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L'Eurovision plongée dans une crise historique en raison de la participation d'Israël

- Une vague de boycotts a marqué cette 70ᵉ édition de l’Eurovision : l’Espagne, les Pays-Bas, la Slovénie, l’Irlande et l’Islande ont annoncé leur retrait, tandis que, fait inédit, d’anciens lauréats ont décidé de rendre leurs trophées

Salih Okuroğlu  | 17.12.2025 - Mıse À Jour : 17.12.2025
L'Eurovision plongée dans une crise historique en raison de la participation d'Israël

Burgenland

AA / Viyana / Salih Okuroglu

La décision d'autoriser la participation d'Israël au concours Eurovision de la chanson 2026 a plongé la 70ème édition de l'événement dans une tourmente historique, marquée par une cascade de boycotts et de restitutions de trophées.

La controverse n'a cessé d'enfler depuis que l'Assemblée générale de l'Union Européenne de Radio-télévision (UER) a validé la présence d'Israël lors de la prochaine édition, prévue à Vienne, en Autriche.

Au lendemain du déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, l'UER avait rapidement exclu la Russie, cédant aux menaces de boycott des pays d'Europe de l'Est.

Cependant, les avertissements de boycott formulés contre Israël, qui commet un génocide à Gaza depuis plus de deux ans, n’ont pas poussé l’UER à agir.

- Israël accusé d'instrumentalisation politique

L'exclusion d'Israël était réclamée non seulement en raison du « génocide commis à Gaza », mais aussi parce que son gouvernement est accusé d'être intervenu dans le dernier concours et d'avoir utilisé l'événement comme un outil politique.

Une enquête de l'UER a révélé qu'une entité officielle liée au gouvernement israélien avait mené une campagne de publicité numérique pour gonfler les votes en faveur de son représentant en finale. Les experts soulignent par ailleurs la vulnérabilité du système de vote du public, jugé "manipulable", puisqu'une seule personne peut voter jusqu'à 20 fois pour un même pays avec un seul téléphone et une carte bancaire.

Dans un communiqué publié en septembre, le diffuseur public néerlandais AVROTROS affirmait : « Il a été prouvé que le gouvernement israélien est intervenu lors du dernier concours et a utilisé l'événement comme un outil politique.»

- L'exclusion d'Israël écartée, les pays claquent la porte

Suite aux allégations d'ingérence israélienne, l'UER a modifié certaines règles de son système de vote. Ces mises à jour ont été acceptées lors de l'Assemblée générale du 4 décembre, mais le vote concernant l'exclusion pure et simple d'Israël a été évité.

En signe de protestation, les télévisions publiques d'Espagne, des Pays-Bas, de la Slovénie, d'Irlande et d'Islande ont annoncé leur retrait de l'Eurovision.

Jose Pablo Lopez, président de la RTVE (radio-télévision publique espagnole), pays membre du "Big Five » qualifié d'office pour la finale, a déclaré : « Ce qui s'est passé à l'Assemblée générale de l'UER confirme que l'Eurovision n'est plus un concours de chansons, mais un festival dominé par la géopolitique et des intérêts fragmentés.»

Le diffuseur public irlandais, RTE, a officialisé son retrait peu après la décision de l'UER. "En raison des pertes humaines effroyables à Gaza et de la crise humanitaire mettant en péril la vie de tant de civils, nous estimons que la participation de l'Irlande est moralement inacceptable », a indiqué la chaîne.

De son côté, le diffuseur slovène RTV a été catégorique : « Tant qu'Israël figurera parmi les participants, la Slovénie ne prendra pas part à l'Eurovision. »

Natalija Gorscak, présidente du conseil d'administration de RTV, a précisé le 9 décembre à Anadolu : « Nous ne pouvions pas partager la même scène avec Israël, qui a détruit 92 % de Gaza, tué plus de 20 000 enfants et plus de 250 journalistes. On ne peut parler du rôle unificateur de la musique aux côtés de représentants d'un régime qui ne respecte pas les droits humains. En tant que diffuseur public, nous nous devons d'avoir une éthique irréprochable.»

- "Les souffrances à Gaza sont incompatibles avec nos valeurs »

AVROTROS, le diffuseur néerlandais, a expliqué que sa décision de ne pas participer résultait d'une évaluation approfondie, concluant qu'une présence dans les conditions actuelles heurterait les valeurs du service public.

« Le 12 septembre 2025, AVROTROS a signifié que les graves souffrances humanitaires à Gaza, les restrictions imposées à la liberté de la presse et les ingérences politiques entourant la dernière édition de l'Eurovision étaient incompatibles avec les valeurs que nous défendons », précise le communiqué.

- « Ni paix ni joie dans le contexte actuel »

Stefan Eiriksson, directeur général de la RUV (Islande), a confirmé le retrait de son pays pour 2026 : "Il n'y a ni paix ni joie associées au concours dans la situation actuelle. C'est la raison principale pour laquelle nous faisons un pas de côté tant que la situation perdure.»

Stefan Jon Hafstein, président du conseil d'administration de la RUV, a souligné que le public islandais comprenait parfaitement les raisons de cette absence, "pour des motifs connus de tous.»

- Geste inédit : des lauréats rendent leurs trophées

Fait sans précédent dans l'histoire de l'Eurovision, Nemo, l'artiste suisse vainqueur de l'édition 2024, a annoncé son intention de renvoyer son trophée pour protester contre l'autorisation accordée à Israël pour 2026.

« L'Eurovision prétend exister pour l'unité, l'inclusivité et la dignité humaine. Ces valeurs rendent ce concours très important pour moi. Cependant, à une époque où une commission d'enquête indépendante de l'ONU conclut à l'existence d'un génocide, le maintien d'Israël dans la compétition démontre une contradiction flagrante entre ces idéaux et les décisions de l'UER », a estimé Nemo.

Charlie McGettigan, le chanteur irlandais vainqueur de l'édition 1994, a également fait savoir qu'il renverrait son prix en réaction à la participation israélienne.

- Plus de 600 000 signatures contre la participation d'Israël

La mobilisation s'étend au-delà des diffuseurs. Une pétition lancée sur la plateforme citoyenne mondiale Avaaz, demandant l'interdiction d'Israël à l'Eurovision, a déjà recueilli plus de 615 000 signatures.

Adressée à tous les diffuseurs et à l'UER, la pétition lance cet appel : « La participation d'Israël doit être interdite jusqu'à ce que son gouvernement mette fin à ses attaques brutales contre les civils à Gaza, cesse de cibler les journalistes et leurs familles, et commence à respecter le droit international humanitaire. »

Par ailleurs, seuls 35 pays devraient participer au concours de 2026, ce qui marquerait le taux de participation le plus bas des 20 dernières années.

* Traduit du turc par Mariem Njeh

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