Monde

Mort de journalistes à Gaza : priorité au cassoulet

– Aucun direct, aucun sujet au 20h : la manifestation des journalistes pour Gaza a été ignorée par la majorité des grandes chaînes.

Ümit Dönmez  | 17.04.2025 - Mıse À Jour : 17.04.2025
Mort de journalistes à Gaza : priorité au cassoulet

Ile-de-France

AA / Paris / Ümit Dönmez


Des dizaines de journalistes rassemblés sur les marches de l’Opéra Bastille à Paris, mercredi 16 avril, ont rendu hommage à leurs confrères palestiniens tués à Gaza. Plus de 200 journalistes, selon les chiffres des ONG internationales, ont perdu la vie en dix-huit mois sous les bombardements israéliens, une hécatombe que les organisateurs qualifient de sans précédent dans l’histoire de la profession. Pourtant, malgré l’ampleur du drame et la gravité du message, l’événement est resté totalement invisible sur les grandes chaînes de télévision françaises.

Par voie d’un article publié jeudi 17 avril, Acrimed dresse un constat sans appel : « Silence dans les 20h, silence des quatre principales chaînes d’information en continu. » Ni BFM-TV, ni LCI, ni CNews, ni même Franceinfo, dont les rédactions avaient pourtant signé l’appel à manifester, n’ont diffusé d’images en direct du rassemblement. Du côté des journaux télévisés de TF1 et France 2, même mutisme. Le nom des journalistes tués à Gaza, les témoignages, les pancartes et les prises de parole se sont heurtés à un mur d’indifférence télévisuelle.

À la place, les chaînes ont déroulé leurs priorités éditoriales habituelles. Acrimed dresse une liste éloquente de ce que les téléspectateurs ont pu voir ce soir-là : « Révélations sur les enfants "cachés" de Musk » sur LCI, « Dette : une mauvaise gestion des finances publiques » sur CNews, ou encore « Censure : Bayrou passera-t-il l’été ? » sur BFM-TV. Mais le point culminant de ce traitement médiatique reste sans doute ce sujet diffusé par TF1 dans son 20h : « L’agneau, une viande qui a toujours la cote ! »

Ce sujet sur les habitudes de consommation de viande à Pâques n’est pas une anomalie isolée. Il fait partie d’un « dossier spécial cassoulet » remarqué — et moqué — sur les réseaux sociaux, qui avait déjà fait l’objet de critiques au mois de mars pour son traitement très sérieux d’une prétendue opposition culturelle entre le cassoulet et le couscous. Un exemple parmi d'autres d’un traitement éditorial qui banalise l’information et dilue les sujets politiques ou internationaux derrière des angles légers, voire caricaturaux.

Face à cet effacement, parmi les médias français, seuls France 24 et TV5Monde ont assuré une présence journalistique minimale sur place. Pour le reste, ce sont les réseaux sociaux et les médias indépendants qui ont pris le relais, diffusant images, discours et analyses du rassemblement.

Ce silence médiatique interroge d’autant plus qu’il ne concerne pas un événement extérieur à la profession : il s’agit ici de journalistes tués, de confrères, de collègues, de visages familiers pour ceux qui partagent le même métier. Lorsqu’un tel drame ne parvient pas à franchir le seuil de l’actualité télévisée, c’est bien une ligne rouge éthique qui semble avoir été franchie.

Dans un moment où la liberté de la presse est mise à rude épreuve à Gaza, en Cisjordanie mais aussi ailleurs dans le monde, l’aveuglement de la télévision française face à la répression qui frappe la profession interroge sur sa capacité à se regarder en face. Et sur ce qu’elle choisit, sciemment, de ne pas montrer.


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