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Les "objets" de la mer transformés en un musée par un tunisien

Hatem Kattou  | 28.12.2017 - Mıse À Jour : 28.12.2017
Les "objets" de la mer transformés en un musée par un tunisien

Tunis


AA/ Zarzis (Tunisie)/ Haithem Mahdhi

Tout au long d’un quart de siècle, Mohsen Lhidheb passe la majorité de son temps sur la plage de la ville de Zarzis, dans le Sud tunisien, en attendant que les vagues de la mer rejettent les objets appartenant aux migrants clandestins. Lhidheb, un sexagénaire, se fait appeler lui même "l’ami des migrants clandestins " qu’ils soient morts ou vivants.

Lhidheb ne se contente pas seulement de ramasser ces objets mais plutôt il tente de les faire revivre de nouveau. Qu’il s'agisse de chaussures, de vêtements ou de bouteilles, il les place sur des étagères d’un musée spécial qu’il a créé chez lui. A l'intérieur de son logement, dans le Centre de la ville de Zarzis, le sexagénaire a déclaré que ce qu’il fait est une "activité environnementale" qui s'intéresse à "la mémoire de l’Homme et de la mer".

Il a indiqué que sa passion a commencé en 1993 quand il sortait chaque matin pour chercher ce que la mer a rejeté comme reste des effets des migrants tels que les chaussures, les vêtements et les bouteilles d’eau qu’il ramasse et recycle techniquement à l'intérieur d’un espace culturel.

Il a ajouté que depuis 1996, il trouve beaucoup plus d'objets en raison du début de manifestation de la migration clandestine de la Libye vers l'Europe. Cette migration s’est accrue ces dernières années et avec elle a augmenté le nombre des cadavres retrouvés sur les plages de Zarzis, Djerba et Ben Gardane (villes relevant du gouvernorat de Médenine dans le Sud de la Tunisie).

Cette immigration clandestine à partir des côtes tunisiennes s’est aggravée entre septembre et octobre derniers. Le forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (non gouvernemental) a annoncé l'arrivée de 5000 migrants clandestins en Italie pendant ces trois derniers mois. Au cours de cette année, les autorités tunisiennes ont retiré 74 cadavres de migrants africains sur les plages de la côte Sud du pays.

Selon le correspondant d’Anadolu, Lhidheb place tout ce qu’il amasse dans son musée personnel qui se trouve dans l'enceinte de sa maison et dont la superficie est de 500 m2. Ce musée se subdivise en deux parties : la première est extérieure où sont exposés des milliers d'objets rangés les uns sur les autres dans une forme artistique, tels que des bouteilles d’eau, des bonnets, des arêtes de poisson, outre un tableau en bois sur lequel est écrit, en langue italienne, "basta el harga" (stop à la migration clandestine).

Dans la partie intérieure du musée, le sexagénaire expose des toiles artistiques diverses dont chacune porte des lectures différentes. Il accroche également des chaussures dans cet espace qu’il met en mouvement pour leur donner vie à la suite de la mort de leurs propriétaires.

Il a précisé qu’il essaie à travers cette activité spontanée de faire preuve de solidarité avec ces migrants qui ont disparu dans la mer. Avec une émotion visible sur les traits, il a ajouté que les objets qui lui font mal au cœur sont les vêtements et les chaussures des enfants qui ne sont nullement responsables de leur sort.

"Une fois, j’ai trouvé l’habit d’une fillette dans la région côtière de Jdaria (à 30 kms du Centre de la ville de Zarzis) qui m’a profondément secoué au point que je l’ai accroché à ma voiture. Je me suis élancé vers le Centre ville par des chants dans la tentation de célébrer les noces de cette jeune fille qui ne pourrait malheureusement jamais le faire vu que les vagues de la mer ont tué ses espoirs et ravi son innocente âme", a raconté le sexagénaire.

En 2002, le Tunisien Lhidheb a pu figurer dans le "Guinness Book" des records à travers son ramassage de 125 mille objets divers poussés par la mer vers le rivage. Le sexagénaire a indiqué que si le témoignage du Guinness reste très important, la première priorité demeure l'avertissement lancé à la jeunesse au sujet du danger de la migration clandestine.

Lors des entretiens tenus avec eux, plusieurs jeunes visiteurs du musée ont été convaincus de la nécessité d'abandonner l'idée de monter les bateaux de la mort.

Le sexagénaire tunisien exerce cette activité pour sensibiliser les gens sur les dangers de la migration clandestine et sur ses néfastes conséquences. Il a ouvert les portes de son musée à l'intention des excursions scolaires et se déplace lui même souvent dans les écoles pour donner des leçons au sujet du danger de cette migration.

Il a précisé à ce sujet que la majorité des migrants finit par périr dans la mer et devenir la nourriture des poissons ou des cadavres que les vagues repoussent vers le rivage. C’est ainsi pour cette raison qu’il faut attirer l'attention des jeunes et des enfants à ce propos.

Il a déclaré qu’il s’oppose à la migration illégale dans les villes de l'Afrique du Nord en dépit des conditions de vie dures dans cette région.

Dans une autre partie de son musée, il a exposé des dizaines de bouteilles de mer qui contiennent des lettres qu’il a ramassées pendant plus de 20 ans. Il a confié qu'à plusieurs reprises, il a trouvé des lettres émanant de personnes d'Europe ou d'ailleurs avec lesquelles il a pris contact. La dernière lettre était d’une jeune espagnole qui avait écrit qu’elle allait se suicider.

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