Près de la moitié des sites du patrimoine mondial menacés par le changement climatique, selon l’IUCN
- L’IUCN alerte : près de la moitié des sites naturels et culturels de l’UNESCO sont désormais à risque élevé ou très élevé face au changement climatique

Ankara
AA / Istanbul et Ankara / Yesim Yuksel et Merve Berker
Près de 50 % des sites naturels et culturels classés au patrimoine mondial de l’UNESCO sont désormais exposés à un risque « élevé » ou « très élevé » en raison du changement climatique, selon le dernier rapport World Heritage Outlook 4 de l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), qui appelle à une action climatique mondiale renforcée pour protéger ces écosystèmes irremplaçables.
Le rapport a évalué 271 sites désignés par l’UNESCO pour leur importance naturelle et culturelle et a constaté que 117 d’entre eux, soit environ 43 %, sont confrontés à des niveaux de menace « élevés » ou « très élevés » liés au changement climatique.
Ce chiffre représente une nette augmentation par rapport à 2020, lorsque 33 % des sites étaient exposés à un tel risque, et à 2017, où le taux s’élevait à 27 %.
Selon l’IUCN, le changement climatique demeure non seulement le plus grand danger pour les sites patrimoniaux, mais aussi celui dont la progression est la plus rapide.
Entre 2020 et 2025 seulement, le nombre de sites soumis à une menace sévère due aux impacts climatiques a augmenté de 31.
Tim Badman, directeur du programme Patrimoine mondial et culture de l’IUCN, a déclaré à Anadolu que les évaluations du rapport servent de projection pour l’état de conservation de chaque site, et que l’augmentation des zones touchées au cours de la dernière décennie souligne le besoin urgent d’une action climatique renforcée.
Il a noté que les changements des régimes d’inondations saisonnières modifient déjà l’hydrologie et les écosystèmes, que les vagues de chaleur marine entraînent le blanchissement des coraux et que la montée du niveau de la mer transforme la dynamique de la sédimentation et de la salinité.
La fonte des glaciers, a-t-il précisé, modifie les flux d’eau et augmente le risque de glissements de terrain, tandis que les changements dans les précipitations provoquent la désertification dans certaines régions et des inondations dans d’autres.
Le rapport a révélé que les sites abritant une biodiversité importante subissent les plus grandes pertes.
En 2014, 71 % de ces zones étaient considérées en bon état ou à faible risque, contre seulement 52 % en 2025, le niveau le plus bas jamais enregistré.
La perspective générale de conservation continue également de se détériorer.
En 2014, 63 % des sites avaient une perspective positive, tandis que la dernière évaluation montre un déclin à 57 %.
L’IUCN a averti que cela constitue un revers majeur pour la protection de la biodiversité mondiale.
- Espèces invasives et maladies : deuxième menace mondiale la plus sérieuse
Le rapport indique que les espèces invasives et les maladies émergent comme la deuxième menace mondiale la plus sérieuse.
Le nombre de sites signalant des menaces élevées ou très élevées dues aux agents pathogènes est passé de deux en 2020 à 19 en 2025, tandis que les espèces invasives continuent de se propager rapidement.
Le tourisme, le développement urbain et l’expansion industrielle restent également des pressions majeures.
Depuis 2020, le nombre de sites patrimoniaux confrontés à de fortes menaces liées aux activités touristiques a augmenté de 4 %, celles proches des zones résidentielles de 5 % et celles situées dans des zones commerciales ou industrielles de 3 %.
L’analyse de l’IUCN a classé les 271 sites en quatre groupes : « bon », « bon avec certaines préoccupations », « préoccupation importante » et « critique ».
Selon le rapport, la Pamukkale en Türkiye est évaluée comme « bon avec certaines préoccupations », tandis que le parc national de Goreme en Cappadoce a été rétrogradé en « préoccupation importante ».
Badman a précisé que cette rétrogradation est probablement liée au nombre élevé de visiteurs et à l’augmentation du trafic automobile dans la région.
En plus d’identifier les risques, le rapport a évalué les actions locales entreprises face aux menaces climatiques.
Il a constaté que 42 % des sites mettent déjà en œuvre des mesures d’adaptation efficaces ou très efficaces.
Cependant, Badman a souligné que davantage d’efforts sont nécessaires, tant au niveau local que mondial, pour renforcer la résilience et les mesures d’atténuation.
- Différences régionales liées au changement climatique
Il a ajouté que le dernier rapport de l’IUCN, couvrant les années 2014, 2017, 2020 et 2025, montre que les impacts liés au climat deviennent de plus en plus répandus et sévères.
Si le changement climatique reste la menace globale la plus fréquente, des différences régionales persistent.
En Afrique, les principales pressions sont le braconnage, la déforestation et l’exploitation minière, tandis qu’en Amérique du Sud, les activités touristiques ont dépassé l’élevage comme principale menace.
Badman a insisté sur le fait que ces conclusions doivent être considérées comme un avertissement pour les décideurs politiques.
Il a souligné que les pays doivent renforcer leurs engagements de réduction des émissions dans le cadre de l’Accord de Paris et fixer des objectifs ambitieux pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels.
Il a également mis en avant la politique d’action climatique de l’UNESCO pour le patrimoine mondial comme cadre essentiel pour guider les efforts au niveau mondial et local.
Le document met en avant l’adaptation, l’atténuation, l’innovation et la recherche comme éléments clés de la conservation durable du patrimoine.
- IUCN engagée à soutenir la conservation locale
Malgré ces tendances alarmantes, l’IUCN a signalé plusieurs réussites locales en matière de conservation.
Des initiatives communautaires et dirigées par les populations autochtones, comme la réserve de biosphère des papillons monarques au Mexique et le parc naturel de Tubbataha Reefs aux Philippines, ont été citées comme des exemples positifs d’adaptation au climat et de protection des ressources.
Badman a déclaré que l’IUCN s’engage à soutenir ces approches collaboratives mais a averti que l’ampleur des actions actuelles reste insuffisante.
Il a décrit l’augmentation sur dix ans des sites patrimoniaux affectés par le climat comme un signal clair que des mesures coordonnées et urgentes sont nécessaires.
Selon l’IUCN, les sites naturels du patrimoine mondial jouent un rôle vital dans le stockage du carbone, la régulation de l’eau et la prévention des catastrophes.
Les perdre à cause du changement climatique aurait, selon l’organisation, des conséquences profondes pour l’environnement et le bien-être humain.
« Le nombre croissant de sites à haut risque est un appel incontestable à une action climatique urgente et renforcée », conclut le rapport.
« Les sites du patrimoine mondial ont une valeur universelle exceptionnelle. Les protéger, c’est protéger l’héritage naturel de notre planète. »
*Traduit de l'anglais par Wafae El Baghouani
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