Politique

Attentat contre Charlie Hebdo, un tournant dans l’approche sécuritaire et le rapport aux musulmans de France

Ekip  | 07.01.2022 - Mıse À Jour : 09.01.2022
Attentat contre Charlie Hebdo, un tournant dans l’approche sécuritaire et le rapport aux musulmans de France

France

AA/Nice/Feïza Ben Mohamed

Il y a six ans, le 7 janvier 2015, la capitale parisienne a été frappée de plein fouet par une série d’attentats, dont le premier a visé les locaux du journal satirique Charlie Hebdo où ont été tuées douze personnes avant que ne soient également exécutée, une policière municipale à Montrouge le lendemain, ainsi que quatre autres victimes qui se trouvaient dans une alimentation Casher, le 9 janvier.

Depuis, la France a eu à affronter une vague d’attentats terroristes, dont ceux du 13 novembre 2015 à Paris et du 14 juillet 2016 à Nice pour ne citer que les plus meurtriers.

Ces événements sanglants ont eu pour principal effet, de forcer les autorités à adapter leur méthode de lutte contre le terrorisme, en adoptant tout un arsenal législatif permettant une surveillance accrue des citoyens.

Et ce changement de doctrine n’a pas été sans conséquences notamment dans le rapport de la France à sa minorité musulmane.

- [ ] Retour sur les faits

Il est aux alentours de 11 heures 30, ce 7 janvier 2015, lorsque Saïd et Chérif Kouachi, pénètrent dans les locaux de la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo dans le 11ème arrondissement de la capitale pour y mettre à exécution leur entreprise sanguinaire.

Ils abattent froidement onze personnes sur leur passage dont les dessinateurs Cabu, Wolinski, Charb, Honoré et Tignous.

À l’extérieur des locaux, avant de prendre la fuite, ils assassinent une douzième victime, le policier Ahmed Merabet, tombé au sol alors qu’il venait en renfort.

Dès le 8 janvier, leur complice Amedy Coulibaly, s’en prend à une policière municipale de Montrouge, Clarissa Jean-Philippe, qu’il exécute de sang froid.

Le lendemain de ce nouvel assassinat, Coulibaly prend en otage les clients d’un magasin Casher où il fait quatre nouvelles victimes innocentes de confession juive avant d’être lui-même abattu par les forces d’intervention au moment de l’assaut donné pour libérer les otages.

Les frères Kouachi, qui se réclamaient d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique, sont eux aussi tués par les forces de l’ordre dans une imprimerie où ils avaient trouvé refuge.

- Après la sidération, l’offensive législative

Face à l’ampleur de la menace et à la sidération des Français, le gouvernement, dirigé à l’époque des faits par Manuel Valls, se lance à bras le corps dans une offensive législative destinée à pouvoir disposer d’un vaste éventail de mesures en matière de lutte contre le terrorisme.

Dès le 14 janvier 2015, Bernard Cazeneuve, à l’époque ministre de l’Intérieur, présente en conseil des ministres, un décret « relatif à l’interdiction de sortie du territoire des ressortissants français projetant de participer à des activités terroristes à l’étranger ».

Une semaine plus tard, c’est le Premier ministre, qui annonce « le renforcement sans précédent des moyens humains et matériels, dans les ministères de l'Intérieur, de la Justice, de la Défense et des Finances », comme le souligne Matignon sur son portail en ligne.

Pas moins de 2 680 emplois sont ainsi créés, dont 1 100 alloués aux différents services de renseignements.

Mais au-delà des moyens humains et financiers, la loi française va subir plusieurs modifications afin notamment, d’étendre les pouvoirs de ces services.

La première, date de juillet 2015, avec la loi « renseignement » qui donne un cadre législatif aux activités des services de renseignements, avant que le 14 novembre 2015, au lendemain des attentats perpétrés devant le stade de France, au Bataclan et sur plusieurs terrasses parisiennes, l’Etat d’urgence ne soit finalement proclamé par François Hollande.

Après des semaines de polémique, notamment sur les perquisitions qui ont visé des milliers de familles musulmanes sans aucun lien avec le terrorisme, plusieurs dispositions de cet état d’urgence sont intégrées au droit commun le 3 juin 2016 à travers une loi « renforçant l'action contre le crime organisé et le terrorisme » qui donne aux juges et aux procureurs davantage de moyens d'investigation, et prétend mieux détecter et prendre en charge la radicalisation.

Très vite, de très nombreuses ONG dont Amnesty International, et le Collectif Contre l’Islamophobie en France, dénoncent les dérives permises par ces nouvelles lois sécuritaires qui sont utilisées pour cibler mosquées, associations et citoyens musulmans.

- Le musulman, « citoyen étranger »

Dans un entretien accordé à l'Agence Anadolu, le professeur Tariq Ramadan, déplore « l’instrumentalisation de Charlie Hebdo sur le plan politique » pour mettre en œuvre le concept de « citoyen étranger » appliqué aux musulmans.

« Ce qu’on a fait, c’est que non contents d’avoir cet état d’urgence, on a normalisé l’Etat d’urgence » dont les dispositions « permettent une discrimination légalisée et des dissolutions d’associations », ce qui a conduit à « stigmatiser des leaders musulmans, des écoles, ou encore des mosquées », estime l’islamologue.

Pour Tariq Ramadan, « au nom des lois d’exception, qui sont devenues des lois régulières, on a permis de créer le musulman comme un étranger, qui par ce qu’il produit, peut être un danger ».

Il souligne par ailleurs que la sphère politique a « construit l’idée qu’il y a une altérité de l’Islam, une différenciation avec les musulmans, qu’ils sont devenus « l’autre » et que l’Islam ne permet pas la liberté d’expression ».

Il existe également un second axe relatif à la réaction au terrorisme, et qui « est en lien avec la sécurité », puisque « le musulman est vu comme un problème, de par sa présence et son héritage culturel », tranche le professeur.

Ce dernier pointe néanmoins le fait que « sur le plan de la surveillance après les attentats du 11 septembre 2001 » aux États-Unis ressemble quelque peu à ce qui a été fait en France après la vague d’attentats de 2015.

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