Tunisie : Le reboisement bénévole au chevet des forêts défigurées par les flammes
- « C'est un véritable mouvement populaire » : née de l'urgence des incendies de 2017, la mobilisation citoyenne a déjà permis de planter 1,5 million d'arbres dans sept gouvernorats
Tunisia
AA / Tunis / Adel Elthabti
Chaque semaine, des dizaines de jeunes convergent vers les montagnes et les collines de Tunisie pour redonner vie aux terres dévorées par les incendies des étés précédents.
Sur les hauteurs de Shahda, dans le gouvernorat de Zaghouan (environ 60 km au sud de Tunis), des dizaines de bénévoles venus de Tunis et de Sousse (est) se sont rassemblés autour de Houssem Hamdi, président de l'association « Soli & Green » (Solidaires et Verts, fondée en 2017).
Cet ingénieur en informatique donne ses directives pour la journée. Peu après, équipés de pioches et de gants, les bénévoles se répartissent en binômes pour planter des milliers de plants de caroubiers, selon le constat du correspondant d'Anadolu.
- Recouvrer les forêts brûlées
Par une journée marquée par un vent froid du nord, Houssem Hamdi explique à Anadolu : « Nous avons initié cette action bénévole suite aux incendies de l'été 2017 qui ont touché plusieurs régions du pays. »
« Au début, notre intervention était une aide d'urgence pour épauler les efforts de l'État, de la Protection civile et de la Direction générale des forêts (DGF) dans l'extinction des feux et l'aide aux sinistrés », précise-t-il.
Par la suite, l'association a élaboré un plan de restauration. « Nous avons contacté la DGF qui nous a encadrés et formés aux techniques de reboisement », ajoute-t-il.
Concernant la méthode, Hamdi détaille : « Généralement, nous laissons du temps à la nature pour qu'elle tente de se régénérer d'elle-même. Si cette régénération naturelle échoue, l'humain intervient pour tenter de rétablir la forêt. »
Le choix des essences forestières se fait selon des critères écologiques, climatiques et socio-économiques, en privilégiant « 3 ou 4 variétés locales ».
« Notre approche est participative : en semaine, ce sont les habitants locaux qui plantent, et le week-end, nous organisons des journées portes ouvertes où affluent des bénévoles de tous âges et horizons », souligne le président de l'association.
- Un million et demi d'arbres
Houssem Hamdi affirme la pérennité de l'action : « Ce n'est pas de l'événementiel, il y a un suivi et un contrôle avec la DGF. En été, nous revenons pour l'arrosage, et à l'automne, nous évaluons la situation pour remplacer les plants qui n'ont pas survécu. »
« Année après année, nous tentons de restaurer l'écosystème. Aujourd'hui, nous plantons 3 000 plants de caroubiers », indique-t-il, notant que l'association est déjà intervenue dans plus de sept gouvernorats avec un total de 1,5 million d'arbres plantés.
L'ambition est aussi de développer des projets intégrant les populations locales dans la gestion forestière, par la formation, la sensibilisation et la création d'une économie solidaire pour les riverains des forêts.
- Un mouvement citoyen face au manque de moyens
Qualifiant l'initiative de « mouvement populaire », Hamdi se réjouit de voir jeunes et adultes participer chaque semaine : « Ce n'est pas réservé à une élite, c'est ouvert à tous, et la réponse des différentes tranches d'âge est très encourageante. »
Il dresse cependant un constat lucide sur la situation des forêts tunisiennes, qu'il juge « difficile ».
« Les cadres de l'administration forestière travaillent avec des moyens limités (..) Il y a malheureusement un manque logistique », déplore-t-il, appelant les citoyens et le gouvernement à soutenir ce secteur vital sur les plans écologique, économique et social.
L'objectif est notamment de réintroduire le chêne-liège dans le Nord-Ouest et le caroubier, actuellement planté pour ses grandes vertus économiques. « Face aux défis climatiques majeurs qui n'épargnent pas la Tunisie, le reboisement est crucial », conclut-il.
- Un projet pour l'avenir
Sur les hauteurs de Shahda, Meriem Sfina, 27 ans, ingénieure en biologie et coordinatrice bénévole pour l'association « Tunis Clean Up », supervise les équipes.
« C'est un projet tourné vers l'avenir. Nous ne verrons pas les résultats immédiatement, mais dans plusieurs années. C'est vital pour la Tunisie car les espaces verts se réduisent », confie-t-elle à Anadolu.
Décrivant leur routine, elle raconte : « Nous partons de Tunis tôt le matin, passons la journée sur le site avec nos provisions. Nous sommes des dizaines de bénévoles avec un seul but : faire revivre la forêt. »
Convaincue de l'utilité de chaque arbre, elle invite la jeunesse tunisienne à rejoindre ce mouvement pour « planter et nettoyer les zones polluées ».
- Saison de reboisement
Tandis qu'il conseille les bénévoles, Hammadi Mastoura, garde forestier à Shahda, confirme la nécessité de l'intervention : « Notre région a besoin de reboisement après l'incendie de 2021. »
« Je suis ici sur mon jour de repos pour former les bénévoles. Il faut qu'ils sachent comment retirer les plants des sacs en plastique sans exposer les racines fragiles à l'air, ce qui les dessécherait », explique-t-il. Il leur enseigne également comment combler les trous et créer des cuvettes pour retenir l'eau d'arrosage.
« Aujourd'hui, je suis bénévole, avec l'espoir que la forêt retrouve son aspect d'antan », ajoute le garde forestier, louant les vertus du caroubier, citant l'expérience réussie du Maroc en la matière.
- L'État mobilise ses ressources
Fin octobre, le ministère tunisien de l'Agriculture a lancé la campagne nationale de reboisement qui s'étend du 9 novembre dernier jusqu'à fin mars 2026. L'objectif est de restaurer 7 902 hectares de systèmes forestiers durant la saison 2025-2026.
Le plan prévoit d'aider à la régénération naturelle de 2 600 hectares de forêts de pin d'Alep et de chêne-liège incendiées, et de planter 4 715 hectares d'essences forestières et pastorales, dont 570 hectares en partenariat avec la société civile.
Les forêts et les parcours couvrent environ un tiers de la surface de la Tunisie (5,7 millions d'hectares) et abritent environ un million de Tunisiens, selon les données officielles.
* Traduit de l'arabe par Mariem Njeh
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