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Une femme dans un monde d'hommes : Nour, la virtuose de la coiffure au masculin

- À travers sa passion et son expertise, la jeune fille redéfinit la coiffure pour hommes en démontrant que la détermination et le talent transcendent les limites imposées par les stéréotypes de genre.

Malek Jomni  | 04.10.2023 - Mıse À Jour : 05.10.2023
Une femme dans un monde d'hommes : Nour, la virtuose de la coiffure au masculin

Tunisia

AA / Tunis / Malèk Jomni

Dans un monde où les frontières traditionnelles liées aux métiers et aux genres s'effacent progressivement avec le temps, il est fort inspirant de rencontrer des personnes ambitieuses et courageuses comme Nour el-Houda Boukadida, une jeune fille de 23 ans ayant bravé les stéréotypes de l'industrie de la coiffure pour hommes.

C'est au premier étage d'un immeuble au centre de Sahloul, dans le gouvernorat de Sousse, que Nour a décidé de suivre sa passion en ouvrant son propre salon de coiffure pour hommes, défiant ainsi tous les us et coutumes dans un domaine perçu, pendant de longues décennies, comme exclusivement masculin. En plus de quatre ans d'exercice, la jeune fille ne s'est jamais intéressée à la coiffure pour femmes.


- Pourquoi Nour ?

Le planning de Nour est presque au complet pour les prochaines 48 heures. Le téléphone sonne à plusieurs reprises, elle répond avec un ton discret, s'excuse pour l'indisponibilité des horaires déjà pris, note les rendez-vous et essaie de les espacer pour ne pas avoir un fil d'attente au salon. Qu'est ce qui donc la distingue des "coiffeurs hommes" et que fait sa réussite ?

Aussi curieuse que nous, Nour a confié à Anadolu, avoir posé cette question, plus d'une fois, à ses clients, pour savoir pourquoi ils revenaient chez elle et ne se rendaient plus chez leurs anciens coiffeurs !

Toutes les réponses sont quasi-unanimes à évoquer la propreté et la ponctualité des rendez-vous.

"J'accorde une importance cruciale à la propreté de mon espace et de mon matériel et je reçois mes clients avec le sourire car je sais qu'ils viennent se coiffer pour se sentir mieux", a-t-elle expliqué, ajoutant qu'elle offre un bon service pour une meilleure expérience à tous.

L'un des clients de Nour a déclaré à Anadolu, alors qu'il venait de se faire coiffer et de payer, l'air satisfait, qu'il était un client fidèle chez "Nour Coiff" : "Je viens ici souvent, presque toutes les semaines depuis un mois et demi aujourd'hui. Nour est très ponctuelle et respecte ses rendez-vous d'une part. D'autre part, elle donne des conseils personnalisés à ses clients et les met à l'aise. Elle donne de son temps et s'investit à fond", a-t-il expliqué, détaillant qu'il ne trouve pas bizarre qu'une femme coiffe des hommes, car de nos jours, de plus en plus d'hommes sont en train de coiffer des femmes et cela ne dérange personne.


- "Nour Coiff", un fruit de passion


Pour la jeune vingtenaire, les études n'étaient pas son fort. Elle a donc investi son énergie et tout son temps dans une formation de coiffure pour hommes alors qu'elle n'avait que 18 ans. Elle a, depuis, intégré les salons de coiffure les plus connus et les plus réputés de Sousse.

"J'ai su, depuis le premier jour où j'avais commencé à mettre en pratique mes connaissances que j'allais créer, un jour, mon propre projet. Je vise à ouvrir plusieurs autres salons ailleurs", a-t-elle révélé.

Concentrée, Nour maniait habilement les ciseaux -affûtés à la perfection pour garantir une coupe précise- dans une main, et le peigne -glissant doucement à travers les mèches et séparant les nœuds- dans l'autre, tout en plaçant quelques petites blagues, de temps à autre, en échangeant avec son client. C'est à ce moment-là, alors qu'elle s'assurait que les cheveux étaient parfaitement alignés que nous avons perçu un tatouage dessiné sur son poignet: une paire de ciseaux et un démêloir.

"C'est à travers ce tatouage que j'exprime ma passion et l'amour que j'éprouve pour mon métier. Il m'accompagne d'ailleurs depuis 4 ans", s'est-elle exprimée.

Nour coiffe aussi les petits garçons, même si la tâche n'est pas du tout facile: "Je passe des fois une heure à coiffer un seul enfant. Des fois ils veulent jouer, des fois ils ne veulent pas s'asseoir et je dois m'adapter, à chaque fois, à une situation donnée", a-t-elle précisé.

Zaineb se rend chez Nour pour la troisième fois depuis que Yahya, son enfant de deux ans, est né. "Nour est douce et sait comment se comporter avec mon garçon. Elle lui donne des bonbons et prend tout son temps, car des fois c'est difficile", a affirmé la maman, faisant savoir que même son mari se rendait également à la même adresse.


- Une femme dans un monde d'hommes

"Quand j'ai commencé mon projet et ouvert mon salon, les avis étaient mitigés car certains ont douté qu'une femme puisse réussir à briller dans un monde entièrement associé aux hommes, mais la plupart m'ont félicitée et m'ont encouragée. Les membres de ma famille étaient les premiers à m'avoir supportée et épaulée", a-t-elle souligné.

Les débuts de Nour n'étaient pas épineux. Beaucoup de clients d'abord curieux, ensuite satisfaits, affluaient de partout vers son salon et cela n'a fait que lui donner plus de confiance et d'affirmation.

Cependant, les commentaires de quelques hommes au téléphone la dérangeaient, surtout quand son projet "jugé original et inhabituel" a commencé à se faire un nom. Elle a eu affaire à quelques "pervers" pour qui une femme qui est en contact permanent avec des hommes serait plus facile à aborder ou à approcher.

"Je ne fais que travailler et d'offrir un service avec tout le respect du monde. J'ai beaucoup d'estime envers mes clients et ceux qui sont venus au moins une fois le savent très bien".

Pour Nour, le métier de coiffeur requiert beaucoup de respect, de retenue et de professionnalisme pour que la réputation du domaine ne soit pas souillée. Toutes les filles qui voudront se jeter à l'eau après elle doivent avoir de la considération pour elles-mêmes et pour leurs clients, selon elle.

En conclusion, en défiant avec détermination les stéréotypes de genre, la jeune fille a illustré de manière inspirante la diversité et l'inclusion qui émergent dans le monde professionnel et a démontré que le talent et la compétence n'ont pas de sexe quand il s'agit de passion. Son parcours, bien que court, témoigne de la capacité de chacun à choisir sa voie indépendamment des normes de genre préconçues, qui ne sont autres que des barrières limitant le potentiel humain.

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