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Burundi: plus de place pour le facteur ethnique dans les divisions politiques

La lutte contre ou pour un 3e mandat de Nkurunziza éclipse les séquelles du conflit entre Hutus et Tutsis.

03.07.2015 - Mıse À Jour : 03.07.2015
Burundi: plus de place pour le facteur ethnique dans les divisions politiques

AA/ Bujumbura/ Jean Bosco Nzosaba

La crise socio-politique qui secoue le Burundi, autour du 3e mandat "controversé" du président Pierre Nkurunziza, ne laisse pas de place pour le paramètre ethnique, affirment les leaders politiques. Hutus et Tutsis, deux principales communautés ethniques du pays,font désormais bloc, avec ou face au président, loin des antagonismes.

Hier rivales et engluées dans des guerres fratricides, les leaders des deux ethnies sont aujourd’hui unis contre Nkurunziza. Mais ce dernier compte également de nombreux Hutus et Tutsis pour le soutenir, signe que le conflit burundais qui, hier, était ethnique, est désormais politique.

Agathon Rwasa (hutu), ancien leader rebelle et patron de l’aile du Front national de libération (non reconnue par le pouvoir), Alexis Sinduhije (Tutsi), président du parti MSD (Mouvement pour la solidarité-opposition), Jean Minani (Hutu), Président du parti Front pour la démocratie au Burundi, (Frodebu-Nyakuri-opposition)…

Leaders politiques hutus et tutsis se liguent aujourd’hui comme un seul homme pour barrer la route au Président Hutu Nkurunziza, qui veut briguer son 3ème mandat jugé "inconstitutionnel" par l’opposition.

Le camp présidentiel, lui aussi, n’est pas en reste, puisqu’il est composé de Hutus et Tutsis déterminés à défendre becs et ongles la légitimité d’un  3ème mandat. Il compte notamment dans ses rangs, Edouard Nduwimana (Tutsi), Ministre de l’Intérieur, Prosper Bazombanza (Tutsi), Premier Vice-président de la République, Willy Nyamitwe (Hutu), Conseiller principal de Nkurunziza, Pascal Nyabenda (Hutu), Président du parti présidentiel.

La discorde est donc aujourd’hui autour du mandat présidentiel alors que le paramètre ethnique était au cœur des heurts des années antérieures, avant que les acteurs sociopolitiques ne scellent le précieux Accord de Paix et de réconciliation des Burundais en Août 2000 à Arusha en Tanzanie, confirme le sociologue Paul Nkunzimana,  professeur à l'Université du Burundi, joint par Anadolu.

«Au fur et à mesure, l’ethnie a progressivement cessé d’être un facteur de division entre Hutus et Tutsis, simplement parce que les Hutus ont
eu l’occasion de constater, au cours de la dernière décennie, que même quand le pouvoir est tenu par les membres de leur communauté, ils
continuent à souffrir, ils en concluent que la mauvaise gouvernance fait souffrir tout le monde, voilà pourquoi ils se battent ensemble
pour le changement», fait-il observer. 

«C’est l’un des acquis des Accords de paix d’Arusha, le paramètre ethnique n’a plus de place aujourd’hui dans les divisions qui minent la classe sociopolitique burundaise, nous n’avons qu’un seul ennemi, celui qui veut violer la constitution et fouler aux pieds ces fameux Accords», explique pour sa part, le député François Bizimana (Hutu), militant percutant du Front national de libération (FNL), principale force de l’opposition d’obédience hutue.

 «Les deux principales ethnies du Burundi, les Tutsis et les Hutus, sont unis contre le coup d'Etat constitutionnel intenté par Pierre Nkurunziza », a déclaré Léonidas Hatungimana, ancien porte-parole du Président, et un des mobilisateurs pour les manifestations anti-Nkurunziza.

« Il ne fait pas de coup d’Etat, il respecte bien la Constitution de la République, comme cela a été confirmé par la Cour constitutionnelle », lui rétorque Louis Kamwenubusa (Tutsi), porte-parole adjoint du Président Pierre Nkurunziza.

« Dans ces manifestations, des Hutus, des Tutsis, des Batwas (pygmées, ndlr) sont là et unis contre cette tentative de coup d'Etat constitutionnel» a encore déclaré Hatungimana, ancien cadre du parti présidentiel, Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (Cndd-Fdd), radié, au mois de mars 2015 pour s'être opposé au 3e mandat.

Comme lui, plus de 300 cadres du parti présidentiel, Hutus et Tutsis, ont signé, en mars dernier, une pétition pour demander à Nkurunziza de ne pas rempiler pour un troisième mandat. Ces frondeurs du parti sont allés renforcer l’opposition et la société civile.

Le pouvoir adopte, quant à lui, une autre interprétation de la Constitution, en soulignant que la limitation en question est liée, dans la lettre constitutionnelle, au suffrage universel, alors qu'il a accédé au pouvoir, en 2005, en vertu d'une élection indirecte, ainsi qu'en disposait l'Accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi.

Le Burundi comprend trois principales ethnies à savoir les Hutus (85%), les Tutsis (14%) et les Batwa ou Pygmées (1%). Son histoire est épisodiquement émaillée d’affrontements meurtriers entre les Hutus et les Tutsis.

L’Accord d'Arusha, signé à l’issue d’âpres négociations, a prévu de départager les postes gouvernementaux entre les deux principales ethnies, avec 60% pour les Hutus, 40% pour les Tutsis. Ces quotas sont aussi valables au parlement et au sein des corps de défense et de sécurité. Cet Accord a mis fin à une décennie de guerre civile qui aura fait plus  de 300.000 morts.

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