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Tombouctou, la ville des 333 saints à nouveau menacée

-Elle fait, notamment, face à l'ensablement, le changement climatique et une urbanisation rampante, facteurs qui risquent d’anéantir son riche patrimoine architectural selon des experts

Amarana Malga  | 24.01.2025 - Mıse À Jour : 27.01.2025
Tombouctou, la ville des 333 saints à nouveau menacée

Mali

AA/Bamako/Amarana Maiga

Après avoir subi les ravages perpétrés par les groupes terroristes qui l’ont occupée entre 2012 et 2013, la ville de Tombouctou située dans le nord du Mali, fait face aujourd’hui à de nouvelles menaces notamment l’ensablement, le changement climatique et une urbanisation rampante, facteurs qui risquent d’anéantir son riche patrimoine architectural selon des experts.

Les constructions de la vieille ville, généralement bâties à base d’un mélange de sable et d’argile résistent mal aux intempéries et subissent de plein fouet les aléas du changement climatique.

Classée au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1988 et inscrite sur la liste du patrimoine en péril en 2012 (au lendemain de l’invasion des terroristes), la vieille ville de Tombouctou porte entre ses murs et à chaque coin de ses ruelles l’histoire d’une époque prestigieuse, une époque où la « ville des 333 saints » était un centre régional connu pour la qualité de son enseignement islamique. Ses savants érudits avaient un rayonnement si grand que des milliers d’étudiants de divers pays venaient s’y établir pour s’imprégner de leur savoir.

Dotée de la prestigieuse université coranique de Sankoré et d'autres medersa, Tombouctou était aux XVe et XVIe siècles une capitale intellectuelle et spirituelle et un centre de propagation de l'islam en Afrique. Ses trois grandes mosquées (Djingareyber, Sankoré et Sidi Yahia) témoignent encore aujourd’hui de cette prestigieuse époque.

Les mausolées, lieux où sont enterrés les saints de la ville sont perçus par les habitants de Tombouctou comme un rempart contre toute menace extérieure fait qui leur donne une valeur particulière. Aujourd’hui encore des rituels religieux y sont organisés pour implorer la miséricorde divine.

Aujourd’hui tous ces monuments et la symbolique qu’ils véhiculent sont menacés du fait de la fragilité du bâti, regrette El Boukari Ben Essayouti chef de la mission culturelle de Tombouctou.

Evoquant les récentes inondations qui ont ravagé la région de Tombouctou, causant d'importants dégâts, Essayouti indique « qu’une magnifique mosquée en terre dans le village de Toya a été totalement submergée, et nous n'avons pas eu les moyens de la protéger ».

Outre la fragilité des constructions, la ville située aux portes du désert est menacée par l’avancée du sable que plus rien n’arrête dans la mesure où les arbres qui empêchaient ce phénomène se font de plus en plus rare sou l’effet des conditions climatiques arides.

La ville de Tombouctou fait également face à une pression urbaine qui privilégie les constructions modernes en béton qui ne respectent guère l’esprit architectural original.

Ainsi on voit de plus en plus de bâtiments en béton qui tranchent aussi bien par leur structure que par leur couleur affectant l’harmonie du paysage architectural qui n’a cessé de séduire les visiteurs.

Modibo Bagayoko, gestionnaire de projet à l'UNESCO, qualifie la situation de « préoccupante », non seulement pour Tombouctou, mais aussi pour d'autres villes comme Djenné. « L'abandon ou l'agression du patrimoine architectural est lié à des facteurs économiques et culturels. Les communautés n'ont pas les moyens d'assurer l'entretien régulier de ces constructions en terre », explique-t-il.
Il met également en garde contre l'influence croissante des cultures étrangères : « Les touristes ne viennent pas pour voir des bâtiments en béton, mais pour découvrir le style unique transmis par nos ancêtres. ».

Une situation qui nécessite selon les experts de renforcer les formations et de valoriser le savoir-faire ancestral dans le domaine du bâtiment, estime l’expert.

Ben Essayouti indique, à ce propos, que plusieurs ateliers ont été organisés pour former les maçons aux techniques traditionnelles, notamment en utilisant des améliorants naturels comme la poudre de baobab, la gomme arabique ou la paille.

« Nous travaillons avec les corporations de maçons pour qu'ils préservent leur savoir-faire et respectent la législation sur les modes de construction traditionnels », précise-t-il.

Pour protéger ce patrimoine, il est crucial d'impliquer les communautés locales. « Si l'on veut sauvegarder ce qui reste, cela doit se faire avec leur accord », souligne Ben Essayouti rappelant l'existence de lois interdisant les constructions en béton dans la Médina, même si elles sont souvent ignorées.

Rafik Alouani, un touriste tunisien revenu à Tombouctou après 18 ans, constate avec regret les transformations. « L'architecture unique de Tombouctou s'efface peu à peu sous l'effet de l'urbanisation. Cela altère le cachet de la ville, et ce serait dommage de ne pas y remédier. »

De son côté, Baba Moulaye, président du Forum des Organisations de la Société Civile de Tombouctou, pointe un manque de sensibilisation et d'encadrement. « L'indiscipline est devenue un réel problème. Les services techniques doivent sensibiliser les populations à l'importance de préserver l'authenticité architecturale », insiste-t-il.

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