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Malik Ben Achour plaide pour une Europe plus autonome en matière de défense et dénonce l’impunité face à Gaza

- « La question palestinienne agit comme le miroir de nos démocraties », estime Malik Ben Achour, plaidant pour une Europe plus autonome en matière de défense, une coopération renforcée avec la Türkiye

Şeyma Erkul Dayanç, Sercan İrkin  | 19.12.2025 - Mıse À Jour : 19.12.2025
Malik Ben Achour plaide pour une Europe plus autonome en matière de défense et dénonce l’impunité face à Gaza

Istanbul

AA / Istanbul / Seyma Erkul Dayanc et Sercan Irkin

Ancien membre de la Chambre des représentants et du Sénat belges, aujourd’hui engagé au niveau local à Verviers, Malik Ben Achour s’exprime sur les grands enjeux internationaux, de la coopération en matière de défense entre l’Union européenne et la Türkiye à la situation humanitaire à Gaza, en passant par la question des avoirs russes gelés et le respect du droit international.
Dans un entretien accordé à Anadolu, l’homme politique belge revient également sur l’initiative qu’il a lancée afin de fédérer des parlementaires européens autour de la question palestinienne.

Coopération Europe–Türkiye : « Un partenaire d’avenir »

Malik Ben Achour affirme que la Türkiye constitue « un partenaire d’avenir » pour l’Europe et pour la Belgique.

« C’est l’objet de mon déplacement ici, des quelques jours que j’ai passés à Ankara et à Istanbul », explique-t-il, se disant convaincu que la Türkiye doit devenir « un partenaire majeur en matière de défense ».

Il souligne le « saut stratégique et technologique très impressionnant » réalisé par la Türkiye au cours des dix à quinze dernières années, rappelant que le pays est parvenu à sortir d’une situation de dépendance pour développer « une industrie de très haute qualité », aujourd’hui reconnue à l’international.

« La Türkiye était aussi dans une situation de dépendance il y a plusieurs années », rappelle-t-il, ajoutant qu’un tournant majeur a permis au pays de développer ses propres capacités industrielles.

Selon lui, la proximité géographique et le fait que la Türkiye soit un partenaire de l’OTAN renforcent la pertinence d’une coopération accrue. Il plaide pour des investissements conjoints.
« Je crois que la logique du co-investissement est une logique qui inscrit la relation sur le long terme », affirme-t-il.

À titre d’exemple, il évoque la visite d’une entreprise turque spécialisée dans la fabrication de poudre explosive.
« Il n’y a pas beaucoup de pays membres de l’OTAN qui sont capables de le faire », souligne-t-il, rappelant que la Türkiye dispose à la fois de la matière première et du savoir-faire.

Il mentionne également une mission économique qui sera menée par la RAB-B de Belgique au mois de mai en Türkiye.
« J’espère qu’en effet, elle pourra donner lieu à un maximum d’accords », conclut-il, estimant que les deux pays ont vocation à entretenir « des relations d’amitié durables ».

Autonomie stratégique européenne : « Une question démocratique cruciale »

Pour Ben Achour, l’autonomie stratégique européenne constitue « la question démocratique la plus importante aujourd’hui ».

Il estime que l’Europe doit tirer les leçons de décennies de désindustrialisation et de dépendance, notamment vis-à-vis des États-Unis.
« Jusqu’à aujourd’hui, les Européens ont vécu sous protection américaine, en imaginant que cette protection était éternelle », affirme-t-il.

Il évoque le document stratégique récemment publié par les États-Unis, qu’il juge « pas très positif à l’égard de l’Europe », tout en rappelant que la position de l’administration Trump était connue de longue date.

Selon lui, la désindustrialisation a révélé de nombreuses vulnérabilités. Dans ce contexte, l’industrie de la défense offre « une opportunité unique » pour reconstruire un tissu industriel européen.

« Je pense qu’en Europe, on doit recréer des usines avec des emplois durables, bien payés », explique-t-il, estimant que cela permettrait également de sortir d’une dynamique de chômage structurel.

Il rappelle enfin les enseignements de la crise du Covid-19.
« À un moment donné, on se réveille avec une pandémie et, en fait, on n’a pas de masques, on n’a pas de gel hydroalcoolique », souligne-t-il, évoquant la nécessité de réduire les dépendances extérieures.

Avoirs russes gelés et Euroclear : une position belge sous tension

Abordant la question des avoirs russes gelés, Malik Ben Achour rappelle que son parti est dans l’opposition, mais que la position du gouvernement belge « n’est pas une position facile ».

Il souligne que ces avoirs sont gelés chez Euroclear, une institution financière basée à Bruxelles, et que leur utilisation directe constituerait « une première ».

« Utiliser des avoirs gelés, ce serait une première, qui briserait peut-être cette chaîne de confiance » de l’architecture financière internationale, explique-t-il, estimant que la Belgique serait exposée « à des représailles russes ».

Selon lui, cette situation pourrait également créer une forme d’insécurité financière à l’échelle mondiale.
« Ce que la Belgique réclame aujourd’hui, c’est que les autres pays européens puissent éventuellement se porter garants », précise-t-il, afin de couvrir d’éventuelles conséquences négatives.

Il évoque à ce sujet des discussions « assez positives » et « assez constructives » entre le Premier ministre belge et le chancelier allemand Friedrich Merz.

Tout en soulignant ces réserves, Malik Ben Achour insiste sur le caractère « crucial » du soutien à l’Ukraine, qu’il juge « vital pour le reste de l’Europe ».

Gaza et la Palestine : « Un miroir de nos démocraties »

Revenant sur la situation humanitaire à Gaza, Malik Ben Achour affirme avoir toujours considéré que « la Palestine et la question palestinienne » sont « une question centrale, une question cruciale ».

« La manière dont on se positionne, dont on gère, dont on répond à la question palestinienne, aux enjeux de l’autodétermination du peuple palestinien, dit beaucoup de l’état de notre rapport au droit international, à l’État de droit, à l’égalité de chacun devant certaines règles », déclare-t-il.

Selon lui, « l’impunité dont jouit Israël dans ses politiques, y compris dans ses politiques les plus brutales et les plus cruelles », constitue « une forme de baromètre négatif de l’état du monde, de l’état du droit international ».

Il rappelle que la Seconde Guerre mondiale avait conduit à la construction d’un ordre international fondé sur des règles, avec la création d’institutions telles que la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale (CPI).

« Aujourd’hui, ces outils-là […] sont attaqués par ce qui est censé être la plus grande démocratie du monde, les États-Unis », affirme-t-il, indiquant que « les juges de la Cour pénale internationale sont sous sanctions américaines ».

Il évoque également la situation de Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies pour la Palestine.
« Elle est sous sanction. Elle n’a plus accès à ses comptes bancaires personnels. Elle ne peut plus voyager comme elle le souhaite. C’est extrêmement grave, extrêmement préoccupant », déclare-t-il.

Concernant le cessez-le-feu à Gaza, Malik Ben Achour dit le placer « entre guillemets ».
« Ce cessez-le-feu vaut pour un des protagonistes, mais pas pour tous », affirme-t-il, accusant Israël de le « bafouer quotidiennement ».

Il souligne que les conditions climatiques viennent « ajouter au calvaire des Gazaouis » et estime que les Européens « ne font pas assez ».

Il appelle à des sanctions pour mettre fin à « l’impunité israélienne », estimant que sans mesures claires, « le système international » risque de « s’écrouler sur lui-même », avec « des conséquences dramatiques pour le monde entier ».

Un réseau de parlementaires européens sur la Palestine

Enfin, Malik Ben Achour revient sur l’initiative qu’il a lancée pour fédérer des élus européens autour de la question palestinienne.

« J’ai créé un réseau de parlementaires issus de toute une série de pays d’Europe, de parlementaires sensibles à la question palestinienne », explique-t-il.

L’objectif est, selon lui, de leur fournir « de l’information » et « de l’expertise utile dans le débat public » au sein de leurs parlements respectifs.

Il précise que ce réseau vise également à coordonner des actions parlementaires.

« Un député espagnol qui prend une initiative dans son parlement […] pourrait la partager avec son collègue autrichien ou hollandais », explique-t-il, afin de créer « un effet d’émulation » et « un effet boule de neige » en Europe.

Il évoque aussi la possibilité d’emmener des parlementaires sur le terrain.

« Il n’y a rien de plus concret que de se rendre compte de la situation des gens sur place », dit-il, citant la colonisation en Cisjordanie, le mur de séparation, le « vol quotidien de territoire palestinien » ou encore la situation dans la vieille ville de Jérusalem.

« L’objectif ultime, c’est de les aider à construire un contre-narratif opposable au narratif dominant, nourri par le gouvernement israélien », conclut-il.

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