Alger
AA / Alger / Aksil Ouali
L’Assemblée française a voté, jeudi 30 octobre, une résolution du rassemblement national (RN) portant dénonciation de de l’accord algéro-français sur l’immigration de 1968.
À une voix près, les députés ont adopté cette proposition de l’extrême droite, lors d’une séance marquée par l’absence de plus de 200 députés.
Même s’il n’est pas contraignant pour l’État français, ce vote a suscité une vague d’indignation, notamment dans les rangs de la gauche et de l’extrême gauche en France. Du côté de l'Exécutif, le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a d’emblée rappelé que « la politique étrangère de la France n'est pas faite par des résolutions au Parlement » et qu'au regard de la constitution, « c'est le président de la République qui est garant des traités ».
Le chef du gouvernement français a également affirmé qu'il « respectait » tout de même le vote, tout en appelant à « renégocier » le texte qui, selon lui, « appartient à une autre époque ».
Historien spécialiste de la guerre d’Algérie, Benjamin Stora a répondu, ce vendredi, aux arguments du RN, selon lesquels cet accord est « avantageux » pour l’immigration algérienne. Dans un entretien au média français La Voix du Nord, il a précisé que cet accord a été vidé de sa substance et n’est plus aussi avantageux pour les Algériens comme on le présente. « En 1968, le général de Gaulle a décidé de réguler les frontières. C’est devenu plus strict, y compris pour les Algériens, malgré quelques compensations », a-t-il indiqué.
Selon lui, le traité a commencé à être vidé de sa substance à partir de 1974, lorsque Valéry Giscard d’Estaing a fermé les frontières à l’immigration. En 1986, le gouvernement français a imposé le visa aux Algériens et aujourd’hui encore, « ils doivent faire la queue pendant des heures pour le demander ». « La France n’a jamais ouvert ses frontières, y compris durant la décennie sanglante. En Algérie, tout le monde connaît ces restrictions », a-t-il soutenu, ajoutant que « les accords de 1968 ont été vidés de leur substance il y a longtemps ».
Benjamin Stora a qualifié les arguments de l’extrême droite « d’idéologiques ». « Nous sommes face à un argument idéologique brandi par une partie de la classe politique française pour, quelque part, entraver le travail mémoriel, comme si la guerre d’Algérie n’était pas terminée », a-t-il accusé. 
De côté de la classe politique française, cette résolution a provoqué une vive colère à gauche. « Assez ! Assez de haine ! » s’est emporté le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. « Honte au RN. L’Algérie, le Maroc, la Tunisie sont des nations sœurs de la France. Nos peuples ont tant de familles et d’amour en commun ! », a-t-il lancé. 
Pour sa part, la députée d’origine algérienne, Sabrina Sebaihi s’est attaquée à ses collègues macronistes qui ont déserté l’Assemblée jeudi dernier. « La chasse aux algériens continue en France. Honte aux députés macronistes qui par leur absence ont offert cette victoire. Honte aux députés Horizons et à leur chef Édouard Philippe qui pensent prospérer électoralement sur le lit du racisme. Pour, eux aussi, des lendemains sans gloire et sans honneur. Un véritable crachat à la figure de la République », a-t-elle dénoncé.
Le patron du parti socialiste (PS), Olivier Faure, a, lui aussi, fustigé le groupe macroniste. « Ils étaient où les macronistes ? Gabriel Attal absent », a-t-il écrit sur la plateforme sociale américaine X. « Il nous a manqué une voix. Cette voix qui nous a manqué pour faire face au RN, c’est celle de Gabriel Attal », a abondé devant les journalistes Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste.
En Algérie, la première réaction vient de la part du député de la diaspora, Abdelouahab Yagoubi, l’un des quatre parlementaires élus pour représenter la communauté algérienne en France. Selon lui, « l’accord algéro-français de 1968 est né dans un contexte historique particulier, au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, afin de donner un cadre à ce que prévoyaient les Accords d’Évian (1962) en matière de libre circulation totale des ressortissants des deux pays ».
Précisant que le document « a été vidé de sa substance », le député algérien a dénoncé son instrumentalisation actuelle en France.
             