repris récemment les cours. Aujourd'hui qu'il a la panse pleine, il ne rate désormais aucun cours. Les jours où il avait à laver des assiettes dans un restaurant du coin, sont désormais derrière lui. "Une fois diplômé, je me lancerai dans les affaires, et j'achèterai dix restaurants" prévoit-il, ambitieux.
Et il n'y a pas que les éléves qui s'en réjouissent..
«J’avais 27 élèves dans ma salle en 2012, juste avant le lancement du projet. Depuis, l’effectif augmente au fur et à mesure. Aujourd’hui j’ai 67 élèves dans ma salle. J’ai également noté que les élèves restent à l’école jusqu’à la fin de la journée, alors qu'avant, certains disparaissaient vers midi », indique Ondoua Alphonse, Instituteur à l’Ecole Publique de Sangueré Paul, à Garoua.
Ce projet est également salutaire pour des parents qui avaient de la peine à offrir des repas journaliers à leurs progénitures. Ceux-là aussi souhaitent que le projet perdure.
"Avant, à la sortie des cours, je me mettais à chercher de la nourriture pour mes enfants. J’avais même dit à ma petite fille qu’elle devrait plutôt m’accompagner au champ et de laisser tomber l’école." confie Namsou, mère d'une élève en primaire.
"Quand le projet est arrivé, j’ai été très contente. A la fin des cours, mes enfants ne cherchent même plus à revenir directement à la maison" poursuit-elle.
Désormais, sa fille "aura la chance de ne pas perpétuer le même cycle" qu'elle a vécu, "elle pourra aspirer à des lendemains meilleurs, maintenant qu'elle est instruite", conclut-elle.