
Istanbul
AA / Istanbul / Serdar Dincel
La Türkiye a dirigé, coordonné ou soutenu l’ensemble des réunions consacrées à la Palestine lors de la 80ᵉ session de l’Assemblée générale des Nations Unies, a déclaré samedi le ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan.
Ankara a défendu la cause palestinienne avec la plus grande fermeté, a-t-il affirmé devant la presse à la Maison turque (Türkevi) à New York.
La question palestinienne et la situation à Gaza ont constitué « le point le plus important à l’ordre du jour de cette semaine de l’Assemblée générale », a-t-il ajouté.
Soulignant que le président turc Recep Tayyip Erdogan avait été l’initiateur intellectuel de la réunion sur la bande de Gaza, laquelle a réuni les dirigeants de huit États membres de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), ainsi que le président américain Donald Trump, Hakan Fidan a déclaré : « Lors de cette rencontre, en tant que groupe de pays représentant une population musulmane de près de 800 millions d’habitants, nous avons clairement fait part au président Trump de nos attentes concernant Gaza. » « Nous avons allégué qu’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza devait être instauré immédiatement et qu’il était essentiel de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire dans la région. », assure-t-il.
« Nous avons collectivement souligné que l’annexion de la Cisjordanie par Israël est totalement inacceptable et que nous nous opposons à toute tentative de contraindre le peuple de Gaza à fuir sa terre natale », a-t-il déclaré.
Exprimant l’espoir qu’un élan positif puisse se dégager autour des questions qu’ils ont soulevées, le ministre turc des Affaires étrangères a indiqué que des signes préliminaires semblent le confirmer.
Le chef de la diplomatie turc a qualifié de « développement très significatif » la déclaration de certains pays occidentaux reconnaissant l’État de Palestine pendant et immédiatement avant l’Assemblée générale.
« Ce résultat constitue également une concrétisation de notre travail au sein du Groupe de contact conjoint Ligue arabe — Organisation de la coopération islamique. Nous continuerons toujours à défendre la cause juste des Palestiniens sur toutes les plateformes », a-t-il souligné.
Soulignant l’importance de la réunion sur Gaza, Hakan Fidan a insisté : « La semaine prochaine, le Premier ministre israélien se rendra aussi à Washington. Il est important pour nous que les États-Unis jouent un rôle central dans l’ensemble de ce processus et exercent leur influence sur Israël. »
« Pour amener les États-Unis à ce point, la procédure diplomatique, la stratégie et les étapes relationnelles devaient être soigneusement calculées et mises en œuvre, une par une. »
Insistant sur le fait que les priorités actuelles sont l’instauration d’un cessez‑le‑feu à Gaza, l’arrêt du massacre des civils et l’acheminement rapide de l’aide humanitaire, le ministre turc des Affaires étrangères a indiqué qu’un document est en préparation, qui donne la priorité à un accord de cessez‑le‑feu tout en traitant parallèlement d’autres questions.
« Nous avons apporté nos contributions en tant que pays concernés. Les négociations se poursuivent. Nous continuerons à faire tout ce qui est en notre pouvoir, en mobilisant toute notre créativité et notre force, sur cette voie », a-t-il affirmé.
Soulignant qu’un « nombre record de pays » a désormais reconnu l’État de Palestine, Hakan Fidan a insisté sur le fait que la Türkiye vise à mettre fin à « l’oppression historique » du peuple palestinien.
Interrogé sur la position de la Türkiye concernant un plan de reconstruction post‑conflit pour Gaza, élaboré par le Tony Blair Institute (TBI), fondé par l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, le ministre turc des Affaires étrangères a précisé que son pays n’avait pas encore reçu de document clair et concret, tel qu’un « plan Blair ».
Clarifiant que la Türkiye n’a pas été impliquée dans un tel plan, Hakan Fidan a déclaré qu’Ankara participe uniquement aux efforts en vue d’un cessez‑le‑feu que Washington peut également accepter, ainsi qu’à l’élaboration d’un plan-cadre visant à panser les blessures à Gaza, ajoutant que les négociations sur cette question se poursuivent.
Les parties palestinienne et israélienne doivent par ailleurs approuver ce processus, a souligné Fidan. « Nous utiliserons notre influence auprès des Palestiniens. Les Américains exerceront la leur auprès d’Israël afin de mettre en œuvre ce mécanisme. »
« Tony Blair pourra se voir attribuer un rôle, notamment pour l’organisation de l’aide internationale à un moment donné ; il s’agit là d’une question distincte. Mais ce sur quoi nous, en tant que pays du Groupe de contact, concentrons notre attention avec vigilance, c’est que, suite à un éventuel accord de cessez‑le‑feu, Gaza soit de nouveau administrée par les Palestiniens eux‑mêmes », a‑t‑il noté.
- Rencontre Erdogan‑Trump et relations Türkiye‑États-Unis
Hakan Fidan a souligné que les visites d’Erdogan à New York et à Washington avaient été extrêmement productives, tant en termes de contacts d’Ankara au sein du cadre de l’ONU que de relations avec Washington.
Concernant la rencontre entre Erdogan et Trump à Washington, Fidan a indiqué que les deux dirigeants ont discuté de questions régionales et mondiales, ajoutant qu’Erdogan a soulevé la question palestinienne et mis en avant des enjeux importants pour la Türkiye.
La priorité principale abordée a été l’instauration rapide d’un cessez‑le‑feu à Gaza, et Erdogan a également souligné les risques posés par les politiques expansionnistes d’Israël dans la région, a précisé Fidan.
Sur la Syrie, il a ajouté que « les deux pays s’accordent sur le fait que l’intégrité territoriale et l’unité politique de la Syrie doivent être préservées ».
Les deux dirigeants ont aussi évoqué les mesures conjointes pouvant être prises pour mettre fin à la guerre russo‑ukrainienne et l’intensification de la coordination entre la Türkiye et les États-Unis au sein de l’OTAN, a souligné le ministre turc des Affaires étrangères.
Fidan a précisé qu’Erdogan a invité Trump à se rendre en Türkiye, notamment dans le cadre d’un sommet de l’OTAN prévu à Ankara l’année prochaine.
Les parties sont également convenues que « des questions telles que les sanctions CAATSA (Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act), qui entravent le renforcement de nos relations, doivent être résolues », a-t-il insisté.
Des mesures potentielles dans le domaine de l’industrie de défense ont été discutées, a ajouté Fidan. « Nous travaillerons sur des projets concrets pour faire progresser les relations économiques et commerciales de manière équilibrée et atteindre un volume commercial de 100 milliards de dollars. »
« À l’issue de notre visite, nous avons constaté que les deux pays souhaitent approfondir leur coopération sur la base du respect mutuel », a‑t‑il souligné, rappelant qu’Erdoğan et Trump partagent une volonté commune dans cette direction.
- L’existence de restrictions juridiques entre deux pays de l’OTAN constitue un « problème majeur »
Concernant les sanctions CAATSA imposées par les États-Unis à la Türkiye, Hakan Fidan a déclaré que l’existence d’une restriction juridique entre deux alliés de l’OTAN, qui les empêche de se fournir mutuellement certains équipements, constituait un « problème systémique majeur ».
Soulignant que des questions techniques liées aux avions de combat F‑35 et à l’avion de combat national KAAN sont en attente au Congrès américain, il a ajouté : « Les limitations systémiques dans nos relations avec les États-Unis nous pousseront inévitablement à adopter des approches différentes au sein du système international.
Nous développons déjà nos propres capacités », a‑t‑il déclaré, tout en précisant qu’aucun pays n’est autosuffisant et que les États doivent donc disposer d’une culture d’alliance et d’un écosystème industriel de défense.
Fidan a indiqué, lors d’une réunion à laquelle il a participé, que des responsables américains ont demandé que les technologies produites par l’entreprise turque de défense Baykar puissent servir de base de production pour les États-Unis, ajoutant que la question des sanctions CAATSA n’était pas unilatérale, mais devenait désormais bilatérale, suite au développement des compétences propres de la Türkiye.
Le ministre turc des Affaires étrangères a précisé que les présidents des deux pays ont la volonté de régler tous les différends dans leurs relations.
- La Syrie « importante » pour la région et la sécurité de la Türkiye
Hakan Fidan a déclaré que les questions liées à la Syrie étaient importantes pour la sécurité régionale et pour celle de la Türkiye.
Des millions de Syriens vivent encore hors de leur pays en tant que « réfugiés », et pour que cette situation prenne fin, la Syrie doit atteindre une stabilité durable et envoyer des signaux clairs, a‑t‑il souligné.
Affirmant qu’une nouvelle perception de menace s’est fait jour dans la région, notamment en Syrie, à la suite des attaques israéliennes, Fidan a précisé que la Syrie connaissait des problèmes et des menaces propres à son intégrité sociale, tout en souffrant de difficultés économiques et infrastructurelles héritées de l’ère du régime de Bachar al‑Assad, ainsi que des ravages laissés par la guerre civile.
La Türkiye, d’autres pays de la région, l’Union européenne et les États‑Unis sont rapidement parvenus à un consensus pour soutenir la nouvelle administration en Syrie et contribuer à panser les blessures du pays, et l’unité d’action avait déjà commencé, a‑t‑il souligné, précisant qu’à ce moment-là, les attaques israéliennes ont commencé à modifier l’équation.
« Comment résoudre cette situation ? Les efforts pour y parvenir se poursuivent. Nos frères et sœurs syriens tiennent des discussions à ce sujet, et nous apportons notre soutien. Nous menons des discussions et soulevons très fréquemment cette question auprès des Américains.
Nous discutons également avec les pays de la région. Il s’agit d’une question cruciale. Nous nous efforçons de la résoudre par les moyens diplomatiques les plus appropriés », a‑t‑il ajouté.
Les questions-cadres liées à la menace potentielle et existante posée par l’organisation terroriste PKK/YPG, qui utilise le nom de Forces démocratiques syriennes (FDS), sont constamment à l’ordre du jour, a indiqué Fidan, précisant que le groupe est surveillé en permanence, à la fois bilatéralement et trilatéralement.
Les processus de négociation entre le gouvernement syrien et les FDS sont suivis de près, a-t-il souligné, ajoutant que les États-Unis disposent d’évaluations et de directives concernant l’évolution de leurs positions et de leur rôle sur cette question.
- La Türkiye prête à agir en Syrie pour prendre les mesures nécessaires
Hakan Fidan a déclaré que l’objectif de la Türkiye est de favoriser la création d’un environnement où sa sécurité nationale n’est pas menacée et où aucun groupe, minoritaire ou majoritaire, y compris le peuple kurde en Syrie, ne se sent en danger.
Il a ajouté qu’Ankara est « prête à fournir et à prendre toutes les mesures nécessaires sur le plan politique, économique, institutionnel, militaire et sécuritaire pour atteindre cet objectif ».
« La Türkiye est prête à agir non pas unilatéralement, mais en coopération avec ses partenaires et parties prenantes dans la région », a‑t‑il précisé.
*Traduit de l'anglais par Ben Amed Azize Zougmore