Monde

Raouda Mansour : la vétérinaire qui a transformé sa maison en refuge

-Aujourd'hui le refuge accueille 150 chats et 25 chiens

Nadia Chahed  | 19.08.2022 - Mıse À Jour : 02.10.2023
Raouda Mansour : la vétérinaire qui a transformé sa maison en refuge

Tunis

AA/Tunis/ Nadia Chahed

Faiez (le gagnant ou le victorieux), n’avait de la victoire que le nom jusqu’à ce qu’Audrey, une jeune française active dans la protection animale, décide de l’adopter et de l’emmener avec elle en France.

Un destin aussi incroyable que fabuleux pour un chat retrouvé, il y a environ huit mois dans la rue, dans un état très dégradé avec une patte totalement fracassée.

Ce destin il le doit en grande partie à Raoudha Mansour, vétérinaire tunisienne établie à Nabeul, qui dédie son art à l’amour et à la protection des animaux depuis plus d’une vingtaine d’années allant jusqu'à transformer sa propre maison en refuge où elle accueille aujourd'hui 150 chats et 25 chiens.

En effet c’est elle qui l’a pris en charge, l’opérant à trois reprises. Sa patte étant irrécupérable, on a dû l’amputer mais il s’en est plutôt bien sorti… Aujourd’hui il doit passer sa deuxième journée en France…

L’histoire de Faiez fait sourire et donne espoir quant au destin de tous les autres animaux qui résident encore au refuge et dans les rues tunisiennes, bien que du chemin reste à faire, regrette Raoudha Mansour dans un entretien à Anadolu.

• Adopter, un pas qui reste difficile à franchir

Il faut dire que l’adoption reste difficile malgré le réseau constitué par l’ASDM(Association de Soutien au Docteur Mansour), créée en mars 2019 par Mme Marie-Laure Chaudet et Mme Hayet Dhifallah dans le but d’apporter un soutien financier, matériel et humain aux actions du Dr Mansour.

Si en Tunisie la tradition de l’adoption notamment des chiens de rue est quasi inexistante, à l’échelle internationale, le processus demeure difficile à cause notamment de la complexité des procédures et des dossiers à fournir pour faire voyager un animal d'un pays à un autre.

Face à ce sombre tableau, Raoudha Mansour veut rester optimiste et espérer qu’un avenir meilleur attend tous les animaux de son refuge. En ce qui la concerne elle est décidée à continuer à se battre pour servir la cause animale en Tunisie.

Pour faire évoluer les choses, une prise de conscience collective est primordiale, un avis qu'elle partage avec un réseau de personnes qui s'activent dans la défense de la cause animale bravant une multitude d'obstacles, la perception citoyenne de l'animal en premier.

La maltraitance des animaux demeure, malheureusement, un phénomène très présent en Tunisie : des chatons nouveaux nés jetés dans les poubelles ou devant les marchés en passant par les chiens torturés, écrasés sur les routes ou jetés vivants dans les poubelles, le tableau est bien sombre.

Raoudha Mansour fait face à ces souffrances animales de manière quasi-quotidienne, il est rare, en effet, qu'une journée passe sans qu'on lui jette devant la porte de son cabinet, un chat ou un chien abandonné dans un carton. Souvent on lui ramène des animaux dans des états désespérés. Elle fait tout pour les sauver.

Atef, le chien atteint de leishmaniose, ramené de Sfax, Lucky, retrouvée les oreilles coupées dans une poubelle, ou encore King, vraisemblablement jeté d'un pont, sont les témoins de ce combat quotidien.

"Des histoires qui nous interpellent surtout sur le rapport que certains de nos concitoyens ont avec les animaux, qui nous poussent aussi à s'interroger si ces personnes sanguinaires ne représentent pas finalement un danger pour la société et leurs proches, la violence étant ancrée en eux", souligne Imen, une bénévole active dans le sauvetage des animaux.

Dans une publication récemment postée sur les réseaux sociaux Imen dénonce le retour à l'abattage des chiens dans plusieurs villes du pays.

• L’abattage des animaux n’a jamais été la solution

Aujourd'hui des voix s'élèvent en Tunisie pour dénoncer l'abattage des chiens, banni un moment, mais qui semble séduire certains responsables qui face à la pression citoyenne et les plaintes quant à la hausse du nombre de chiens de rue, n'ont trouvé d'autre solution que celle de donner la mort.

Les gouverneurs respectifs de Tunis et de Ben Arous ayant, récemment, émis des circulaires ordonnant l'abattage des chiens errants qui véhiculent, selon eux un danger.

Décisions rejetées par nombre de maires ainsi que par la société civile qui a organisé deux manifestations à Tunis.

Des courriers ont, également, été envoyés à la présidence et au Premier ministère par des collectifs citoyens, des courriers restés sans réponse, regrette Malika, l’une des fondatrices de Tunisia Animal Voices, collectif qui recueille images et témoignages de violences envers les animaux et interpelle les autorités et les associations tunisiennes.

Jointe par Anadolu, Malika rappelle que le Gouvernement tunisien avait pourtant promis en 2020 de rompre avec ces campagnes d’abattage, pratiquées par la police municipale en Tunisie.

Le collectif Tunisia Animals Voice avait, déjà, adressé une lettre au président tunisien en décembre 2021, dans laquelle il l’interpelle sur la nécessité de créer une loi de protection animale qui mettrait fin aux abattages et développerait la stérilisation et la vaccination des animaux errants. Il n'a toujours pas eu de réponse.

Pourtant les avis des spécialistes, les vétérinaires en premier, et les expériences réussies à l'échelle mondiale en matière de lutte contre la rage, prouvent que l'abattage n'a jamais été une solution.

Le pari de réduire le nombre de chiens errants ne saura se faire sans le programme TNVR (Trap, Neutrate, Vaccinate and Release), assure Raoudha Mansour soulignant que ce programme, utilisé dans plusieurs pays, a livré ses preuves.

Il s'agit d'attraper les animaux, de les vacciner contre la rage et de les stériliser avant de les relâcher.

Pour ce faire, on doit doter chaque gouvernorat d'un centre pour accueillir les animaux et les prendre en charge, explique notre interlocutrice.

S'agissant du coût d'une telle opération, elle note que recruter des chasseurs pour tuer les animaux coûte également de l'argent mais ne saura jamais résoudre le problème des chiens errants ni réduire leur nombre comme le pensent certains.

Sans oublier qu'abattre des animaux en les laissant abandonnés sur les routes représente une menace sanitaire pour les riverains et nuit considérablement à l'image de la Tunisie en tant que destination touristique, relève-telle encore.

Audrey Fitra confirme cet avis affirmant que ce n'est point le nombre de chiens errants qui risque de détourner les touristes mais plutôt l'abattage de ces animaux et les spectacles de carnage.

L'absence d'une volonté politique n'augure rien de bon en termes de protection animale, note Malika.

Protéger les animaux de rue et leur assurer de meilleures conditions de vie ne saura se faire sans un engagement de la classe politique et des décideurs, renchérit de son côté, Dr Mansour ajoutant que "nos dirigeants doivent discuter avec les défenseurs de la cause animale, les écouter et prendre conscience de leurs doléances".

• S’inspirer des expériences réussies à l’échelle internationale

On doit s’inspirer des expériences qui ont montré leur preuve dans d’autres pays comme l’expérience turque en particulier celle de la ville d’Istanbul où la mairie a mis en place un centre de prise en charge des animaux errants où des vétérinaires payés par la mairie leur donnent tous les soins dont ils ont besoin, aussi bien la vaccination que la stérilisation.

On doit réfléchir à doter nos mairies de refuges et de centres d’accueil et de stérilisation pour les animaux… ces centres peuvent être totalement gérés par les collectivités locales ou en collaboration avec des associations, explique-t-elle.

En Tunisie, des initiatives similaires ont vu le jour dans certaines villes comme à l’Ariana, Tunis ou Soliman mais ça demeure limité faute de moyens et surtout de volonté.

• Eduquer nos enfants au respect de l’animal et pénaliser les maltraitances animales

En attendant les décisions politiques idoines qui risquent de tarder à venir, il est essentiel de penser à établir de meilleurs rapports animal-citoyen, à travers l'éducation des enfants, souligne Raoudha Mansour. "On doit apprendre à nos enfants à aimer et à respecter les animaux, leur apprendre à ne pas les agresser", explique-t-elle.

Elle estime, en outre, que la mise en place de lois pénalisant les combats organisés d’animaux et toute forme de maltraitance animale est essentielle pour mettre fin à toutes les tortures ciblant les animaux.

Aujourd'hui la seule loi dont on dispose pénalise celui qui maltraite un animal en public d'une amande de 4,5 dinars et prévoit des peines pouvant aller jusqu'à 15 jours de prison qui n'a jamais été appliquée, précise-t-elle enfin.

https://www.soutien-au-dr-mansour.org/

02.10.2023

Raouda Mansour : la vétérinaire qui a transformé sa maison en refuge

Faiez (le gagnant ou le victorieux), n’avait de la victoire que le nom jusqu’à ce qu’Audrey, une jeune française active dans la protection animale, décide de l’adopter et de l’emmener avec elle en France.

Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.