Politique

Brésil: Lula n’a pas encore épuisé toutes les voies de recours

- La Cour suprême décide mercredi si Lula doit exécuter immédiatement sa peine ou s’il doit rester en liberté provisoire, en attendant la fin du jugement.

Lassaad Ben Ahmed  | 04.04.2018 - Mıse À Jour : 05.04.2018
Brésil: Lula n’a pas encore épuisé toutes les voies de recours

Brazil
AA / Rio de Janeiro / Kakie Roubaud

La «novela» de la condamnation de Luis Inacio Lula da Silva par les tribunaux n’en finit pas de connaître péripéties et rebondissements, salissant l’image de l’ex-président autant que celle du Brésil.

Jour J à nouveau, mercredi, pour celui qui a gouverné le Brésil de 2003 à 2010, pour ses millions de détracteurs et ses millions de partisans. Et au-delà, pour le pays tout entier.

Cette fois, la Cour suprême doit juger si elle reçoit favorablement ou pas la demande d’Habeas Corpus -liberté provisoire- du charismatique leader condamné, en janvier dernier à 12 ans et 1 mois de prison, au pénal, par un Tribunal Régional en seconde instance.

Lula demande, en effet, à rester en liberté tant que son jugement n’est pas complètement terminé.

Pour faire pression sur Brasilia et appuyer la demande de prison provisoire qui, de l’avis des avocats, se généralise dans tout le pays, quelle que soit la condamnation au pénal, les anti-Lula se sont réunis sur l’Avenida Paulista, Champs Elysée de Sao Paulo, capitale économique du pays.

Avec leurs drapeaux jaunes et verts, leurs casseroles et leurs poupées gonflables Pichuleco, Lula en bagnard, ils étaient aussi sur Copacabana (Rio) et dans plusieurs villes du Brésil.

Ils répondaient à l’appel du MBL (Mouvement Brasil Livre) et VPR (Descends dans la Rue) deux organisations de jeunes libéraux décomplexés nées dans la mouvance des «Printemps arabes».

Ce sont les mêmes que ceux qui manifestaient en 2016 pour que la présidente Rousseff, alors dauphine de Lula, soit destituée. Leur haine du «rouge» sous toutes ses formes est immense.

En cause, un appartement triplex dans une station balnéaire que Lula aurait reçu d’une grande entreprise de bâtiment en échange de faveurs sur les marchés publics. L’ex-président nie formellement.

Aucune preuve matérielle n’a, en fait, été trouvée et l’appartement figure toujours comme appartenant à la gigantesque entreprise du bâtiment OAS, du nom de ses fondateurs Araujo, Oliveiri et Soarez. Pas de preuves matérielles, non plus, des faveurs consenties.

L’ex-président a été condamné sur la base de délations de deux ex-directeurs de l’entreprise, en échange de remises de peine, avec tout l’apparat du jugement effectué dans les règles.

L’avocat Wadih Damous, également député fédéral du parti des Travailleurs et l’un des défenseurs de Lula dans ce procès, allègue pour sa part, que la présomption d’innocence n’est pas respectée.

A l’appel du Frente Popular et de Povo Sem Medo (Peuple Sans Peur), les partisans de Lula ont convoqué la gauche réunie, pour une série d’«Actes Démocratiques» dans le pays.

Chico Buarque, poète et chanteur internationalement connu était à Rio, était lundi aux côtés de Lula sous les néons du Cirque Volant, temple de la jeunesse alternative et symbole des années post dictature.

Marielle Franco, militante des droits de l’homme et conseillère municipale assassinée le 14 mars dernier et dont on n’a toujours pas trouvé les coupables, est désormais leur bannière commune.

D’un côté, un ex-président de gauche travesti en bagnard. De l’autre une militante noire assassinée.

C’est dire si la décision que prend aujourd’hui la Cour Suprême intervient dans un climat de tension extrême, alors que le pays est, une nouvelle fois, déchiré entre les partisans du oui et du non.

Une femme discrète, Rosa Weber, a entre les mains le futur du pays. C’est la juge qui préside la Cour suprême et c’est à elle qu’incombe la tâche délicate du «oui» ou du «non», qui peut mettre dans les deux cas, le feu aux poudres.

Les «Anti» sont confiants. Des généraux sont montés au créneau pour les appuyer . Les partisans de Lula, eux, sont prêts au pire, confie Wadih Damous, l’un des avocats de Lula.

Pour bien comprendre ce qui se passe et comment on en est arrivé là, il faut se coltiner l’enjeu juridique et interroger des avocats criminalistes. C’est assez technique, mais édifiant.

En effet, le jugement de Lula n’est pas terminé. Toutes les voies de recours ne sont pas encore épuisées, expliquent les avocats. Il reste à Lula la possibilité de faire un «recours spécial» en Cour de cassation (STJ) et un «recours extraordinaire» auprès de la Cour suprême (STF).

La condamnation définitive ne pourra être prononcée que lorsque ces deux recours auront été jugés. Cela peut prendre des années. Pour l’instant, la condamnation de Lula n’est donc que «provisoire».

Au fait, la Cour suprême décide, mercredi, si l’ancien président doit être laissé en liberté car sa condamnation n’est pas encore «définitive».

A moins qu’elle ne décide que Lula soit emprisonné à l’issue de son jugement en seconde instance le 24 janvier dernier, bien que sa condamnation ne soit encore que «provisoire».

Jusqu’à présent, expliquent les avocats, la position de la Cour suprême consistait à dire que la prison pouvait être immédiate. Mais ils pourraient revoir cette appréciation, qui date de 2016.

Dans les rangs de la justice, nombreux sont ceux qui estiment que la prison préventive de Lula, alors que les voies de recours ne sont pas épuisées, va à l’encontre de la présomption d’innocence.

C’est donc une péripétie technique, de droit pénal et constitutionnel, à laquelle 200 millions de Brésiliens sont suspendus, sans en comprendre le plus souvent, les tenants et les aboutissants.

Seuls quelques médias démontent, en effet, ce lego juridique, ainsi que tous ceux qui l’ont précédé depuis 4 ans d’une opération «Lava- Jata» de lutte contre la corruption qui a mis le Brésil à genoux.

Les médias de masse, en particulier la télévision, font de ces péripéties juridiques, des chapitres d’une «novela» télévisée dans laquelle le déprimant slogan «Tous pourris, Tous corrompus» prédomine.

Ils sont détenus par des groupes privés familiaux, dans le collimateur d’une imminente régulation des médias si Lula est élu et ont tout intérêt à ce que ce dernier aille en prison, entre autres motifs.

Si la Cour suprême décide, mercredi, que Lula doit exécuter immédiatement sa peine, cette «novela» qui passionne le Brésil autant qu’elle le dégoûte, aura encore de beaux jours devant elle.

Car Lula, choisi par le parti des Travailleurs pour être son candidat à la présidentielle d’octobre 2018 pourra toujours et encore se présenter… même s’il est en prison !

«Si la demande d’Habeas Corpus est rejetée et si la Cour décide que la peine doit être exécutée, même en l’absence de condamnation définitive, il pourra être candidat» confirme Fillipe Lambalot, spécialiste de droit constitutionnel et électoral, membre de l’Ordre des Avocats de Sao Paulo.

«En effet, notre système juridique permet qu’un citoyen, quel qu’il soit, puisse maintenir ses droits politiques, tant que sa condamnation n’est pas définitive. Et donc qu’il puisse être candidat».
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