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Sans-abrisme et mal-logement en France : « la pauvreté touche tout le monde », alerte Emmaüs solidarité

– Lotfi Ouanezar décrit une « pression économique et sociale » qui précipite un nombre croissant de familles, jeunes et retraités dans la rue

Ümit Dönmez  | 20.12.2025 - Mıse À Jour : 20.12.2025
Sans-abrisme et mal-logement en France : « la pauvreté touche tout le monde », alerte Emmaüs solidarité

Ile-de-France

AA / Paris / Ümit Dönmez

La crise du sans-abrisme et du mal-logement a atteint un niveau critique en France. Selon le dernier rapport de la Fondation pour le logement des défavorisés, plus de 350 000 personnes sont aujourd’hui sans domicile fixe, tandis que 4,2 millions vivent dans des conditions de mal-logement (squat, habitat indigne, hébergement chez des tiers, logements insalubres ou non adaptés).

Interrogé par Anadolu, Lotfi Ouanezar, directeur général d’Emmaüs Solidarité, a dressé un constat sans appel : « La situation aujourd'hui est très compliquée à plusieurs niveaux ». Loin de se limiter à des hommes seuls dans la rue, le visage du sans-abrisme a profondément changé. « Aujourd’hui, la grande pauvreté touche des familles avec enfants, des femmes sans abri, des jeunes », souligne-t-il.

Les associations constatent également une présence accrue de personnes âgées vivant avec des retraites trop faibles pour faire face à l’explosion du coût de la vie, venues se laver ou s’alimenter dans des centres d’accueil, mais aussi de travailleurs pauvres dormant dans leur voiture, bien qu’ayant un emploi.

À Paris, lors de la Nuit de la solidarité de janvier 2025, 3 500 personnes ont été recensées à la rue, un chiffre en hausse qui illustre la tendance nationale. La situation est similaire dans d’autres grandes villes comme Lyon, Marseille, Lille ou Rennes, où la pression immobilière aggrave la précarité. « Vous perdez votre emploi, vous vous séparez, une addiction s’installe… et en six mois, on peut basculer », alerte Ouanezar.

Le phénomène touche aussi des jeunes sortant de prison ou de l’aide sociale à l’enfance, qui arrivent parfois dans les grandes villes sans solution. « Ils pensent trouver un Eldorado à Paris, mais il n’y en a pas, et ils se retrouvent à la rue », déplore-t-il.

Face à cela, la baisse de la construction de logements sociaux aggrave la crise. Alors que la France produisait encore 120 000 à 130 000 logements sociaux par an il y a quelques années, le chiffre est tombé à 80 000 en 2024, selon Emmaüs Solidarité. Une situation dénoncée par son directeur général : « L’hébergement d’urgence n’a de sens que s’il est suivi d’une politique de logement. Aujourd’hui, cette fluidité est très faible. »

Les chiffres publiés par la Fondation pour le logement des défavorisés indiquent également que plus de 12 millions de personnes sont en situation de fragilité vis-à-vis de leur logement : impayés de loyer, précarité énergétique, surpeuplement ou risque d’expulsion. Une réalité qui s’étend à des catégories jusqu’ici moins exposées.

« Le logement est aujourd’hui la première préoccupation des ménages », martèle Ouanezar. « C’est un poste de dépenses qui explose. Et nous ne sommes plus dans la société d’il y a vingt ans. Les plus fragiles paient le prix fort de cette transformation. »

Emmaüs Solidarité appelle à un changement d’échelle de la politique du logement, estimant que seule la relance massive de la construction de logements accessibles et durables pourra répondre à l’ampleur de la crise. « Il faut un cap clair à long terme pour que chaque personne accède à un toit et à la sécurité », conclut le responsable.

La France fait ainsi face à une crise systémique qui ne se limite plus aux marges de la société, mais révèle une fragilisation croissante de pans entiers de la population. Pour Lotfi Ouanezar, « personne n’est épargné ».

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