AA / Ankara et Istanbul / Gokhan Celiker et Seyit Kurt

Le Premier ministre de la République turque de Chypre du Nord (RTCN) a critiqué mardi le sommet trilatéral entre Israël, la Grèce et l'Administration Chypriote Grecque, avertissant que la coopération militaire naissante risquait d'exacerber les tensions en Méditerranée orientale.

Dans une déclaration écrite relative au sommet qui s'est tenu lundi à Jérusalem, Unal Ustel a affirmé que cette réunion marquait un tournant vers la confrontation plutôt que vers la paix, la stabilité et la coopération dans la région.

La RTCN suit de près « le sommet organisé par Israël, la Grèce et l'administration chypriote grecque, ainsi que les informations concernant les projets de création d'une force militaire conjointe », a-t-il déclaré.

Ustel a ajouté que les propositions visant à former une « force d'intervention rapide » de 2 500 hommes, présentée selon lui comme un moyen de dissuasion contre la Türkiye et les Chypriotes turcs, constituaient « une nouvelle et dangereuse menace » pour la paix en Méditerranée orientale.

« Israël cherche à propager l’instabilité en Méditerranée orientale »

« Israël, qui bafoue les valeurs humanitaires par sa politique agressive au Moyen-Orient, cherche désormais à propager cette instabilité en Méditerranée orientale », a déclaré Ustel.

« Les tentatives de transformer cette zone de paix en champ de bataille menacent non seulement l’île de Chypre, mais aussi l’ensemble du bassin méditerranéen. »

Il a qualifié l’implication de la Grèce et de l’administration chypriote grecque dans ce qu’il a appelé un « jeu dangereux » d’erreur historique.

Ustel a également accusé les dirigeants chypriotes grecs de se présenter sur la scène internationale comme favorables à un règlement, tout en poursuivant des alliances militaires visant la Türkiye.

« Cette hypocrisie démontre clairement leur déconnexion avec la réalité de l’île », a-t-il affirmé.

Le Premier ministre de la RTCN a déclaré que de telles actions compromettent les bases des négociations et rendent tout compromis impossible.

« Les dirigeants chypriotes grecs perpétuent une mentalité agressive »

À l’occasion de l’anniversaire des événements connus sous le nom de « Noël sanglant », en référence aux attaques perpétrées contre les Chypriotes turcs en 1963, Ustel a déclaré qu’il était inacceptable que les dirigeants chypriotes grecs ravivent, à travers leurs plans militaires actuels, ce qu’il a qualifié de même mentalité agressive, au lieu de tirer les leçons du passé.

« La mentalité qui a plongé la République de Chypre dans le bain de sang en 1963 est la même qui cherche aujourd’hui à établir une force militaire anti-turque en Méditerranée orientale », a-t-il affirmé, faisant référence à l’État chypriote qui existait avant la proclamation de la RTCN en 1983.

« Il est impossible de mener un processus de négociation sain dans un tel contexte. »

« La RTCN et la Türkiye sont indissociables »

Ustel a souligné l'indissociabilité de la RTCN et de la Türkiye, avertissant que tout plan militaire, projet de pipeline ou alliance politique ignorant les droits de la Türkiye et des Chypriotes turcs, ou visant à les exclure de la Méditerranée orientale, de la « Patrie bleue » ou des zones souveraines de la RTCN, est « voué à l'échec dès le départ ».

Le problème chypriote, un problème qui dure depuis des décennies

Chypre reste divisée depuis des décennies entre Chypriotes grecs et Chypriotes turcs, malgré les efforts répétés de l'ONU pour parvenir à un règlement global.

Les violences intercommunautaires du début des années 1960 ont contraint les Chypriotes turcs à se réfugier dans des enclaves pour leur sécurité.

En 1974, un coup d'État chypriote grec visant à rattacher l'île à la Grèce a provoqué l'intervention militaire de la Türkiye en tant que puissance garante. La République turque de Chypre du Nord (RTCN) a été proclamée en 1983.

Les efforts de paix se sont poursuivis de manière intermittente, notamment une tentative infructueuse de pourparlers en Suisse en 2017, sous l'égide des puissances garantes que sont la Türkiye, la Grèce et le Royaume-Uni.

L'administration chypriote grecque a adhéré à l'Union européenne en 2004, année où les Chypriotes grecs ont rejeté par référendum un plan de réunification soutenu par l'ONU.

*Traduit de l’anglais par Ayse Bashoruz