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Le sort des Instituts Confucius dans le contexte de la Covid-19

Prof. Dr. Ahmet Kavas, Ümit Dönmez (tr.)  | 13.05.2020 - Mıse À Jour : 14.05.2020
Le sort des Instituts Confucius dans le contexte de la Covid-19

Istanbul

Par le Professeur Ahmet Kavas

AA – Istanbul

Les Instituts Confucius, les outils les plus influents du soft power établi par le Parti communiste chinois, sont devenus actifs, quasiment partout dans le monde, en une courte période de 16 ans, depuis leur fondation en 2004.

Présents dans 154 pays, dans la situation actuelle en 2020, 548 instituts Confucius enseignent la langue et la culture chinoises à 2,7 millions de personnes.

Bien que certains politiciens chinois ne soient pas favorables à certaines idées de Confucius, qui a vécu il y a environ 2 500 ans, ils ont préféré le nom de "Confucius" pour nommer les instituts (par exemple, à celui de Mao Zedong) parce que Confucius est à la fois le visage le plus connu dans la mémoire culturelle du pays, et un facteur attractif dans différentes sociétés.

À tel point, que le succès fascinant des instituts, en cette courte période de 16 ans, est qualifié de "Révolution Confucius".

La Chine a initié la première étape de ses activités culturelles, qui ont commencé plus tard que son expansion économique dans différents pays, en ouvrant le premier Institut Confucius en juin 2004 à Tachkent, la capitale de l'Ouzbékistan. L'institut a, cependant, commencé ses activités éducatives réelles, le 21 novembre de la même année, à Séoul, la capitale de la Corée du Sud, voisine de la Chine.

Actuellement, après les États-Unis avec 103 instituts et le Royaume-Uni avec 29 instituts, la Corée du Sud figure comme le troisième pays majeur d'opération des Instituts Confucius, avec 23 centres.

Le Bureau de l'enseignement des langues étrangères chinois "Hanban", bien qu'une organisation non gouvernementale, fonctionne comme un département privé relevant du ministère de l'Éducation de la République populaire de Chine. Hanban supervise directement le déploiement de chacun des Instituts Confucius.

- En une quinzaine d'années, la Chine a atteint le double de la capacité d'enseignement de l'Europe, établi en plus d'un siècle

La tradition de l'enseignement des langues telles que le français, l'anglais, l'allemand, l'espagnol et l'italien par des instituts sur différents continents remonte au 19ème siècle. La primauté à cet égard appartient aux institutions françaises et britanniques. Par exemple, l'Alliance Française a été fondée en 1883 pour promouvoir la langue et la culture françaises et compte actuellement 1027 centres dans 99 pays. La Grande-Bretagne a lancé le British Council en 1934. Grâce à ces instituts, dont l'Institut allemand Goethe et l'Institut espagnol Cervantes, ces pays enseignent leurs langues à 1,35 million d'étudiants au total dans différents pays. Le nombre de personnes apprenant le chinois à travers les Instituts Confucius dans le monde, est de l'ordre de 2,7 millions.

- En quoi les Instituts Confucius peuvent-ils manquer d'attractivité ?

Les réponses apportées à la question, de déterminer la différence entre cette initiative culturelle de la Chine, la deuxième plus grande économie du monde, et les institutions européennes expérimentées susmentionnées, sont tout à fait remarquables. Par exemple, les Européens ne veulent pas que leurs instituts soient intégrés à une université. La raison en est qu'ils souhaitent que leur institut reste indépendant au sein de leur organisation, où qu'ils se trouvent. Ils ne prennent part dans aucun réseau d'établissements d'enseignement supérieur, telles que les universités publiques ou privées, et veillent à ne s'intégrer à aucun système, pour ne pas en devenir un maillon.

Le chinois est enseigné dans les Instituts Confucius, mais une idéologie dépassée, telle que le communisme, n'est pas inculquée.

De plus, comme les enseignants ne sont pas obligés d'enseigner certains stéréotypes, ils se comportent de la manière la plus flexible possible. En conséquence, tous les Instituts Confucius établissent une coopération avec les universités dans lesquelles ils s'intègrent sous certaines conditions, et ils établissent un jumelage de ces universités qui coopèrent avec des universités chinoises.

Lorsque Hanban est ajouté à ce réseau, un réseau d'interaction triple est formé.

Ils allouent un budget annuel de 100 à 250 mille dollars pour chaque institut, destiné aux activités éducatives et culturelles. Dans ce contexte, 314 millions de dollars ont été dépensés au total pour les instituts Confucius jusqu'en 2017 et près de 47 000 enseignants chinois ont été affectés à ces instituts.

- Avec la Covid-19, l'Afrique remarquera-t-elle les Instituts Confucius ?

Le premier Institut Confucius en Afrique a été établi à Nairobi, la capitale du Kenya, en 2005, et l'Institut Confucius fonctionne actuellement dans 4 universités différentes au Kenya. En 2020, le nombre de centres d'éducation chinois dans les pays du continent africain devrait atteindre 100; cependant, selon les données actuelles, il existe 65 Instituts Confucius dans 43 pays différents en Afrique.

La Chine, qui a ouvert 6 instituts en Afrique du Sud et 3 au Maroc, a ouvert deux instituts par pays dans 9 pays africains, et un institut dans 33 autres pays du continent.

En addition à cela, le chinois a commencé à être enseigné, comme deuxième langue étrangère obligatoire aux côtés de l'anglais, par exemple dans les écoles en Zambie. Cet objectif a été atteint grâce à des contacts étroits entre la Chine et les représentants des États africains.

Ces activités de la Chine ont suscité de sérieuses discussions dans les sociétés africaines. Le thème principalement abordé est celui de la souveraineté, dans la perspective ainsi formulée : "Nous nous sommes débarrassés d'une période coloniale, pour tomber dans une autre."

D'un autre côté, en 2003, le nombre d'étudiants africains ayant reçu une bourse pour étudier en Chine était de 1 600, alors que ce nombre a dépassé 80 000 aujourd'hui. La Chine devait ouvrir plus de centres sur le continent en raison de son influence économique croissante en Afrique, ces dernières années.

Cependant, il semble qu'il ne sera pas facile pour la Chine d'atteindre cet objectif lorsque les attaques perpétrées, durant la pandémie du nouveau coronavirus, contre les Africains en Chine, trouveront davantage d'échos dans les médias internationaux.

- De la montée rapide vers l'effondrement rapide

La Suède est devenue l'un des premiers pays où les Instituts Confucius ont ouvert en Europe, en 2005. Cependant, après la tension entre les deux pays après que le Parti communiste chinois a arrêté un citoyen suédois (en raison des livres qu'il a écrits contre le parti), la Suède est devenue le premier pays européen à fermer l'Institut Confucius en 2015. Dans le cadre de ses investissements dans le nouveau projet de la route de la soie, la Chine a transféré cette institution du soft power en Europe du Sud-est avec l'ouverture de son institut à Belgrade en 2006.

La même année, les autorités chinoises ont annoncé leur intention d'enseigner le chinois à 100 millions de personnes dans 100 instituts Confucius, au cours des quatre années suivantes.

Les Instituts Confucius, qui ont intensifié leurs activités surtout en Europe après 2005, enseignent la langue et la culture chinoises dans 29 universités au Royaume-Uni, 19 en Allemagne et 18 en France. Alors que la Russie en compte 19, l'Italie abrite 12 instituts, et il existe au moins 5 instituts Confucius dans des pays comme la Hongrie, la Biélorussie, la Belgique et le Portugal.

En Turquie, les Instituts Confucius poursuivent leurs activités au sein d'universités publiques telles que l'Université technique du Moyen-Orient et l'Université de Bogazici, mais aussi des établissements privés, telles que l'Université d'Okan et l'Université de Yeditepe.

Depuis 1840, le chinois est enseigné au Collège de France, l'un des établissements d'enseignement bien établis de France, et à l'Institut des langues et civilisations orientales (INALCO) depuis 1840. La Chine ne s'en soucie pas beaucoup et veut enseigner sa langue avec l'aide de ses propres centres. Dans ce contexte, la Chine enseigne à un public de 100 000 personnes, dans ses instituts ouverts par 18 universités françaises différentes.

Environ 600 000 enfants d'origine chinoise en France ne sont pas inclus dans ce nombre; ils apprennent généralement leur langue maternelle dans les cours du week-end. En outre, environ 45 000 étudiants viennent de Chine en France pour l'enseignement supérieur chaque année; Environ 11 000 étudiants de France vont étudier en Chine. De plus, 100 000 Chinois apprennent le français dans 19 centres de l'Alliance Française en Chine.

D'autre part, l'attention est portée, dans ces instituts qui constituent le soft power de la Chine, à ne pas mettre les questions (qui sont décrites comme les "3T interdits") de Tiananmen, de Taiwan et du Tibet, à l'ordre du jour.

On peut noter un nombre croissant d'accusations, selon lesquelles il y a des espions parmi le personnel (y compris les enseignants) de ces institutions, qui sont financées par le Parti communiste chinois; et des critiques selon lesquelles, une certaine idéologie communiste serait inculquée aux étudiants des universités européennes et américaines, lors de l'enseignement du mandarin.

En effet, l'Université de Chicago a interrompu les activités de cet institut en raison de la critique selon laquelle les membres du corps professoral étaient lésés dans leur liberté académique, ainsi que pour le manque de transparence dans leurs programmes éducatifs.

En Suède, lorsque l'ouverture d'un institut dans un établissement d'enseignement d'importance stratégique comme l'Université de technologie de Stockholm a provoqué de graves réactions, l'institut a d'abord été confié à une autre unité, puis fermé complètement.

Des pays comme les États-Unis, l'Australie, le Canada, les Pays-Bas, la France, la Belgique, la Suède et la Suisse cherchent maintenant des excuses pour fermer les instituts Confucius. Par exemple, entre 2018 et 2020, il a été décidé de fermer 30 instituts Confucius aux États-Unis pour différentes raisons. Comme raison pour la fermeture des instituts, on invoque le non-respect des spécifications mutuellement acceptées.

Il ne fait aucun doute que ce n'est pas une situation agréable pour la Chine, qui établit toujours des projets orientés vers l'avenir, concernant ces instituts.

L'épidémie de Covid-19, qui a accru les réactions envers la Chine ces derniers mois, semble avoir rendu difficile la réalisation de l'objectif de "fonctionner dans un millier d'universités" pour 2020.

Certains auteurs interprètent même cela avec la déclaration de Confucius: «Ceux qui ne peuvent pas avancer régresseront». Par conséquent, le rêve de tisser ou renforcer des liens avec d'autres pays, à travers les Instituts Confucius, semble destiné à rapidement disparaître.

[Le Professeur Ahmet Kavas est notamment reconnu pour ses recherches le domaine des relations ottomanes-africaines, il fut ambassadeur de la Turquie au Tchad. Ahmet Kavas exerce actuellement, en tant qu'ambassadeur de la Turquie au Sénégal.

Le professeur Kavas est également le président fondateur de l'Association des Études Africaines (Afrika Arastirmacilari Dernegi, AFAM)]

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