
AA/ Cotonou (Bénin)/ Serge David
La pêche, principale activité génératrice de revenue des populations de Ganvié, au sud Bénin, se meurt progressivement, forçant les bras valides de la cité lacustre à l’exode rurale.
A une vingtaine de kilomètres, au nord de la métropole de Cotonou, la capitale économique, se dresse impressionnant le village lacustre de Ganvié, avec ses 30.000 habitants et ses quelques milliers de cases en bois construites sur des pilotis.
Sur l’eau, sont construits des restaurants et bars, des bungalows, des cafés bars et même des hôtels pour le séjour et le plaisir des touristes. Tout ceci baigne dans un espace lacustre vraiment singulier, hors du commun.
Selon Aholou Tadjin, un sexagénaire et chef du culte vodoun, ‘’Ganvié’’ qui signifie en français ‘’nous sommes sauvés’’ était une vaste étendue d’eau à perte de vue. Il a accueilli ses premiers occupants au XVIIIe siècle, venus de la région d’Adja Tado (ancien royaume de Danxômè), chassés par la guerre tribale et les razzias esclavagistes.
«Pour vivre sur l’eau, ils ont dû développer une forme particulière d’architecture : les maisons sur pilotis », a expliqué à Anadolu Grégoire Hontonou, la cinquantaine, spécialiste des constructions sur pilotis depuis une décade.
Surnommée à raison la ‘’Venise de l’Afrique’’ pour ses riches et multiples potentiels historiques, culturels, cultuels et touristiques, la cité lacustre de Ganvié reste le confluent de plusieurs activités lucratives dont les plus importantes sont le tourisme et surtout la pêche qui, de plus en plus, perd de son intérêt pour les populations.
« La pêche ici à Ganvié n’est plus attrayante. Nous vendons le panier de 20 gros poissons parfois à moins de 4.000 Francs CFA ($7,62 USD), ce qui n’était pas le cas, il y a deux ans où on pouvait espérer jusqu’à 10.000 Francs CFA ($19 USD) », a confié, à Anadolu Ahonon dont l’époux est pêcheur et elle-même, vendeuse des produits de pêche.
Selon elle, la situation difficile de la pêche à Ganvié a forcé leurs maris pêcheurs à la démission. Très peu d’entre eux continuent à jouer pleinement leur rôle d’époux. « Nous les femmes des pêcheurs, souhaitons que l’Etat aide nos époux à changer de métier, si possible à les recruter pour servir la nation dans d’autres domaines autre que la pêche. Nous souffrons assez à Ganvié pour joindre les deux bouts », a-t-elle ajouté, marquant son désamour pour la pêche.
Norbert Avocétien, lui-même pêcheur et membre du conseil d’arrondissement, a indiqué que près de 90% des populations de Ganvié font la pêche traditionnelle aux filets pour vendre leurs prises (poissons, crevettes, crabes…), mais aussi pour nourrir leurs familles tout au long de l’année. « De nos jours, cette activité attire de moins en moins et devient pénible au regard des difficultés rencontrées », a-t-il déclaré à Anadolu.
Selon lui, les pêcheurs aujourd’hui doivent passer assez de temps sur l’eau pour obtenir désespérément une maigre moisson. « Si la pêche est vraiment fructueuse, je peux vendre par jour jusqu’à 5.000 Francs CFA ($9,53 USD). Parfois, je reviens à la maison bredouille », a-t-il martelé, déçu.
Il a justifié les difficultés, précisant que le lac Nokoué se remplit exagérément de sable faisant fuir les poissons ; le nombre des pêcheurs s’est accru considérablement ces dernières années et les outils de pêche sont devenus de moins en moins performants, avec le temps et l’usure. « Pour acheter un filet de pêche de qualité à Cotonou ou au Nigéria (premier pays importateur des poissons de Ganvié), il faut prévoir jusqu’à 80.000 Francs CFA ($152,48 USD) alors que les recettes de la pêche sont moins intéressantes », a-t-il renseigné, invitant l’Etat à travers le ministère de la pêche à s’impliquer pour faire renaître l’activité de pêche.
Contrairement à la pêche, le tourisme offre de belles perspectives à la Venise de l’Afrique. Joint au téléphone, ce vendredi, Maxime Saïzonou, cadre de la Direction béninoise des Professions et des Etablissements Touristiques (DEPEC), a indiqué qu’environ 10 mille touristes visitent chaque année le village lacustre de Ganvié, pour une recette moyenne qui atteint 30,5 millions de Francs CFA ($58.133 USD) au profit du Trésor public.
« Grâce au tourisme qui devient florissant, d’autres corps de métiers se développent à Ganvié comme les guides, les hôtels, les restaurants, les cafés bars, les marchés d’art, l’écotourisme et le tourisme solidaire », a-t-il conclu.
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