Neuf hommes jugés à Paris après un naufrage meurtrier de migrants dans la Manche
– Le drame avait coûté la vie à sept migrants afghans en août 2023. Le procès doit permettre de remonter les filières de passeurs.
Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
Neuf hommes comparaissent depuis ce mardi devant le tribunal correctionnel de Paris pour leur rôle présumé dans un naufrage survenu dans la Manche en 2023, qui avait entraîné la mort de sept migrants.
Cite par L'Humanité, le tribunal a confirmé que les prévenus – deux Irakiens, six Afghans et un Soudanais – sont poursuivis pour homicide involontaire, mise en danger d’autrui, aide à l’entrée ou au séjour irrégulier et association de malfaiteurs. Un dixième suspect, un Soudanais mineur au moment des faits, sera jugé séparément par un tribunal pour enfants.
Le drame s’est déroulé dans la nuit du 11 au 12 août 2023. Soixante-cinq personnes avaient embarqué à bord d’un petit bateau pneumatique surchargé depuis une plage proche de Calais. Une panne de moteur en pleine mer a conduit à un naufrage brutal. Les victimes, toutes d’origine afghane et sans gilets de sauvetage, ont été éjectées dans l’eau glacée. Six corps ont été repêchés en mer, un septième a été retrouvé sur une plage néerlandaise.
L’enquête a révélé ce que les juges d’instruction qualifient dans leur ordonnance de renvoi de « système organisé et structuré sur les territoires français et allemand », destiné à faire passer illégalement des migrants vers le Royaume-Uni. Ce réseau, selon les magistrates, était en grande partie contrôlé par une « communauté irako-kurde » opérant entre l’Allemagne, utilisée comme base logistique, et la France. Une « filière afghane » aurait été chargée du recrutement des candidats au passage.
Les enquêteurs décrivent une organisation « extrêmement flexible », fonctionnant sur des bases sociales et claniques, parfois violente, et à la rentabilité redoutable. Les survivants ont affirmé avoir payé entre 1 300 et 1 500 euros chacun pour tenter la traversée. Les magistrates soulignent également que ce type d’activité illégale s’appuie sur « l’exercice de violences y compris avec arme et de menaces ».
Les deux Soudanais soupçonnés d’avoir piloté l’embarcation rejettent les accusations. Les juges ont toutefois tenu à préciser que leur rôle supposé ne saurait occulter celui, plus structurant, des organisateurs du trafic.
Ce procès, prévu jusqu’au 18 novembre, s’inscrit dans un contexte de multiplication des traversées de la Manche. Depuis 2018, elles ont explosé malgré les dispositifs de sécurité renforcés. L'Humanité rappelle qu'en juin 2025, un autre tribunal avait déjà condamné neuf hommes à Lille pour un naufrage survenu en décembre 2022, qui avait fait huit morts.
Pour rappel, les traversées de la Manche en petits bateaux sont devenues de plus en plus mortelles : selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), au moins 152 personnes ont perdu la vie entre 2018 et mi-2025 en tentant ce trajet. L’année 2024 a été particulièrement dramatique, avec 73 décès recensés, faisant d’elle l’année la plus meurtrière jamais enregistrée sur cette route migratoire.
