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Qui est Chrystia Freeland, cheville ouvrière du gouvernement Trudeau ?

Entrée en politique il y a 6 ans après une brillante carrière journalistique, l’ancienne MAE, Freeland, polyglotte et auteure à succès mondial, est en sa qualité de vice-première ministre, la clé de voûte du cabinet Trudeau.

Lassaad Ben Ahmed  | 04.12.2019 - Mıse À Jour : 06.12.2019
Qui est Chrystia Freeland, cheville ouvrière du gouvernement Trudeau ?

Canada

AA / Montréal / Hatem Kattou

Chrystia Freeland, l’actuelle vice-première ministre canadienne n’est pas seulement la récipiendaire du prix de la meilleure diplomate de l’année 2017 décernée par le prestigieux magazine « Foreign Policy », mais elle pourrait prétendre également à un Oscar, tant elle dispose de qualités d’une actrice utilisées à bon escient.

- Une actrice née

La scène se déroule en octobre 2016. Freeland, qui participait aux négociations devant aboutir à la conclusion de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre les trois pays de l’Amérique du Nord, a quitté avec fracas une réunion, pour annoncer, au bord des larmes, aux médias, l’échec des pourparlers.

Quelques mois après la signature de l’Accord, entériné seulement par le Mexique, jusqu’à date, Freeland avoue avoir monté son coup de manière théâtrale et émotionnelle pour, a-t-elle dit, culpabiliser des Américains, un peu trop rigides et cramponnés dans leurs positions, et les pousser ainsi à signer.

Un an et demi plus tôt, alors qu’elle menait d’autres négociations de libre-échange, cette fois-ci avec l’Union européenne, la même Freeland, a versé les larmes, pour de vrai cette fois-ci, au terme d’une harassante nuit blanche d’intenses négociations et particulièrement après les menaces du représentant de la Wallonie belge de faire échouer les négociations in extremis.

-Une négociatrice/diplomate habile

Cependant, à côté de ses talents d’actrice, Chrystia, du haut de ses 1 m 52 et de ses 52 ans, fait montre d’une détermination inébranlable et d’une ténacité à toute épreuve pour batailler, résister et vaincre, notamment lorsqu’il s’agit de faire face à des alliés pas toujours faciles à manier.

En janvier 2017, le Premier ministre Justin Trudeau lui a confié le portefeuille des Affaires étrangères alors qu'elle était ministre du Commerce extérieur. L’objectif était de contrer la déferlante Trump -qui venait d’être élu par les Américains- et le protectionnisme qu’il véhiculait à souhait.

Mission réussie. Chrystia Freeland s’est acquittée de sa tâche avec brio, en parvenant à arracher un accord équitable mais surtout satisfaisant pour le Canada.

Aussi, ses talents de négociatrice ne sont pas passés inaperçus et lui ont valu de figurer, en avril 2019, au 37ème rang du classement Forbes des plus grands leaders mondiaux, grâce, notamment, à ses « solides compétences de négociation ». Une consécration s’il en est.

Une carrière dans le journalisme

Avant d’entrer en politique en tant que députée, profitant d’une élection partielle au mois de novembre 2013, dans la circonscription de Toronto Centre, Freeland, née dans la province anglophone de l’ouest canadien, l’Alberta, d’un père fermier et d’une mère avocate, d’origine ukrainienne, a évolué dans un autre monde aussi passionnant que celui de la politique : le journalisme.

En effet, au terme de brillantes études dans les universités de Harvard et d’Oxford, Freeland s’est engagée en tant que journaliste, plus précisément en tant que correspondante de journaux américains (Financial Times, Washington Post et The Economist) en Ukraine, dont elle maîtrise la langue, tout comme le russe, l’italien, du français et, bien évidemment, l’anglais.

Freeland a, par la suite, gravi les échelons dans ce monde journalistique, aux confins du politique, pour être successivement rédactrice en chef adjointe du premier journal canadien, Globe and Mail, rédactrice en chef adjointe au Financial Times, et… rédactrice en chef pour les États-Unis.

Une carrière époustouflante ponctuée par un passage chez l’agence de presse Reuters, depuis 2010, avant de décider, trois ans plus tard, de rentrer au bercail et de se lancer dans l’arène de la politique, sous la bannière du Parti Libéral du Canada. (PLC).

Auteure à succès

Parallèlement à ses engagements et à ses occupations en journalisme et en politique, Freeland est une auteure à succès. En 2000, elle a publié un ouvrage intitulé « Le marché du siècle: l'histoire interne de la deuxième révolution russe».

Notons que Freeland est une fine observatrice de la scène russe dans la mesure où elle a résidé, plusieurs années durant, dans un pays voisin, l’Ukraine, dont sa mère est originaire.

Cette « sensibilité ukrainienne » l’a poussée en tant que ministre à condamner vigoureusement l’annexion par la Russie, en 2014, de la péninsule de la Crimée.

Depuis, Chrystia Freeland est "persona non grata" à Moscou.

Douze ans après cet ouvrage, la journaliste a publié un livre à succès planétaire avec comme titre évocateur, « Ploutocrates: l'ascension du nouveau super mondial riche et la chute de tout le monde », qui lui a valu d’obtenir plusieurs prix prestigieux.

- Et Maintenant ?

Après avoir occupé avec brio le poste de cheffe de la diplomatie canadienne depuis janvier 2017, Freeland vient d’être promue par Justin Trudeau après les élections fédérales d’octobre dernier en la nommant vice-première ministre et ministre des Affaires intergouvernementales, une sorte de Chef de gouvernement bis qui fait office de cheville ouvrière aux multiples facettes et aux missions diverses.

Il s’agit de la deuxième femme, après Anne McLellan, à occuper ce poste, resté vacant depuis treize ans durant les mandats du conservateur Stephen Harper et même lors du premier mandat de Justin Trudeau, qui se voit « contraint » de récréer ce portefeuille à nouveau.

Mais si ce poste revêt plutôt une dimension honorifique, celui de ministre des Affaires intergouvernementales a une importance cruciale.

De nombreux observateurs avancent que Justin Trudeau, après avoir mis à contribution les talents reconnus et confirmés de la négociatrice Freeland à l’échelle internationale, à la tête de la diplomatie canadienne pour discuter avec les Européens et les Américains, il a fait appel à elle pour bénéficier de ces mêmes talents, mais intra-muros cette fois-ci.

En effet, c’est le Canada qui a besoin d’être préservé, plus précisément son unité, avec la montée du Bloc québécois et son souverainisme ombrageux (33 députés au parlement fédéral), l’élection de premiers ministres provinciaux conservateurs et moins ouverts sur les autres régions, l’accentuation des conflits et des divisions entre provinces de l’est et de l’ouest, et surtout avec la recrudescence de la grogne dans l’ouest et l’émergence en Alberta du "Wexit", inspiré du "Brexit" britannique, sans omettre les sempiternelles et latentes aspirations à l’indépendance du Québec.

Voici, donc, la prochaine mission de la brillante oratrice, diplomate chevronnée et habile négociatrice, Chyrstia Freeland, durant les prochaines années, du moins, jusqu’à 2021, échéance politique probable du gouvernement minoritaire formé par les Libéraux après leur succès étriqué aux Fédérales.

Réussira-t-elle ? Wait and see…


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