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Macron en Chine : le bilan contrasté d’une visite entre mise en scène et impasse concrète

- « Aucun plan d’action concret n’a été présenté, ni aucune volonté politique claire », observe l’analyse de Kadir Temiz, politologue spécialiste de la Chine, qui défend une visite marquée par un bilan aux teintes contrastées

Ben Amed Azize Zougmore  | 16.12.2025 - Mıse À Jour : 16.12.2025
Macron en Chine : le bilan contrasté d’une visite entre mise en scène et impasse concrète

Istanbul

AA / Istanbul / Ben Amed Azize Zougmore

La récente visite d’État d’Emmanuel Macron en Chine s’est achevée sur un bilan aux teintes contrastées. Si la séquence diplomatique a été marquée par une mise en scène protocolaire orchestrée avec soin par Pékin, les avancées concrètes, notamment sur les dossiers les plus sensibles comme la guerre en Ukraine et le déséquilibre commercial avec l’Union européenne (UE), sont restées singulièrement limitées. Fait notable : le retour du président français a été suivi d’un net durcissement de la ligne de l’exécutif, laissant présager un possible changement de paradigme dans la politique commerciale européenne.

- Ukraine: l’impasse stratégique

Durant son déplacement, le chef de l’État français s’est employé à exhorter son homologue Xi Jinping à peser de tout son poids en faveur de la paix. La réponse de Pékin fut cependant celle d’une neutralité bienveillante, mais non active : le soutien à « tous les efforts en faveur de la paix » s’est accompagné de la volonté de « continuer à jouer un rôle constructif », tout en écartant toute tentative de « rejeter la faute sur autrui », une allusion à peine voilée aux États-Unis.

Selon l’analyse de Kadir Temiz, politologue spécialiste de la Chine, cette rhétorique ne traduit aucune inflexion tangible de la posture chinoise. Le discours de Pékin demeure volontairement évasif, évitant toute critique explicite de Moscou. L’évolution principale réside davantage dans la confirmation que le dossier ukrainien est désormais un sujet de concertation régulière et de haut niveau entre Paris et Pékin, sans que cette concertation n’ait, pour l’heure, débouché sur la moindre percée concrète.

- Commerce: le déséquilibre entériné

La question du déficit commercial abyssal entre l’UE et la Chine — estimé à 357 milliards de dollars, avec notamment un déficit commercial de la France avec la Chine ayant frôlé les 47 milliards d’euros en 2024 — figurait au centre des préoccupations françaises, avec l’ambition d’un rééquilibrage. Sur ce plan, le constat dressé est particulièrement sévère.

« Aucun plan d’action concret n’a été présenté, ni aucune volonté politique claire », observe Kadir Temiz. L’absence d’officialisation de la commande attendue de plusieurs centaines d’Airbus, couplée au maintien des pressions douanières chinoises sur des produits européens clés (cognac, viande porcine), illustre l’absence de concessions de la part du régime chinois. Pour l’analyste, c’est même là « l’un des constats les plus négatifs du déplacement », Pékin ayant refusé toute mesure susceptible d’affaiblir sa position face à ses grands partenaires occidentaux. Bien au contraire, la stratégie offensive chinoise se veut de plus en plus ambitieuse ; récemment le premier train chinois déployé en Europe sur de longues distances, le "Panda" de la société chinoise CRSC, semble avoir satisfait son client tant par le prix proposé que par le confort qu’il réserve à ses usagers.

– Post-visite : la France se désengage de la prudence

C’est précisément dans les jours suivant le départ de Chine que le ton de l’Élysée a significativement monté. Dans un entretien publié par Les Échos, Emmanuel Macron a évoqué, quelques jours seulement après son retour de la Chine, la possible instauration de droits de douane européens sur les produits chinois, une mesure qui pourrait être activée « dans les tout prochains mois » en l’absence d’un effort de Pékin pour freiner l’aggravation du déficit.

Cette prise de position, en rupture avec la prudence affichée durant la séquence officielle, signale une volonté de Paris de peser pour un durcissement de la réponse européenne aux pratiques commerciales chinoises, souvent jugées déloyales en matière de subventions industrielles.

- Les limites de la diplomatie symbolique

Sur le plan de l’image, l’accueil réservé au président français fut marqué par une forte portée symbolique. L’accompagnement personnel de Xi Jinping jusqu’à Chengdu et la multiplication des gestes de proximité s’inscrivaient dans une stratégie claire : celle de présenter la France comme un « canal privilégié » au sein de l’UE.

L’objectif de Pékin est de miner la cohésion européenne en privilégiant la relation bilatérale. Cependant, cette approche trouve ses limites : « L’absence totale d’évolution sur l’Ukraine conforte, dans plusieurs capitales européennes, l’idée que la Chine n’agit qu’à ses propres conditions », nuance l’expert. Le fait que Pékin continue de privilégier Paris et Berlin montre qu’elle « ne considère toujours pas l’UE comme un interlocuteur institutionnel à part entière », contribuant à fragiliser la position commune européenne.

En définitive, si le dialogue bilatéral franco-chinois est consolidé, il n’a pas permis de débloquer les dossiers structurants. La sécurité économique et la réponse au déséquilibre commercial semblent désormais être les nouveaux paramètres qui guideront les relations futures entre l’UE et la Chine.

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