Algérie – Mustapha Bouchachi : "Voici nos réserves au sujet de la nouvelle Constitution" (Interview)

Algeria
AA / Alger / Abderrazek Ben Abdallah
Un activiste de premier plan dans le « Hirak » populaire en Algérie a exprimé une série de réserves aussi bien au niveau de la forme que du fond au sujet du projet d’amendement de la Constitution, annoncé par la Présidence, en prélude à la tenue d’un referendum populaire pour l’entériner, le 1er novembre prochain.
C’est ce qui ressort d’une interview accordée à Anadolu par l’avocat Mustapha Bouchachi, après que la Présidence algérienne ait dévoilé la version définitive du projet d’amendement de la Constitution, lundi dernier.
Le nouveau projet, dont Anadolu a consulté la teneur, est composé d’un préambule et de sept chapitres. Ce projet ne comprend pas, comme cela avait été proposé dans la première mouture, le poste de vice-président.
Ledit projet prévoit, également, l’annulation de l’interdiction imposée à l’armée de participer à des opérations à l’étranger, pour la première fois de son histoire, l’imposition faite au président de désigner un Chef de gouvernement issu de la majorité parlementaire, l’interdiction de se porter candidat au poste de la présidence de la République plus de deux mandats (5 ans pour chaque mandat), que ce soit de manière successive ou séparée.
** Pourquoi les réserves ?
Bouchachi a exprimé ses « profonds regrets » à l’égard des agissements du président (Abdelmajid Tebboune) et des hauts responsables du Régime, agissements qu’ils considèrent comme étant à l’opposé de leurs déclarations.
« Le draft de la Constitution soumis à un parlement dépourvu de légitimité confirme cela. Ainsi, la classe politique et le Hirak ont des réserves au sujet de cette Constitution, objet de l’amendement », a-t-il expliqué.
S’interrogeant « Pourquoi ces réserves ? », Bouchachi répond : « Premièrement, au niveau de la forme. Nous aurions souhaité voir une Constitution qui fond une nouvelle Algérie, et élaborée de manière consensuelle. A notre grand regret, le président a procédé, seul, à la désignation de la commission en charge de l’élaboration du nouveau texte de la Loi fondamentale ».
« Cette commission n’a pas consulté la classe politique et la Société civile dans l’élaboration du draft. Par conséquent, il s’agit de la Constitution du président ou de la Constitution du Régime politique », a-t-il encore dit.
Et Bouchachi d’énumérer encore ses réserves : « Deuxièmement, après la soumission de ce document, le Régime a exploité la pandémie de la Covid-19 et le confinement pour suspendre les réunions et les rencontres et il n’y a donc pas eu lieu de débat sociétal ».
« La participation des gens consistaient seulement en des propositions suggérées à cette commission, sans que les auteurs de ces propositions aient des garanties quant à la prise en considération de ce qu’ils ont avancé », a-t-il estimé.
** Un Régime non-démocratique
S’agissant du fond, le célèbre avocat a considéré que « cette Constitution assoit, en fin de compte, un régime non-démocratique, qui accorde de larges prérogatives au président de la République ».
Il a ajouté que le chef de l’Etat intervient dans les prérogatives du pouvoir judiciaire en nommant les magistrats et le président du Haut Conseil de la magistrature et nomme également dans les postes civils et militaires sans consulter aucune partie ».
Et Bouchachi de poursuivre : « Pour ce qui est du pouvoir législatif, il a le droit de s’opposer aux lois soumises au parlement et est en mesure de réclamer une deuxième lecture des projets de loi qui nécessitent une majorité qualifiée pour faire adopter le texte de loi ».
Quant au Conseil de la Nation (chambre haute du parlement), le président, poursuit l’activiste, « nomme les deux-tiers de ses membres et chaque projet de loi soumise au parlement requiert les trois-quarts des voix des sénateurs pour être adopté ».
L’avocat a ajouté : « Ainsi, le président dispose du droit du véto y compris à l’endroit du pouvoir législatif, qui ne peut pas entériner de projet de loi sans l’approbation du président ».
« A côté de cela, les autorités de surveillance, qu’il s’agisse du contrôle de la législation ou de la dépense des deniers publics sont dominées par le président à travers les nominations », a-t-il relevé.
« Il n’y a pas lieu de dire que ce draft ou cette nouvelle constitution nous amènera à une nouvelle Algérie. Au contraire, cet amendement ne fera qu’asseoir le régime non-démocratique qui prévaut dans le pays », a-t-il martelé ».
** Constitutionnalisation positive, Mais…
Pour ce qui est de la constitutionnalisation du Hirak du 22 février 2019 dans le Préambule de la Loi fondamentale, Bouchachi a souligné que « la reconnaissance par le Régime politique de cette révolution pacifique est une chose positive ».
Et Bouchachi de nuancer : « Mais, en même temps, nous ne devons pas s’arrêter au niveau des slogans », ajoutant que cette « Constitution est une tentative d’imposer la feuille de route du Régime en place, malgré une révolution internationalement reconnue pour son caractère pacifique et marquée par une patience sans limites des Algériens tout au long de cette période ».
« Nous aurions souhaité que les frères au sein du Régime aient adhéré aux revendications du peuple qui ne demande qu’à évoluer sous la férule d’un régime démocratique. Mais il semble qu’il existe une obstination et un entêtement à tenir le peuple à l’écart », a-t-il dit.
Et Bouchachi de conclure : « Le Régime ne prend pas en considération qu’il existe une conscience sociétale et des jeunes qui aspirent à la liberté et à la démocratie ».
*Traduit de l’Arabe par Hatem Kattou
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