Mort de Nahel : La France « s’enfonce dans le déni d’un racisme systémique », selon Elias d’Imzalène
- Pour le conseiller politique de « Perspectives musulmanes », « la seule solution pour sortir de cette crise serait la voie politique et non la voie de la répression ».

France
AA/Marseille/Feïza Ben Mohamed
La mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier à Nanterre, le 27 juin dernier, a provoqué une onde de choc dans toute la France où les quartiers populaires se sont embrasés pour dénoncer les faits.
Mais d’un point de vue plus global, et après une analyse politique des événements, de nombreuses organisations pointent le volet racial et identitaire de ce crime policier.
Pour nombre d’associations, de militants des quartiers populaires et d’ONG, le problème en France est systémique, et le racisme y est devenu institutionnel.
L’organisation « Perspectives musulmanes », qui travaille principalement sur les discriminations faites aux musulmans et aux personnes issues de l’immigration en général, est en première ligne depuis quelques années, pour dénoncer les dérives.
Dans une interview accordée à Anadolu, son conseiller politique, Elias d’Imzalène estime que la France « s’enfonce dans un déni de ce racisme systémique et cette islamophobie qui fait aujourd’hui racine pour tous les comportements violents, aussi bien à la télévision que chez les politiques ».
Pour lui, il faut comprendre que « jour après jour, à travers les médias, l’image qui est renvoyée à un enfant (musulman et/ou issu de l’immigration), est celle d’un barbare avec son père ou son frère qui est un ennemi de la République et sa sœur qui porte une abaya qui serait une menace pour la République ».
« Comprenez bien que ce stigmate s’exprime ensuite par une violence qui est pour certains incompréhensible mais il faut se dire que c’est une réaction à la maltraitance », analyse Elias d’Imzalène.
Il considère, à cet effet, que « la seule solution pour sortir de cette crise serait la voie politique et non la voie de la répression » en « engageant une réflexion et un débat national sur la question du racisme systémique et de l’islamophobie qui gangrène cette société » mais également sur le fait que la police « puisse se livrer à du harcèlement contre certaines populations ».
Depuis le décès du jeune Nahel, la France apparaît plus divisée que jamais, en témoignent les débats hystériques qui pullulent sur les réseaux sociaux où la droite et l’extrême-droite se livrent à une constante surenchère.
Pour le conseiller politique de « Perspectives musulmanes », les derniers événements « ont révélé deux France : une qui pense que la vie d’un enfant vaut plus que tout et une autre qui pense qu’une voiture calcinée vaut plus que la vie d’un enfant ».
Il pointe particulièrement « la loi de 2017 qui permet de pouvoir tirer » en cas refus d’obtempérer « lors d’un contrôle de police » dont il assure qu’elle « est venue étendre le niveau de violence » après avoir été adoptée « suite à l’Etat d’urgence de 2015 » qui a permis « des milliers de perquisitions » sur des familles musulmanes.
Et de poursuivre : « Il faut noter l’extrême radicalité de cette loi qui a été comprise par certains comme un permis de tuer certaines populations ».
De nombreux militants des quartiers populaires pointent eux aussi les dysfonctionnements de la police dans ces secteurs.
La journaliste Sihame Assbague, très engagée sur la question des violences policières, analyse régulièrement le contexte, sur les réseaux sociaux.
« Depuis la fin des années 70, toutes les révoltes qui ont éclaté dans les quartiers populaires sont nées en réaction aux violences des forces de l’ordre. Toutes. À chaque fois. Depuis des décennies. De Vaulx-en-Velin en 1979 à Nanterre en 2023. La même histoire en boucle », a-t-elle publié dimanche sur son compte Twitter.
Elle estime que « si les crimes policiers sont toujours le point de départ des révoltes, c’est parce qu’ils sont l’un des bouts de la chaîne des violences quotidiennes infligées aux non-blancs et aux pauvres. Ça part de la police, mais ce n’est pas que la police. Tout dans cette société y participe ».
« On peut donc multiplier les condamnations morales contre les révoltes, les « oui mais pas comme ça », les « appels au calme », etc., : nous vivrons et revivrons les mêmes séquences tant que le pouvoir continuera d’exposer ces vies à des formes inouïes et continues de violence », conclut la journaliste.
Même son de cloche du côté de Rokhaya Diallo, elle aussi journaliste, qui rappelle dans le quotidien The Guardian, que « la France a ignoré les violences policières racistes pendant des décennies » et que « ce soulèvement est le prix de ce déni ».
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