Villepin alerte sur un monde en mutation et défend « le pouvoir de dire non »
– Devant la Commission des Affaires étrangères, Dominique de Villepin a livré une analyse sombre des bouleversements mondiaux et appelé à retrouver un esprit de résistance.

Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
Dominique de Villepin a dressé, mardi 9 avril, devant la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, un tableau particulièrement sombre de la situation internationale. L’ancien Premier ministre français a mis en garde contre « un basculement historique » du monde et appelé à « retrouver le pouvoir de dire non » face aux dérives du temps présent.
Par voie d'un exposé inspiré de son dernier essai intitulé « Le pouvoir de dire non », publié le 7 avril, Dominique de Villepin a estimé que « le monde vacille sous le poids de ses propres excès », évoquant à la fois la surexploitation des ressources, le dérèglement climatique, les instabilités géopolitiques ou encore la « fatigue démocratique ».
« Ce que nous affrontons n’est pas une simple crise, c’est une mutation historique, une bascule d’époque », a-t-il affirmé, dénonçant une « accélération prodigieuse de l’histoire, tel un train fou lancé à pleine vitesse dont les passagers ne peuvent plus descendre ».
L’ancien ministre des Affaires étrangères a longuement expliqué que cette mutation était également idéologique. Selon lui, « l’ordre international issu des révolutions démocratiques semble perdre sa boussole », à mesure que les grands équilibres s’effacent, laissant place à des logiques de puissance brutale.
Villepin a également critiqué l’attention excessive portée à certaines figures politiques, en particulier aux États-Unis. « Le trumpisme n’est pas la maladie du monde, c’est un symptôme », a-t-il dit, jugeant que « l’excès d’attention qu’il réclame et reçoit nous détourne de nos maux essentiels ».
Face à cette époque de désorientation, Villepin a plaidé pour un sursaut. Il a défendu la nécessité de « retrouver notre esprit de résistance et la force du refus », insistant sur le fait que « le pouvoir de dire non » est un levier décisif pour les États comme pour les peuples.
Mais cet esprit de refus ne doit pas être purement défensif ou nostalgique. « Dire non, non par repli ou nostalgie, mais pour rester fidèles à nous-mêmes et rouvrir le champ des possibles », a-t-il insisté, appelant à construire méthodiquement et progressivement les conditions d’un tel refus.
L’ancien Premier ministre a conclu en estimant que « l’idée de progrès s’effrite » et que les promesses de la modernité « se dérobent ». Il a invité la France et l’Europe à se doter d’une nouvelle boussole politique et morale, face à un monde en perte de repères.
L’audition de Dominique de Villepin intervient dans un climat international particulièrement instable, marqué par la montée des tensions en Méditerranée, au Proche-Orient et dans les relations, notamment commerciales, entre grandes puissances. Son appel au « pouvoir de dire non » résonne comme un rappel de son intervention emblématique à l’ONU en 2003 contre la guerre en Irak, mais interroge aussi sur les marges de manœuvre réelles des puissances moyennes face aux bouleversements globaux.