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Une Palestinienne contrainte de quitter son domicile par Israël dit se sentir « arrachée de ses racines »

- Résidente du camp de réfugiés de Nur Shams, situé dans la ville de Tulkarem, en Cisjordanie, Nihaye al-Cundi, âgée de 54 ans, a qualifié ce qu’elle a vécu de « pas seulement un déplacement, mais un arrachement douloureux de ses racines »

Gülşen Topçu, Qais Omar Darwesh Omar  | 23.12.2025 - Mıse À Jour : 23.12.2025
Une Palestinienne contrainte de quitter son domicile par Israël dit se sentir « arrachée de ses racines »

Ramallah

AA / Ramallah / Gulsen Topcu et Qais Omar Darwesh

L’armée israélienne mène depuis janvier des attaques intensives dans le nord de la Cisjordanie, visant à éliminer l’idée du « retour des réfugiés ».

Ces opérations ont commencé par le camp de réfugiés de Jénine, puis se sont étendues aux camps de Tulkerim et de Nur Shams, contraignant plus de 50 000 Palestiniens à quitter leurs habitations.

Certains ont pu emporter une partie de leurs biens, tandis que d’autres n’ont eu que les vêtements sur eux. Comme à Gaza, des milliers de Palestiniens de Cisjordanie ont ainsi vécu une seconde Nakba.

Les Palestiniens expulsés de leurs terres en 1948 avaient conservé les clés de leurs maisons, devenues un symbole d’espoir de retour. De même, ceux expulsés en 2024 ont occupé les maisons qu’ils ont pu trouver, avec l’espoir de « revenir », mais n’ont toujours pas pu rouvrir la porte de leur propre domicile.

Le sort des Palestiniens ayant passé une année dans ces maisons où ils ne peuvent satisfaire leurs besoins les plus élémentaires reste incertain. Israël poursuit en outre la démolition de ces camps sous les yeux du monde entier.

Le sentiment de déracinement

Parmi les habitants expulsés de Nur Shams, Nihaye el-Cundi (54 ans), actuellement logée dans une maison louée en village, illustre le vécu de milliers de Palestiniens.

Expulsée avec son mari et sa fille le 9 février, elle décrit cette situation : « Ce n’était pas seulement une expulsion forcée, c’était un douloureux déracinement de nos racines. Ceux qui n’ont pas vécu cela ne peuvent pas comprendre. Cette maison était mon espace de vie, ma vie, et je pensais que peu importe ma fatigue, je pourrais toujours y revenir. Et soudain, je me suis retrouvée dehors, sans rien avec moi.

Je n’avais plus rien. Ni meubles, ni bijoux, ni économies, même ma bague a disparu. Tout ce que j’avais accumulé pendant des années a été perdu sous les décombres. Tout ce que nous avons construit avec effort et sacrifices a disparu. »

Les tâches quotidiennes deviennent un calvaire

Pour cette famille de trois personnes, l’expulsion a rendu le quotidien extrêmement difficile. Cundi souligne : « Je suis une femme capable de gérer mes affaires, mon mari est à mes côtés. Pourtant, j’ai beaucoup souffert. Que font les familles de cinq ou six personnes, ou celles ayant des malades et des personnes âgées ? »

Bien que le logement actuel ne soit pas adapté en termes d’infrastructures et de services, ils n’avaient pas d’autre choix. Cundi détaille leurs difficultés : « Nous avons affronté l’hiver sans chauffage, sans meubles et sans sentiment de sécurité. Les tâches quotidiennes les plus simples deviennent des épreuves : cuisiner, laver le linge, prendre une douche, dormir… Tout est un combat chaque jour.

Je lave le linge et, faute de sèche-linge ou de chauffage, je dois attendre quatre à cinq jours pour qu’il sèche. Ces appareils simples sont aussi importants que les biens perdus, car ils donnent le sentiment d’être chez soi. »

Des souvenirs brisés

Cundi se souvient d’avoir dormi paisiblement autrefois. Aujourd’hui, elle et sa famille ont froid jusqu’aux os et rencontrent des problèmes de santé. Sa fille, élève en 9ᵉ année, qui avait sa propre chambre, dort maintenant par terre. Elle tente de la convaincre que cette situation temporaire, bien que tout soit incertain, finira par passer.

Depuis le 9 février, Cundi n’a pu rouvrir la porte de sa maison à Nur Shams. Les photos prises par certains voisins lui ont montré l’ampleur des destructions : « La maison est complètement en ruines. Les meubles sont détruits, les armoires renversées, le réfrigérateur porte des traces de balles. Les documents officiels, les affaires de ma fille et toutes les chambres sont endommagés. »

Elle évoque avec nostalgie les citronniers et oliviers plantés dans le jardin, aujourd’hui desséchés.

Une expulsion qui se transmet de génération en génération

Sa mère centenaire avait déjà vécu la « première Nakba » en 1948. Cundi commente : « Ma mère avait déjà été déplacée, et aujourd’hui cela se reproduit. Cette scène rappelle la première expulsion. À Nur Shams, il ne s’agit pas seulement de la destruction des maisons. C’est aussi la dégradation de la dignité et de la vie privée. »

Cundi souligne que l’éducation, le système de santé et même les activités pour enfants sont affectés par les expulsions et destructions israéliennes. Les maisons, écoles, routes et institutions du camp sont ainsi toutes frappées, et elle n’est qu’un exemple parmi des centaines de cas similaires.

* Traduit du turc par Seyma Erkul Dayanc

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