Les investisseurs n'ont pas accordé assez d'attention aux immenses potentialités économiques de l'Afrique (Interview de la vice- présidente de la Banque Mondiale)
Pour Inger Andersen, chargée de la région Mena à la BM, avec un appui financier à la Tunisie de 3 milliards de dollars pour les trois prochaines années, la Banque mondiale vise le moyen terme.

En visite en Tunisie, Mme Inger Andersen la Vice présidente de la Banque mondiale a accordé une interview exclusive à Anadolu où elle a mis l'accent sur l'immense potentiel économique de l'Afrique qui représente une solution d'avenir pour les investisseurs et les pays. Son approche se base sur l'accélération de l'intégration économique des pays africians à travers la capitalisation des points forts commun entre les pays et les peuples, notamment au Maghreb. Elle a, également, réaffirmé le soutien de l'institution à la Tunisie par l'annonce d'un appui financier de 3 milliards de dollars pour les trois prochaines années.
AA/Tunis/Ridha Maamri
Anadolu- L'une des questions récurrentes pendant ces derniers temps est de comment faire pour libérer le potentiel du continent africain ?
Inger Andersen- Merci pour cette question. Le continent africain est l’une des plus grandes opportunités pour l’avenir, notamment pour les pays, pour les investisseurs et pour le continent lui même.
Les investisseurs africains et étrangers n’ont pas accordé assez d’attention aux immenses potentialités économiques du continent. Il y a une tendance de regarder vers le Nord, vers les marchés les plus porteurs des pays développés. Alors que le sud est plutôt l’avenir des affaires. Plus précisément, la plupart des pays et des investisseurs ne regardent pas encore vers l’Afrique subsaharienne.
Cependant, certains pays ont commencé à conquérir l’Afrique en multipliant les missions économiques et commerciales, à l’instar du Maroc. D’autres pays pourraient s’en inspirer pour développer leurs investissements et leurs transactions commerciales avec l’Afrique.
Sur un autre plan, le commerce interafricain offre de larges perspectives. Le potentiel interafricain est aussi immense. Dans cette perspective, la BM encourage les efforts de promotion du commerce interafricain et d’intégration économique des pays africain. C'est la voie de l’avenir.
Il est vrai que la région du Sahel souffre de problèmes, de conflits et de guerres, mais sur le long terme, il y a des opportunités pour le développement économique, la création des richesses et de l’emploi dans la région du Sahel comme pour le reste du continent.
Anadolu- Vous chapoter la région MENA à la Banque mondiale, quelles sont les perspectives économiques de la région, notamment pour les pays du printemps arabe?
Inger Andersen- La région MENA est assez diversifiée. On ne peut pas se passer des effets collatéraux de la crise syrienne sur l’économie de la Syrie, le peuple syrien, mais aussi les pays du voisinage, notamment la Turquie, le Liban, la Jordanie et l’Irak.
Il y a aussi les pays producteurs de pétrole qui affichent une croissance régulière mais qui confrontent des problèmes inhérents aux besoins d'une jeune population.
Pour les pays du printemps arabes, comme pour chaque changement d’envergure, on affiche dans un premier temps un déclin de l’économie. Et c’est normal. C’est le même scénario qui se reproduit à chaque fois. On devrait prendre des mesures et passer des étapes pour assurer le retour à l’investissement et encourager les entrepreneurs privés, locaux et étrangers. Ainsi, il faudrait mettre le cadre juridique pour inciter l’investissement. Dans le même cadre d’incitation, il faudrait assurer aux entrepreneurs un meilleur accès au financement. On insiste, par ailleurs, sur la transparence des transactions pour inspirer confiance aux investisseurs. Et plus globalement, il faudrait que la situation et gestion budgétaire du pays soient plus claires et plus performantes.
L’une des recommandations pour la Tunisie est l’organisation d’un dialogue national sur l’économie. A l’image d’une famille qui fait ses comptes de revenu et de dépenses, le débat national porterait sur les ressources et les dépenses de la Tunisie et aboutira à un arbitrage entre l’option d’apprendre à vivre avec ce dont on dispose ou une autre qui consiste à répondre à la question: d’où on va lever les ressources manquantes ?
Anadolu- Pour la zone africaine de la région MENA, la désunion maghrébine coute de précieux points aux pays du Maghreb. Est-ce que la Banque mondiale a conçu des plans spécifiques pour faire avancer l’intégration économique de ces pays ?
Inger Andersen- Il est vrai que l’intégration économique mène toujours à de meilleures performances, mais il s’agit d’un long voyage. Il y d’autres dimensions à prendre en considération, autre que l’économie. Regardez le parcours de l’Union Européenne qui a mis 100 ans pour arriver à la situation actuelle .
Dans les réunions que nous tenons à la Banque mondiale sur le Maghreb ou le Moyen-Orient comme pour d’autres régions, c’est toujours les mêmes sujets qui reviennent, à savoir un meilleur système éducatif, la création d’emplois, de la croissance durable…
Mais il faut qu’il y ait un intérêt politique pour l’Union pour faciliter l’intégration économique. Et ça viendra.
J’ai visité la Libye, il y a un grand intérêt d’apprendre de l’expérience tunisienne. En fait, les deux pays sont très proches avec la même langue, la même histoire et partage maintes points communs. Et là, il y a une grande opportunité d’intégration et d’apprentissage.
Anadolu - Pour la Tunisie, la série de rencontres avec les hauts responsables du pays est de nature à vous permettre d’avoir une idée plus claire sur la situation actuelle en Tunisie. A la lumière de ces entretiens, pouvez-vous nous éclairer sur les forces et les faiblesses de la Tunisie d’aujourd’hui ?
Inger Andersen- Le premier point fort est bien évidement l’élaboration et l’adoption de la nouvelle constitution dans un esprit de consensus dont les Tunisiens peuvent en être fiers et pourrait constituer une source d’inspiration pour d’autres peuples du monde.
La question maintenant est de comment dupliquer cette expérience de consensus politique sur d’autres domaines. Les concertations que j’ai menées avec les responsables tunisiens ont porté sur la possibilité d’étendre ce consensus sur le dossier économique pour permettre à la Tunisie de renouer avec la croissance et créer de l’emploi aux jeunes.
Anadolu- Ce diagnostic, et cet atout de consensus, sont en mesure de vous aider à mieux dresser les axes de coopération et de soutien à la Tunisie. Avez-vous formulé des axes ou des priorités pour votre plan pour la Tunisie ?
Inger Andersen- C’est aux Tunisiens de fixer les priorités de la Tunisie. Les programmes de la Banque Mondiale viennent en réponse à ces priorités. La constitution a établit les fondements de ces priorités. On peut partir de là pour engager d'autres consensus.
Les domaines de soutien et d’appui de la BM sont sur des domaines prioritaires pour la Tunisie, notamment le programme des réformes dans lequel la banque est impliquée depuis 2011. Ces réformes portent sur la gouvernance, la transparence, l’accès aux données et l’open-governement pour que chaque citoyen se sente propriétaire de ce pays, à l’instar des actionnaires dans une entreprise.
D’autres réformes portent sur l’élimination de la bureaucratie et l’allégement des procédures administratives pour encourager l’activité économique et assurer une meilleure efficacité des dépenses budgétaires. De même, le système bancaire nécessite une réforme.
S’agissant des prix des TIC et des couts des télécommunications, une révision à la baisse est de nature à améliorer la compétitivité des entreprises et à assurer un meilleur accès des citoyens à la technologie.
Des réformes sont à envisager pour faciliter l’accès au financement des entrepreneurs et des PME qui veulent démarrer leurs affaires pour créer des richesses et des emplois.
Anadolu- Y-a-t-il quelque chose de concret à annoncer aux Tunisiens qui s’attendent à un vrai coup de pousse de la Banque pour réussir l’année 2014, une année charnière pour la transition démocratique ?
Inger Andersen - Cette année nous espérons aller plus de l’avant avec le peuple tunisien. Jusqu'à aujourd'hui, on a prévu 1.2 milliards de dollars d'appui financier pour l’année 2014. Et nous espérons faire cela en travaillant avec le nouveau gouvernement tout en impliquant le niveau local. (Ndlr : La Banque mondiale a annoncé plus tard un financement de 3 milliards de dollars sur trois ans).
Depuis l’avènement de la révolution, la Banque mondiale a été très impliqué en Tunisie en fournissant plus d’un milliard de dollars d’appui financier ainsi que divers programmes d’assistance technique et les fonds pour leurs mises en œuvre.
Anadolu- Le nouveau gouvernement a-t-il fourni des garanties pour la concrétisation de ces réformes ?
Inger Andersen- Au cours de cette visite j’ai constaté beaucoup de bonnes intentions et de volonté de renouer avec la croissance, l’emploi et la prospérité pour tous, au milieu rural comme dans les villes. Il y a une grande volonté de ce gouvernement d’aller de l’avant, tout comme la société civile, les universitaires, les académiciens… qui sont très impliqués.
La volonté de relancer l’activité économique est partagée par tous.
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