
AA/ Ouagadougou/ Tiego Tiemtoré
27 ans après la disparition de Thomas Sankara le leader de la révolution burkinabé (1983-1987), des partis politiques tentent, tant bien que mal, de faire vivre sa mémoire et son héritage politique, à l'approche d'une élection présidentielle qu'ils ne désirent pas voir le rival du Camarade Président, l'actuel président Blaise Compaoré, disputer.
L’héritage politique du leader sankariste, décédé le 15 octobre 1987, a été matérialisé par l’apparition, depuis 1991, de partis se réclamant de son idéal panafricain et anti-impérialiste.
Le plus représentatif des leaders sankaristes est, sans conteste, Stanislas Bénéwendé Sankara, qui a fondé en 2001, l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (Unir/Ps). Sans lien de parenté avec Thomas Sankara, il partage, toutefois, avec l'ancien président le même patronyne et revendique son héritage politique.
Arrivé deuxième avec un modeste 4,94 % des voix à la présidentielle de 2005 et 6,3% en 2010, cet avocat affûte ses armes pour celle de 2015. Sur 127 députés issus de 13 partis et formations politiques au Parlement burkinabé, son parti, l'Unir/PS, est le seul parti sankariste qui soit représenté, avec 4 députés.
Des quatre chefs historiques de la révolution burkinabé (qui verra changer l'hymne national ainsi que le nom de Haute Volta, hérité de la colonisation), il ne reste que Blaise Compaoré, actuel chef de l'Etat. Les héritiers politiques de Sankara sont ainsi aujourd'hui, aussi bien dans le parti au pouvoir que dans l'opposition. La majeure partie de la classe politique actuelle a fait ses premières armes sous la révolution. Les "aoûtistes" (dénomination apparue en rapport avec le soulèvement du 4 août 1983 d'une partie de l'armée contre le régime de Jean-Baptiste Ouédraogo en place) ou camarades d'hier se répartissent en plusieurs groupes aujourd'hui.
Il y a ceux qui ont créé plus tard des partis politiques pour, disent-ils "continuer l'œuvre du camarade Président", comme Ernest Nongma Ouédraogo, ancien ministre de la Sécurité, l’idéologue Valère Somé, Jean-Hubert Bazié, ami de Sankara et écrivain.
Ensuite, ceux qui se sont retirés de la scène politique, tels Abdou Salam Kaboré, ancien dignitaire du Conseil National de la Révolution (CNR-formation militaire qui a pris le pouvoir en août 1983) et Pierre Ouédraogo, ex-patron des Comité de la défense de la révolution (CDR-milices révolutionnaires).
Les plus nombreux sont, toutefois, ceux qui sont toujours dans l’arène politique.
Après le 15 octobre 1987, un premier lot est resté aux côtés de Blaise Compaoré. D'autres viendront plus tard. L'ODP/MT (Organisation pour la démocratie populaire/Mouvement du travail) sera le creuset des premiers sankaristes restés fidèles à Blaise Compaoré, que rejoindront plus tard des transfuges d'autres partis, pour former le Congrès pour le Démocratie et le Progrès (CDP), l'actuel parti au pouvoir.
Lors des législatives de mai 2002 qui avaient vu, pour la première fois dans l’histoire politique du pays, la quasi totalité des sensibilités politiques représentées au Parlement (54 sur 111 sièges) ; les partis sankaristes, accédèrent pour la première fois également aux bancs de l'Assemblée nationale, avec 7 élus.
Depuis, beaucoup d’eau a coulée sous le pont. Les tentatives pour ressouder les partis de l’opposition sankaristes n’ont pourtant pas manqué. Alors qu’ils avaient tout pour s’unir, les héritiers politiques de Thomas Sankara restent les plus divisés de la classe politique burkinabé.
« Le vrai problème des partis sankaristes reste l’absence d’un leader capable de canaliser les militants. Il y a une pléthore de chefs. », explique à Anadolu, Armel Sawadogo, un militant sankariste des premières heures qui, dépité, s’est retiré de la scène politique.
Pour Me Sankara, la multitude de partis sankaristes "a été une source de dispersion des forces pour mener le combat contre le régime en place. Ils se sont même souvent combattus pour diverses raisons sous le regard goguenard, amusé et satisfait des tenants du pouvoir si ce n’est sous leur impulsion ", a-t-il regretté.
La commémoration du 27e anniversaire de la mort de Sankara semble, néanmoins, favoriser un nouvel élan des forces sankaristes, à l'approche de élection présidentielle de novembre 2015, qu'elles ne désirent pas voir l'actuel président disputer. Arrivé au bout des limites constitutionnelles de ses mandats, celui-ci tente, néanmoins, de modifier la Constitution pour pouvoir, de nouveau, être en lice.
Trois partis se réclamant de Thomas Sankara ont crée en début octobre 2014, une union dénommé Front progressiste sankariste (FPS).
Regroupant l'Union pour la renaissance (UNIR/PS), la Convention nationale révolutionnaire/ Mouvement Sankariste (CNR/MS) et le Front des forces sociales (FFS), ce front a fait le serment « d'être au côté de notre peuple pour que l'alternative sankariste triomphe en 2015 », selon Me Bénéwendé Stanislas Sankara, qui a été porté à la tête du FPS.
Un autre regroupement de partis sankariste, l’Union Révolutionnaire du Faso (UREFA) est en gestation et son officialisation est annoncée pour le 25 octobre prochain. Il regroupera l’Alliance des démocrates révolutionnaires (ADR), la Convergence de l’Espoir (ESPOIR) et l’Union pour la renaissance/Mouvement sankariste (URD/MS).