À Mayotte, l’insécurité explose un an après le cyclone Chido
– Entre quartiers désertés, attaques à la machette et vidéosurveillance hors service, Mamoudzou s’enfonce dans une crise sécuritaire alors que l’État tente de reconstruire l’archipel et de contenir la pression migratoire
Istanbul
AA/Istanbul/Sanaa Amir
Sur les hauteurs de Mamoudzou, la capitale, Mayotte fait face à une insécurité grandissante un an après le passage dévastateur du cyclone Chido : pillages, attaques à la machette et cambriolages à répétition rythment désormais le quotidien de nombreux habitants, comme le révèle un reportage du « 20 heures » de France TV.
Dans plusieurs quartiers, les maisons se vident peu à peu. Fragilisés par la catastrophe et par une flambée de violences, les résidents traumatisés quittent leurs logements après une série d’attaques toujours plus brutales.
Ces intrusions se déroulent parfois en plein jour. Des vidéos montrent des hommes cagoulés, armés de machettes, s’en prenant aux habitations ou perçant directement les murs pour y pénétrer. Selon les autorités, les cambriolages ont bondi de 35 % depuis le cyclone, signe d’une insécurité durable qui s’installe sur l’île.
À cette situation déjà critique s’ajoute une défaillance majeure des outils de surveillance : le centre de vidéosurveillance de Mamoudzou est hors service depuis un an. Plus aucune caméra ne fonctionne et les radios des agents sont inutilisables. Les renforts policiers envoyés après le cyclone ayant été rappelés en métropole, les forces de l’ordre locales se retrouvent en sous-effectif.
Sur le terrain, les patrouilles évoluent dans un climat de tension croissante, notamment dans les bidonvilles où des groupes de jeunes visent régulièrement les policiers à coups de pierres ou de fers à béton.
À la tombée de la nuit, la situation se complique encore, des quartiers entiers plongeant dans l’obscurité faute d’éclairage public, ce qui rend presque impossible la détection des flagrants délits.
En parallèle, les vols se multiplient sur les chantiers laissés sans surveillance, où des matériaux sont dérobés dès que les équipes quittent les lieux. Cette délinquance diffuse s’alimente d’une jeunesse désœuvrée. « La violence devient un mode de vie », confie Kader, 23 ans, qui évoque la précarité, l’absence d’emploi et le sentiment d’impasse.
Face à cette dégradation, les Mahorais expriment leur lassitude. Déjà éprouvés par les destructions provoquées par Chido, ils doivent désormais affronter une insécurité croissante, sans perspective claire de retour à la normale.
Dans ce contexte, le Parlement français a adopté plusieurs textes visant à répondre à la crise. La loi du 13 février 2025 sur la reconstruction de l’archipel prévoit des assouplissements des règles d’urbanisme et de commande publique, ainsi que des mesures sociales et fiscales. Elle acte aussi la création d’un établissement public chargé de la reconstruction, alors que le coût des dommages causés par le cyclone est estimé à 3,5 milliards d’euros.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a voté le 8 avril 2025 un texte durcissant les restrictions liées au droit du sol, avec pour objectif de limiter la pression migratoire sur l’archipel, essentiellement en provenance des Comores voisines.
C’est dans ce climat tendu que la ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, effectue son premier déplacement à Mayotte depuis sa prise de fonction. Sa visite, prévue du 13 au 15 décembre, intervient presque un an jour pour jour après le cyclone Chido, qui avait frappé le département le 14 décembre 2024.
