
AA/ Douala (Cameroun)/ Pado Chemie
Le festival international "Quartier Sud" à Douala, au Cameroun, revalorise, depuis 2011, les rythmes traditionnels et la musique du patrimoine des pays d’Afrique et aident des artistes à se produire malgré l'absence de sponsors officiels.
Trois hommes, les corps peints de poudre blanche, les pieds ornés de colis diverses, les cheveux crépus et parfois en dreadlocks, font leur entrée sur scène. Comme à l’époque de l’esclavage, ils sont reliés par un fil, on dirait une chaîne. Le silence règne dans la foule. Pas de cris. Le public observe. « Liberté, liberté, liberté », lance soudain l’un des hommes. Ils se dispersent. Deux autres hommes font leur entrée sur scène. Leur corps est peints d’une substance noire. « Je suis libre », crie l’un des nouveaux arrivants. Des coups de tam-tams, de tambours et des instruments traditionnels raisonnent.
Le groupe traditionnel de danse « Kunde » (liberté, le droit et l’indépendance en langue Bassa, un dialecte du Cameroun) se produit sur la scène de la 4ème édition du festival international Quartier Sud qui s’est tenu du 18 au 21 décembre 2014 au stade Marion à Douala (Littoral-Cameroun).
Comme chaque année depuis la 1ère édition du festival, ils plongent le public au cœur des traditions du peuple Bassa (peuple de la forêt du Cameroun). Ils interprètent tour à tour le « Kombal » (partie de chasse) et des contes autour de l’arbre à palabre. C’est un mélange de musique, de contes et de poésie. En fond sonore, on entend des bêlements de chèvres.
« C’est le décor du soir au village que nous essayons de reproduire. Nous valorisons la musique de chez nous, telles que nos ancêtres nous ont laissé. Car si tu ne sais pas d’où tu viens, tu ne sauras jamais où tu vas. En ville, les gens ne veulent pas reconnaître leur culture et leurs racines. Nous voulons copier des rythmes d’ailleurs alors que nous avons notre patrimoine culturel », indique à Anadolu, Cyrille Pipoum, l’un des leaders du groupe Kunde.
C’est pour inciter les africains en général et les Camerounais en particulier à s’intéresser à la musique de leurs ancêtres de la forêt, que les organisateurs ont décidé de mettre sur pied en 2011 le festival international Quartier Sud. Durant les quatre jours que dure le festival, le public, a droit à des spectacles de musiques, de poésie et de contes.
Au Stade qui acceuille le festival, les artistes ne jouent pas à guichet fermé mais ils ont droit à un public fidèle composé essentiellement de jeunes mais aussi d'adultes.
"J'assiste à la grande soirée du festival depuis deux années. Ce qui me plaît dans ce festival c'est la tradition mise en exergue. J'aime bien le côté festif avec des groupes comme Afrogrouve qui chantent en français et en patois", confie à Anadolu, Felicia monkam, étudiante en droits à l'Université de Douala, vêtue d'une robe faite en tissu pagne et orné de colis blancs.
« Quand il y a des festivals, on n’invite pas les artistes qui jouent les rythmes de chez nous. On préfère ceux qui jouent les rythmes d’ailleurs. Or la musique du patrimoine est la nôtre, celle de nos ancêtres », assure Serge Epoh.
Le secrétaire général de l’Equipe du Sud (organisatrice du festival), explique à Anadolu que depuis 2011, date de la 1ère édition, aucun sponsor n’a voulu soutenir le festival. « Ils ne trouvent pas d’intérêt car la musique que le festival met en exergue est une musique qui, selon eux, ne vend pas. Nous finançons tout avec nos propres moyens », déplore-t-il.
Pourtant, selon Julien Pestre, guitariste français par ailleurs invité « international » de cette 4ème édition, le Cameroun gagnerait à investir dans la musique du patrimoine comme le Mali et le Sénégal.
« J’ai découvert que chaque région du Cameroun a son rythme, ce qui est une énorme richesse. A l’international, ces rythmes sont prisés. Le Mali et le Sénégal ont su capitaliser et vendre leurs rythmes. Je pense que les Camerounais doivent valoriser leurs musiques traditionnelles », dit-il.
Bien plus, certains artistes comme Le Berger, Afrogrouve et bien d’autres, chantent à la fois en français, en anglais et en langue maternelle, tout en mettant en valeur les musiques du patrimoine tels l’Assiko, le Bendskin, le Makuné...
« Un artiste performant qui présente les rythmes de chez lui de la meilleure de façons doit s’ouvrir au monde car on ne peut pas rester au village et on ne peut pas la jouer uniquement lors des mariages, des funérailles et autres animations comme nos ancêtres. Il faut mettre cette musique en scène avec des arrangements et une bonne originalité », précise Serge Epoh.
Il confie à Anadolu que grâce au festival international Quartier Sud, de nombreux artistes, qui ont du mal à trouver des scènes où jouer au Cameroun, se produisent dans d’autres festivals à travers le monde.