Malgré l'adversité, une journaliste américaine voilée passe à l’antenne
- Une première dans l'histoire du paysage audiovisuel des Etats-Unis

Washington DC
AA / Washington / Michael Hernandez et Bilgin Sasmaz
Tahera Rahman savait que sa route pour devenir la première journaliste de télévision musulmane et voilée aux Etats-Unis serait semée d’embûches.
Après avoir décroché son diplôme de l'Université Loyola de Chicago, ses professeurs et collègues ont demandé à Tahera si elle serait prête à enlever son voile, le foulard souvent porté par les femmes musulmanes pour couvrir leurs cheveux, pour décrocher un emploi de rêve dans le journalisme. Sa réponse a été un "Non", ferme et catégorique.
"C'est bien, je respecte votre décision, mais sachez simplement que vous allez vous confronter à beaucoup de 'Non'", telle était la réponse de l’un des professeurs de Tahera telle qu’elle l’a relatée à Anadolu.
La prémonition fut aussitôt réalisée et la fille d'immigrants indiens et pakistanais a vu ses nombreuses candidatures aux salles de rédaction rejetées, l’amenant même repenser le cheminement de sa carrière.
Plutôt que de chercher directement un poste de journaliste, Rahman a choisi d’entrer à la salle de rédaction par la porte-arrière.
Elle a en effet décroché un poste de productrice chez WHBF-TV, une chaîne de télévision affiliée à CBS située à environ trois heures de route à l'ouest de Chicago, en Illinois.
Mais les coulisses étaient loin de satisfaire l’ambition de la jeune journaliste qui était déterminée à faire son chemin devant la caméra. Tahera n’a, à cet effet, raté aucun appel à candidature en interne. Le rejet de ses mentors l’a toutefois enfoncée dans une crise de confiance que seule sa mère pouvait l’en retirer.
Durdana Rahman, la mère, a refusé que sa fille sombre dans le désespoir, l’encourageant à persévérer davantage pour atteindre ses objectifs.
"J’ai écrit un email à mes patrons, et je leur ai demandé comment je pouvais être la meilleur candidate et ce que je devais faire. Et j'ai continué à travailler dur. Ensuite j'ai postulé une troisième fois et alhamdulillah j'ai eu le poste, grâce à Dieu ", a confié Tahera, qui se souvient, émue, de son premier passage à l’antenne et de son entrée dans l’histoire en tant que première journaliste américaine voilée.
C’était le 8 février 2018, un jeudi mémorable dans la vie de Tahera. Après son passage en direct, les messages de soutien ont afflué des quatre coins du monde, du Mexique aux Pays-Bas, pour émouvoir davantage la jeune journaliste, déjà émue par l’appréciation de sa communauté.
"Je suis un père de deux enfants et je suis chrétien, mais chaque fois que vous êtes à Des Moines, je veux que vous veniez dîner avec ma famille, parce que je veux que mes filles fassent votre connaissance". Ce témoignage envoyé par un homme du Midwest dans l’Etat d’Iowa est l'un des témoignages qui ont le plus marqué Tahera.
"Le soutien a été incroyable. Je ne pouvais pas m'attendre à quelque chose de mieux, et je ne pouvais pas être plus reconnaissante", a-t-elle ajouté.
Tahera Rahman ne sait pas où sa carrière la mènera, dans une salle de rédaction nationale, ou internationale, peut-être. quoi qu’il en soit, elle dit garder l’esprit ouvert.
"Je veux juste être capable de raconter les histoires des gens et de faire une différence en quelque sorte", a-t-elle confié. "Ca va être une aventure quoi qu'il arrive, inshallah".
* Umar Farooq a contribué à cet article depuis Washington