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Les attentats de Christchurch en Nouvelle-Zélande étaient "systémiques et islamophobes" (Interview)

- Les musulmans ne peuvent pas être protégés des attaques islamophobes s'ils ne construisent pas une mémoire collective, indique le chercheur Salman Sayyid.

Zeliha Eliaçık, Tuğçenur Akgün  | 14.03.2022 - Mıse À Jour : 14.03.2022
Les attentats de Christchurch en Nouvelle-Zélande étaient "systémiques et islamophobes" (Interview)

Istanbul

AA / Istanbul / Zeliha Acik, Tugcenur Akgun

Le renommé professeur de rhétorique et de pensée décoloniale, Salman Sayyid a estimé que les attaques terroristes de Christchurch étaient des actes islamophobes et "systémiques" et que les musulmans devraient construire une mémoire collective face à de telles attaques.

Dans une interview exclusive accordée à l'Agence Anadolu (AA), le professeur à l'École de sociologie et de politique sociale de l'Université britannique de Leeds, s'est exprimé sur l'islamophobie à l'occasion du 3e anniversaire des attentats terroristes de 2019 qui ont visé deux mosquées de la ville de Christchurch, en Nouvelle-Zélande.

"Souvent, lorsque ces attaques (telles que les attaques de Christchurch) sont le fait de racistes principalement blancs, elles ont toujours été présentées comme étant des attaques perpétrées par des personnes mentalement déséquilibrées ou ayant des problèmes personnels, plutôt que de les considérer comme faisant partie d'un processus systémique et comme des attaques contre des personnes de couleur, perpétrées à travers le monde dans de nombreux endroits", a déclaré Sayyid.

Ce qui s'est passé à Christchurch était une attaque islamophobe parce que "le tueur l'a signifié très clairement, en attaquant une mosquée, tuant des gens à la prière du vendredi", a-t-il noté.

Évoquant le lien entre racisme et islamophobie, Sayyid, également auteur de divers ouvrages sur le sujet, a souligné que l'islamophobie est une sorte de racisme et qu'elle a aussi des liens avec le "nationalisme blanc".

Il a cité les traitements subis par des étudiants africains et chinois fuyant la guerre Ukraine comme d'autre exemples intégrant cette rhétorique.

"Ces individus (agresseurs dans des actes islamophobes), vous pouvez le voir sur leurs sites Web, ils partagent les mêmes idées. ... celle d'une oppression des musulmans. … Par exemple, ce qui se passe avec les Ouïghours en Chine. La Chine parle de terrorisme, de la menace de radicalisation. Le gouvernement indien parle de la menace de la radicalisation, il enlève les droits de citoyenneté aux musulmans.

Mentionnant, par ailleurs, des attitudes similaires du gouvernement du Myanmar à l'égard des musulmans, avec des allégations de "surpopulation", Sayyid a, par ailleurs, regretté le comportement du gouvernement français envers la communauté musulmane.

En réponse à une question sur la capacité des musulmans à construire une mémoire collective face à l'islamophobie, Sayyid a souligné qu'il est important que les sociétés musulmanes la construisent, car aucune des attaques terroristes ou islamophobes n'est un acte unique, mais fait plutôt partie d'un processus systémique auquel se connectent des actes.

"Tout cela est justifié et ensuite vous voyez ce qui se passe à Christchurch, vous voyez tout cela peut (être) condensé dans ce moment de violence, mais cette violence n'est pas juste arrivée : il y a tout en arrière-plan quelque chose qui relie cela", a estimé le chercheur.

Face à de telles attaques et attitudes, Sayyid a prévenu que si les communautés musulmanes ne construisent pas une mémoire de ces événements, elles ne pourront pas en parler à leurs enfants.

"Et plus important encore, elles ne seront pas en mesure de protéger les musulmans de ces attaques et c'est significatif, la lourde responsabilité qui incombe à nous tous", a-t-il ajouté.

Répondant à une question sur les allégations liant l'islamophobie à ce qui est présenté comme une insuffisante intégration des musulmans, Sayyid a rejeté les allégations, pointant du doigt les juifs allemands et les musulmans bosniaques.

"Les deux communautés les plus intégrées d'Europe au cours des 100 dernières années étaient probablement les juifs allemands et les musulmans bosniaques et regardez ce qui leur est arrivé. Ce n'est pas parce qu'ils étaient violents", a-t-il fait remarquer.

Sayyid a également fait état de deux poids deux mesures dans les décisions et les attitudes des politiciens occidentaux sur les passages frontaliers pour les exilés syriens dans le passé et les exilés ukrainiens ces dernières semaines.


* Traduit de l'anglais par Ümit Dönmez


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