Reconnaître l’État palestinien pour redonner une place au droit et à la politique, plaide Agnès Levallois
– Après l’annonce du report de la conférence de l’ONU par Emmanuel Macron, les analystes appellent à une relance politique en faveur de la reconnaissance de la Palestine.

Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
La vice-présidente de l'IREMMO, Agnès Levallois juge « indispensable » que la France reconnaisse l’État palestinien pour affirmer le droit face à la logique de guerre.
Alors que le Président français a récemment annoncé le report de la conférence internationale sur la reconnaissance de la Palestine, la politologue Agnès Levallois, spécialiste du Proche-Orient, a plaidé sur Public Sénat pour une reconnaissance immédiate de l’État palestinien. « Il paraît tout à fait normal aujourd’hui de reconnaître enfin cet État palestinien », a-t-elle déclaré, estimant qu’il est temps de « remettre le droit au centre du jeu » dans un moment où « la force prime sur tout le reste ».
Elle a souligné l'urgence de « remettre du politique au centre », alors que les Palestiniens restent privés d’un « toit politique ». Selon elle, la guerre actuelle et l'impasse diplomatique rendent cette reconnaissance plus nécessaire que jamais : « Il faut maintenant forcer les choses » pour faire évoluer la situation.
Interrogée sur la temporalité, la sociologue Sylviane Bulle a apporté un regard plus réservé, tout en partageant l’objectif d’un État palestinien. Elle a regretté que la conférence internationale ait été annulée, rappelant que cette initiative aurait permis de braquer à nouveau les projecteurs sur Gaza et la Cisjordanie. « Détourner le regard de cette conférence, c’est aussi détourner les yeux de Gaza », a-t-elle affirmé.
Pour Bulle, les conditions politiques ne sont pas réunies, notamment du côté israélien. Elle considère cependant que la reconnaissance aurait une valeur symbolique forte : « Ça ne changera pas grand-chose dans le contexte actuel », mais elle porterait un message clair à Israël : « Non, on ne vous laissera pas faire. »
Elle a dénoncé une stratégie israélienne de « destruction de toute cohésion palestinienne », visant à effacer toute forme d’organisation ou de représentation nationale. Reconnaître la Palestine, dans ce cadre, permettrait de réaffirmer l’existence d’un peuple et d’un droit international. « C’est un message de non-abandon », a-t-elle insisté, rappelant que cette question, trop longtemps évacuée, s’est brutalement réinvitée depuis les événements du 7 octobre et l’intensification de la guerre à Gaza.
Pour rappel, Emmanuel Macron a confirmé vendredi le report de la conférence internationale sur la reconnaissance de la Palestine, initialement prévue le 18 juin à New York, sous co-présidence française et saoudienne. Ce report intervient dans un contexte de forte dégradation sécuritaire au Proche-Orient, notamment entre Israël et l’Iran, et alors que la guerre à Gaza entre dans son vingtième mois. Le Président français a néanmoins affirmé que sa « détermination à avancer vers la solution à deux États » restait « entière ».
- Situation humanitaire à Gaza
Pour rappel, depuis la reprise des hostilités par Tel Aviv le 18 mars 2025, après un cessez-le-feu, les attaques israéliennes ont tué plus de 5 000 Palestiniens, portant le bilan total à Gaza à plus de 55 000 morts, depuis le début du conflit en octobre 2023, suite à une attaque du Hamas. La majorité des victimes palestiniennes sont des civils, notamment des enfants et des femmes. Malgré l'annonce de cessez-le-feu, les violations persistent, aggravant la situation humanitaire déjà critique.
Pour rappel, la Cour internationale de Justice (CIJ) a ordonné à Israël, le 26 janvier 2024, de prévenir tout acte de génocide à l'encontre des Palestiniens à Gaza et de permettre l'accès à l'aide humanitaire. De son côté, la Cour pénale internationale (CPI) a émis, le 21 novembre 2024, plusieurs mandats d'arrêt, notamment contre le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis dans la bande de Gaza.
Par ailleurs, Israël bloque l’entrée de toute aide humanitaire dans la bande de Gaza, invoquant des raisons de sécurité. Quelques autorisations minimes de passage de l'aide humanitaire ont été accordées, mais celles-ci demeurent largement insuffisantes pour répondre aux besoins de la population gazaouie.
Ce blocus a été condamné par plusieurs ONG, dont Médecins du monde, Oxfam et le Norwegian Refugee Council, qui alertent sur un "effondrement total" de l’aide humanitaire et dénoncent "l’un des pires échecs humanitaires de notre génération". Dans ce contexte, le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, a réaffirmé qu’"aucune aide humanitaire n’entrera à Gaza".