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Violences et injures islamophobes lors d’une arrestation: Deux policiers relaxés, 12 mois de sursis pour trois autres

- Les trois condamnés écopent également d’une interdiction d’exercer de six mois

Feiza Ben Mohamed  | 10.11.2025 - Mıse À Jour : 10.11.2025
Violences et injures islamophobes lors d’une arrestation: Deux policiers relaxés, 12 mois de sursis pour trois autres

Provence-Alpes-Cote d Azur

AA/Nice/Feïza Ben Mohamed

Le tribunal correctionnel de Nice a condamné, lundi, trois policiers à une peine de 12 mois de prison avec sursis, assortie d’une interdiction d’exercer de six mois, pour des violences et injures racistes, a appris Anadolu de source proche du dossier.

Les deux autres policiers, le conducteur et le chef de bord, qui se trouvaient à l’avant du véhicule, ont été relaxés.

Les condamnés devront verser 1000 euros à leur victime, ainsi que 800 euros au titre de ses frais d’avocat.

Dans le détail, le tribunal correctionnel a reconnu l’existence de violences psychologiques, mais les a tous relaxés pour les violences physiques malgré des constations médico-légales.

Le procureur de Nice, Damien Martinelli, venu requérir en personne, avait réclamé une interdiction définitive d’exercer pour les cinq fonctionnaires, ainsi que des peines allant de 12 à 18 mois de sursis.

Pour rappel, le 22 juillet dernier, Mohamed C. Jeune ressortissant tunisien de 18 ans, est interpellé par un équipage de police, alors qu’il se trouve dans le quartier des Moulins. Très vite, il a le réflexe d’activer le dictaphone de son téléphone et c’est donc grâce à cet enregistrement de 32 minutes, diffusé dans la salle d’audience lors du procès qui s’est tenu le 24 octobre dernier, que le parquet avait pu saisir l’IGPN (inspection générale de la police nationale) afin qu’une enquête soit ouverte.

32 minutes glaçantes durant lesquelles la victime est injuriée, humiliée et menacée. 32 minutes durant lesquelles aucun des cinq fonctionnaires n’intervient pour faire cesser le supplice du jeune tunisien de 18 ans. 32 minutes durant lesquelles des coups sont audibles. 32 minutes durant lesquelles il est traité de la pire des manières par des fonctionnaires de police, parfois hilares.

On y entend distinctement des policiers le traiter de « sale Arabe », de « bougnoule », de « voleur de France », de « clandé » venu en France pour « violer des Françaises » et « voler les Français ».

« Arrête de parler bougnoule sinon je t’arrache la tête », « rentre chez toi dans ton pays » peut-on même entendre.

À au moins deux moments distincts, des bruits de coups retentissent alors que la victime pleure et supplie les policiers d’arrêter de lui porter des coups.

Mais un épisode particulièrement marquant a été au cœur de longues tergiversations de la part des accusés : celui du Coran. La victime, qui transportait dans sa sacoche, un exemplaire miniature du livre Saint, affirme avoir été frappée avec, avant que des pages ne soient arrachées pour lui être mises dans la bouche.

« Ils ont déchiré mon Coran, l’un s’est essuyé les aisselles avec. Ils ont déchiré des pages et ils ont marché dessus avec leurs chaussures et un policier a essayé de me mettre les pages dans la bouche » a témoigné la victime alors-même que la bande sonore confirme que l’un des fonctionnaires lui a lancé « il n’y a qu’un seul Dieu, c’est Jésus », après avoir injurié la religion musulmane.

Sur ces faits précis, les policiers affirment qu’il ne s’agissait pas d’un Coran, mais d’un carnet de comptabilité du trafic de stupéfiant, écrit en arabe et ramassé à proximité d’un point de deal.

Rapidement après les faits, le procureur de la République de Nice, est informé, par les policiers enquêteurs, de l’existence de cet enregistrement dans lequel leurs collègues sont impliqués.

Tout au long de la procédure et lors de leurs auditions, les cinq fonctionnaires se sont bornés à leur version. Trois d’entre eux ont reconnu des « propos déplacés », « des propos houleux » tout en niant la dimension racistes de leurs actes.

Les deux autres, le chauffeur du véhicule de police et le chef de bord, affirmaient de leur côté n’avoir absolument rien entendu de ce qui pouvait se passer à l’arrière du véhicule.

À l’audience, l’un des accusés a concédé un « comportement déplacé » et invoqué « un énervement » lié à une situation personnelle, mais également à la difficulté d’exercer dans les quartiers dits « de reconquête républicaine ».

« Il y a eu de mauvaises blagues (…). C’était un exutoire (…) après de longues vacations difficiles en quartiers de reconquête républicaine » a-t-il plaidé à la barre.

Alors que la bande sonore enregistrée par la victime et le certificat médical établi par le médecin légiste venait confirmer qu’elle a subi des violences, les accusés n’ont rien reconnu sur ce volet-là.

Après lui, le procureur de la République, Damien Martinelli, a pris la parole pour un réquisitoire sur mesure.

Se disant « triplement triste, d’abord pour ce que Mohamed C et Amir B ont subi » mais aussi pour avoir à « requérir contre des fonctionnaires de la police nationale » et « pour l’institution », Damien Martinelli s’était montré intransigeant, pointant des faits d’une extrême gravité.

« Quatre fonctionnaires placés sous la responsabilité d’un cinquième vont humilier. J’ai été frappé par les décalages entre le souvenir lointain de ce qui s’était passé, et l’extrême précision sur ce petit carnet qui ne serait pas un Coran. On est venu nous servir cette histoire du petit carnet de comptes (…). Comment ne pas voir un fond de racisme ordinaire quand on voit l’accumulation de tels propos ?

Ce que disent Mohamed C et Amir B est confirmé dans l’audio. On peut les croire, même si l’un et l’autre sont connus des services de police. Mohamed C peut être un délinquant, mais il a le droit et les fonctionnaires de police ont le devoir de le traiter avec respect et dignité » avait-il déclaré lors de son réquisitoire.

Damien Martinelli avait par ailleurs estimé qu’il « était très important d’écouter l’enregistrement ».

« C’était très intéressant d’observer la salle pendant la diffusion de l’audio, de regarder les visages qui se pincent en entendant les injures, les bruits de coups. L'enjeu du dossier ce n’est pas de savoir si untel ou untel a dit sale bougnoule ou sale arabe. Quand on entend l’audio, on entend du collectif. On entend des applaudissements, on entend « amchi lbled » (retourne au bled). On entend des fonctionnaires qui évoquent les coups et « je te frappe parce que tu m’énerves », « il convulse parce qu’il a pris des coups de Coran » » avait-il relevé.





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