Procès Lafarge : Examen des relations entre l'entreprise et les services secrets français
- « Il existe des preuves qu'il y a eu de nombreuses réunions entre Jean-Claude Veillard et la DGSI. »
Ile-de-France
AA / Paris / Esra Taskin
Lors du procès intenté contre le cimentier français Lafarge à Paris pour « financement d'une organisation terroriste », la cour a examiné les relations entre l'entreprise et les services de renseignement français.
Le procès de Lafarge, en tant que personne morale et de huit personnes, pour « financement d'une organisation terroriste » dans le cadre de leurs activités en Syrie en 2013-2014 se poursuit devant le tribunal correctionnel de Paris.
Lors de l'audience de lundi, un témoin membre de la DGSI (direction générale de la Sécurité intérieure), dont l'identité est tenue secrète, a répondu aux questions des avocats en participant à l'audience en ligne.
Le témoin a expliqué qu'il travaillait au sein du département de lutte contre le terrorisme de la DGSI, où ils surveillaient les personnes quittant la France pour rejoindre des organisations terroristes en Syrie.
À la question de savoir si la DGSI avait contacté Lafarge, le témoin a répondu : « Ce n'est pas notre rôle de contacter les entreprises françaises. »
Le témoin a déclaré que personne au sein des services de renseignement, y compris lui-même, n'avait été en contact avec Lafarge, ajoutant : « La DGSI n'a pas demandé de renseignements aux employés de Lafarge. »
Quant à savoir si des réunions avaient eu lieu entre les responsables de Lafarge et la DGSI, le témoin a déclaré : « Personne du département antiterroriste de la DGSI n'a participé à ces réunions. »
« Il existe des preuves de nombreuses réunions entre Veillard et la DGSI »
L'avocate de Christian Herrault, ancien directeur adjoint de Lafarge chargé des opérations entre 2012 et 2015, Solange Doumic, a rappelé que lors de l'enquête, les services de renseignement français avaient demandé la levée du secret sur différents documents liés à l'affaire Lafarge.
L'avocate a indiqué que ces documents et différents courriels montraient qu'il y avait eu des contacts réguliers entre l'ancien directeur de la sécurité de Lafarge, Jean-Claude Veillard, et la DGSI.
Elle a affirmé qu'il existait des preuves que Veillard avait transmis à la DGSI certaines cartes relatives à la région, ajoutant, en référence au dossier de l'affaire : « Il existe des preuves qu'il y a eu de nombreuses réunions entre Jean-Claude Veillard et la DGSI. »
Jacob Waerness, accusé ayant travaillé pendant un certain temps pour les services de renseignement norvégiens et comme agent de sécurité chez Lafarge entre 2011 et 2013, a affirmé avoir des informations limitées sur les négociations menées par l'entreprise avec les organisations présentes dans la région concernant l'ouverture des routes autour de la cimenterie.
Le prévenu jordanien Ahmad Al Jaloudi, qui a travaillé comme agent de sécurité chez Lafarge en 2013-2014, a déclaré avoir été informé dès septembre 2013 que l'organisation terroriste Daech contrôlait des points de contrôle en Syrie.
- L'AA a publié des documents prouvant que Lafarge a financé Daech
Le 7 septembre 2021, l'Agence Anadolu (AA) a publié des documents prouvant que la société française Lafarge a financé l'organisation terroriste Daech à la connaissance des services de renseignement français, documents qui ont eu un large écho dans le monde entier.
Selon ces documents, Lafarge a constamment informé les services de renseignement français de ses relations avec l'organisation terroriste Daech. Les services de renseignement et les institutions publiques français n'ont pas averti Lafarge qu'elle commettait un crime contre l'humanité en finançant le terrorisme et l'ont admis dans des procès-verbaux secrets. Daech a utilisé le ciment fourni par Lafarge pour construire des abris et des tunnels.
Dans le cadre de l'enquête ouverte en juin 2017 sur l'entreprise, certains cadres supérieurs, dont le président du conseil d'administration de Lafarge, Bruno Lafont, ont été accusés de « financement du terrorisme ».
L'accusation de « complicité de crimes contre l'humanité » portée contre l'entreprise en juin 2018 a été abandonnée en novembre 2019.
Les parties civiles intervenantes dans l'affaire, l'organisation de lutte contre la corruption Sherpa et le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains, ont fait appel de l'abandon des poursuites devant la Cour de cassation.
Le 7 septembre 2021, la Cour de cassation française a rendu une décision ouvrant la voie à l'inculpation de Lafarge pour « complicité de crimes contre l'humanité » pour avoir financé des terroristes de l'État islamique en Syrie.
La cour d'appel de Paris avait approuvé, le 18 mai 2022, l'ouverture d'une enquête pour « complicité de crime contre l'humanité » à l'encontre du cimentier français Lafarge, dont les documents obtenus par l'AA prouvaient qu'il avait financé l'organisation terroriste Daech en Syrie.
En janvier 2024, la Cour de cassation française avait rejeté la demande de rejet des accusations de « complicité de crime contre l'humanité » portées contre le géant du ciment Lafarge et décidé de poursuivre l'enquête.
Les trois juges d'instruction chargés de l'enquête avaient décidé, le 16 octobre 2024, de renvoyer le groupe Lafarge et quatre anciens dirigeants de l'entreprise devant le tribunal correctionnel pour avoir financé une organisation terroriste et enfreint l'embargo de l'Union européenne interdisant toute relation financière et commerciale avec des organisations terroristes, dont Daech.
* Traduit du turc par Tuncay Çakmak
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