Netanyahu, de plus en plus isolé sur la scène internationale, cherche une issue dans un rapprochement avec Mitsotakis
- Le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis attend un soutien politique et militaire du gouvernement israélien de Benjamin Netanyahu, de plus en plus isolé face aux réactions internationales liées à la situation à Gaza
Istanbul
AA / Jérusalem / Faruk Hanedar
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis et le dirigeant de l’administration chypriote grecque de Chypre du Sud (RTCN), Nikos Christodoulidis, se sont réunis à Jérusalem-Ouest, où ils ont tenu une conférence de presse conjointe.
Les trois dirigeants ont, dans leurs interventions, mis l’accent sur le renforcement de la coopération, notamment dans les domaines de la défense et d’autres secteurs.
- « Nous sommes convenus d’approfondir la coopération en matière de sécurité et de défense »
S’exprimant lors de la conférence de presse, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a indiqué que le sommet avait permis d’examiner en détail la coopération dans de nombreux domaines, en premier lieu la sécurité, mais aussi l’énergie, la technologie et d’autres secteurs.
Il a précisé que les parties travailleraient ensemble à la mise en œuvre du Corridor économique Inde–Moyen-Orient–Europe (IMEC), affirmant que ce projet, comprenant des liaisons maritimes, ferroviaires et énergétiques, devait devenir une réalité. Il a ajouté que les discussions avaient porté sur les modalités de sa concrétisation et qu’il aborderait également ce dossier lors de sa rencontre avec le président américain Donald Trump.
Affirmant qu’Israël est un leader technologique, Netanyahu a soutenu que son pays, en coopération avec la Grèce et l’administration chypriote grecque, façonnerait l’avenir de la région grâce aux technologies de pointe. Il a annoncé que les parties s’étaient accordées pour approfondir leur coopération dans des domaines tels que l’intelligence artificielle, la cybersécurité et la recherche avancée.
Le Premier ministre israélien a également déclaré que les dirigeants partageaient la volonté d’élargir les accords d’Abraham et de soutenir l’avenir du Liban. « Nous sommes convenus d’approfondir la coopération en matière de sécurité et de défense », a-t-il affirmé.
Netanyahu a par ailleurs soutenu que certaines forces cherchaient à rétablir une domination historique sur Israël, la Grèce et l’administration chypriote grecque, ajoutant : « Nous sommes déterminés à nous défendre et nous en avons la capacité. »
À la suite d’une question d’un journaliste israélien adressée aux dirigeants invités sur le message à transmettre à la Türkiye, des responsables du bureau du Premier ministre israélien sont intervenus pour indiquer que les dirigeants invités ne prendraient pas de questions. Le journaliste a alors interrogé Netanyahu sur ses attentes concernant l’Iran lors de sa rencontre avec Donald Trump. Le Premier ministre israélien a entamé sa réponse par ces mots : « Nous ne voulons nous confronter à personne. »
Concernant l’Iran, Netanyahu a déclaré : « Nous savons qu’ils ont récemment mené des exercices. Nous surveillons la situation et prenons les dispositions nécessaires. Toute action sera confrontée à une réponse très sévère. »
Netanyahu a également annoncé que la prochaine réunion des trois dirigeants se tiendrait en Israël.
- Le format 3+1 avec l’implication des États-Unis
Le dirigeant chypriote grec Nikos Christodoulidis a indiqué que la coopération s’était consolidée et approfondie dans de nombreux domaines, notamment l’énergie et la connectivité, la sécurité et la défense, la coopération maritime, la préparation aux crises et la protection civile, l’innovation et les échanges entre les peuples.
Affirmant leur volonté de renforcer la coopération dans le cadre actuel, Christodoulidis a exprimé le souhait de passer, à partir de 2026, à un format 3+1, avec l’implication des États-Unis, afin de renforcer la coopération trilatérale.
Le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a rappelé qu’il s’agissait du dixième sommet trilatéral, soulignant que la région traversait une phase de transformation profonde. Il a affirmé que beaucoup de choses avaient changé depuis la dernière réunion en 2023 et que la région était entrée dans une nouvelle phase géopolitique.
Indiquant que des discussions avaient eu lieu sur les perspectives à Gaza et que la Grèce était prête à y contribuer, Mitsotakis a également affirmé que les chrétiens orthodoxes en Syrie se trouvaient dans une situation difficile et devaient être protégés.
Le Premier ministre grec a précisé que les discussions avaient porté sur la coopération dans les domaines de la sécurité, de la défense et de divers secteurs stratégiques, annonçant que le centre de cybersécurité maritime situé dans l’administration chypriote grecque entrerait en service l’an prochain.
Mitsotakis a ajouté que, lors de la visite de Netanyahu aux États-Unis, ce dernier mettrait en avant le format 3+1 évoqué par le dirigeant chypriote grec, estimant que le soutien américain apporterait une valeur ajoutée aux trois pays.
Dans la déclaration finale publiée à l’issue du sommet, l’accent a été mis sur la poursuite et l’approfondissement de la coopération dans les domaines de la « sécurité, la lutte contre le terrorisme et la coopération maritime », de la « réponse aux situations d’urgence », de « l’énergie, la connectivité et la prospérité régionale », ainsi que de la « science, la technologie et l’innovation ».
Il a également été annoncé qu’un « Groupe de travail trilatéral sur la préparation et la réponse aux situations d’urgence » serait créé afin de fournir une assistance en cas de catastrophes naturelles.
- « Un partenariat pragmatique fondé sur l’hostilité à la Türkiye »
L’évolution des relations israélo-grecques est souvent interprétée comme un « partenariat pragmatique fondé sur l’hostilité à la Türkiye », dans la mesure où les relations entre les deux pays sont en corrélation négative avec leurs relations respectives avec Ankara.
La Grèce et Israël sont en effet attentifs à adopter des positions communes afin de contrebalancer l’influence régionale de la Türkiye, notamment sur les questions des zones maritimes, de la sécurité énergétique et des enjeux militaires.
Ainsi, le rapprochement entre Athènes et Tel-Aviv, alors que la Grèce entretenait longtemps des relations équilibrées avec le monde arabe et se montrait distante à l’égard d’Israël, s’est intensifié à partir des années 2010, à mesure que les relations entre la Türkiye et Israël se dégradaient. Ce rapprochement a atteint le niveau d’un partenariat stratégique, notamment en Méditerranée orientale, autour des questions énergétiques, sécuritaires et géopolitiques.
Dans ce contexte, Israël et la Grèce se sont retrouvés sur diverses plateformes, en particulier autour du projet de gazoduc de la Méditerranée orientale (EastMed), tandis que la coopération militaire entre les deux pays s’est également renforcée.
- Le projet mis en suspens : EastMed
Le projet de gazoduc de la Méditerranée orientale (EastMed), destiné à acheminer le gaz israélien vers l’Europe via Chypre du Sud et la Grèce, n’a pas pu être concrétisé, malgré l’importance que lui accordaient les deux pays, en raison de son coût élevé et de difficultés techniques.
Soutenu par l’Union européenne dans le cadre de sa stratégie visant à réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, le projet a été évoqué pour la première fois en 2013. L’accord officiel entre Israël, la Grèce et l’administration chypriote grecque a été signé à Athènes le 2 janvier 2020.
Bien que le projet ait reçu une approbation politique et que son achèvement ait été initialement prévu pour 2025, la phase de construction n’a jamais débuté. Le retrait du soutien américain en janvier 2022, invoquant « l’absence de viabilité économique, l’impact environnemental et le risque de tensions régionales », a conduit à la mise en suspens du projet.
Il était prévu que, s’il avait été lancé, le projet nécessite sept années de travaux, un coût d’environ 7 milliards de dollars et une capacité annuelle de transport de 20 milliards de mètres cubes de gaz naturel une fois achevé.
Toutefois, il a été souligné que les réserves de gaz découvertes en Israël, même complétées par du gaz égyptien, ne suffiraient pas à atteindre cette capacité, et que la viabilité du projet dépendrait de nouvelles découvertes dans la région.
À l’approche de la fin de l’année 2025, Israël a entrepris de remettre le projet à l’agenda. Le ministre israélien de l’Énergie, Eli Cohen, a affirmé le mois dernier au Jerusalem Post, à l’issue de sa visite à Athènes et de ses entretiens avec ses homologues américain, grec et chypriote grec, que le projet EastMed était de nouveau à l’ordre du jour.
Si Cohen a soutenu que les États-Unis, qui s’étaient retirés du projet en 2022, étaient prêts à jouer à nouveau un rôle important, l’annonce récente d’un accord gazier de 35 milliards de dollars entre Israël et l’Égypte a suscité des commentaires selon lesquels EastMed serait à nouveau relégué au second plan.
- Une accélération notable de la coopération militaire
Outre les efforts de coopération énergétique et l’intensification des contacts diplomatiques, l’essor de la coopération militaire entre Israël et la Grèce, ainsi que l’augmentation du nombre d’exercices militaires conjoints, retiennent également l’attention.
Il est souligné que la coopération militaire bilatérale s’est développée à la suite de l’exercice militaire conjoint « Glorious Spartan » organisé en 2008, et que les forces armées israéliennes et grecques ont depuis participé à de nombreux exercices conjoints.
En avril 2025, les armées israélienne et grecque se sont retrouvées en Grèce dans le cadre de l’exercice multinational « Iniochos 2025 », auquel ont participé plus de dix pays.
Selon un communiqué de l’armée israélienne, les forces aériennes israélienne et grecque ont également mené, le 3 novembre 2025, un exercice conjoint de ravitaillement en vol au-dessus de la Grèce.
Des médias israéliens ont par ailleurs rapporté que l’armée de l’air israélienne s’était préparée aux affrontements survenus en juin 2025 entre l’Iran et Israël, notamment en matière de ravitaillement aérien, à travers des exercices similaires réalisés auparavant avec la Grèce, simulant diverses conditions géographiques et opérationnelles.
De nombreux accords d’acquisition militaire, de différentes envergures, ont également été signés entre Israël et la Grèce. Parmi eux, l’accord conclu en 2021 entre l’entreprise israélienne Elbit Systems et la Grèce, portant sur la formation de pilotes et la création d’une école de vol, constitue le plus important, avec un montant de 1,65 milliard de dollars.
Par ailleurs, le Parlement grec a approuvé le 5 décembre un programme d’armement incluant l’achat, pour plus de 800 millions de dollars, de systèmes de lance-roquettes multiples de type PULS auprès d’Israël.
Des discussions seraient également en cours entre Athènes et Tel-Aviv concernant un système de défense aérienne multicouche baptisé « Bouclier d’Achille », dont le coût initialement prévu dépasserait 3 milliards de dollars.
- Sommet trilatéral sur fond d’allégations de « force d’intervention commune »
Alors que la coopération militaire entre Tel-Aviv et Athènes s’intensifie, des informations avaient circulé avant le sommet trilatéral tenu à Jérusalem-Ouest, évoquant la création d’une « force d’intervention commune » en Méditerranée orientale avec la participation d’Israël, de la Grèce et de l’administration chypriote grecque.
La presse grecque a rapporté qu’Athènes envisageait de déployer progressivement, à pleine capacité opérationnelle, les systèmes de missiles antichars longue portée SPIKE NLOS acquis auprès d’Israël sur les îles de la mer Égée orientale et dans la région de l’Evros.
Il a également été avancé que la Grèce, Israël et l’administration chypriote grecque étudiaient la mise en place d’une force d’intervention commune, au niveau d’une brigade, destinée à la protection des « infrastructures critiques » en Méditerranée orientale. Cette force serait composée d’environ 2 500 soldats, dont 1 000 Grecs, 1 000 Israéliens et 500 Chypriotes grecs.
Le quotidien israélien Yedioth Ahronoth a indiqué que les autorités israéliennes avaient démenti les informations de la presse grecque faisant état de la création d’une « force d’intervention commune Israël–Grèce–Chypre du Sud » dirigée contre la Türkiye.
Néanmoins, selon le même journal, des responsables de l’armée israélienne ont confirmé qu’aucune mesure concrète n’avait encore été prise, mais qu’un ordre de planification en ce sens avait été donné, dans l’attente des instructions du Premier ministre Benjamin Netanyahu et du ministre de la Défense Yisrael Katz.
Le même article précisait que cette « force d’intervention commune » n’en était pour l’instant qu’au stade de l’idée et que son sort serait clarifié lors du sommet trilatéral Israël–Grèce–Chypre du Sud.
Par ailleurs, des médias chypriotes grecs avaient affirmé qu’Israël avait livré un système de défense aérienne à l’administration chypriote grecque en septembre.
- La demande israélienne à la Grèce concernant Gaza
Un autre sujet concerne la possibilité pour la Grèce d’envoyer une équipe d’ingénieurs militaires à Gaza dans le cadre du plan du président américain Donald Trump.
Selon une information de la chaîne israélienne Channel 12, citant des sources diplomatiques, Israël aurait encouragé la Grèce à jouer un rôle actif dans l’avenir de Gaza, et le gouvernement d’Athènes se montrerait disposé à cet engagement.
Il a été rapporté que, lors du sommet, une série de dossiers seraient abordés sous « l’ombre de la Türkiye », notamment le renforcement de la coopération en Méditerranée, y compris dans le domaine de l’énergie, ainsi que le Corridor économique Inde–Moyen-Orient–Europe (IMEC), dont le tracé est prévu à travers Israël et la Grèce.
* Traduit de turc par Serap Dogansoy
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