Le MAE luxembourgeois : "Les pays de l’UE ne sont pas bons en ce qui concerne la migration"
- Jean Asselborn a dit être "totalement opposé à ce qu'on traite les réfugiés de l'Ukraine différemment de ceux qui doivent quitter la Syrie ou d'autres pays dans cette région, à cause de la guerre"

Ankara
AA / Antalya / Nur Asena Ertürk - Rabia İclal Turan
"Les pays de l'Union européenne (UE) ne sont pas bons en ce qui concerne la migration", a déclaré le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn.
Le Chef de la Diplomatie luxembourgeoise a accordé une interview à l'Agence Anadolu, en marge du Forum d'Antalya sur la Diplomatie, organisée dans le sud de la Turquie.
Interrogé sur la guerre qu'a entamée la Russie en Ukraine, le ministre a souligné l'importance de la diplomatie, rappelant que les ministres turc, Mevlut Cavusoglu, russe, Sergueï Lavrov et ukrainien, Dmytro Kuleba, ont tenu une réunion tripartite le 10 mars à Antalya.
"Le thème de ce forum, c'est la diplomatie, a déclaré Asselborn. Malheureusement, le résultat immédiat de la réunion n'a pas été bon. Je pense que les deux parties ont pris rendez-vous pour un deuxième tour et ça c'est très important."
Asselborn a précisé qu'il avait été nommé à ce poste en 2004, tout comme Lavrov.
"Nous sommes là depuis 18 ans tous les deux, et aussi Dmytro Kuleba, qui est un ami aussi, j'espère que les deux puissent remettre la diplomatie en marche pour arrêter, a-t-il lancé. C'est une barbarie, c'est un carnage du peuple ukrainien. En fait, cela n'a pas une raison d'être au 21ème siècle."
Quant aux sanctions, Asselborn a précisé que son pays n'impose pas de sanctions nationales, insistant que "les sanctions imposées par le Luxembourg sont les sanctions européennes, les sanctions de l'UE".
Se félicitant du fait que les 27 pays membres ont été sur la même ligne pour l'imposition de sanctions, le ministre a cependant fait remarquer qu'elles "ne peuvent pas changer le monde".
"Nous avons voulu quand même montrer que c'est inadmissible qu'on puisse continuer à faire du commerce ou des opérations financières avec un président […] qui n'observe pas les règles fondamentales du droit international, a-t-il martelé. Évidemment, ces sanctions vont toucher très fortement la Russie, mais aussi toucher les pays européens. Donc c'est ce qu'on avait dit à l'avance au Président russe [Vladimir Poutine] que si vraiment il y a une intervention militaire, l'Europe va donc imposer les sanctions et des sanctions très très dures."
Asselborn a estimé "que si ça continue comme cela, le moment va venir où toutes les relations commerciales risquent d'être coupées".
Il a rappelé que la Commission européenne se prépare actuellement pour assurer "l'indépendance énergétique de l'UE, en misant surtout sur les énergies renouvelables".
"Cette transition est très importante, a-t-il poursuivi. Je pense que dans l'UE, il faut bien réfléchir sur les pays qu'on doit donc faire dans un proche avenir. Au niveau des sanctions, tout ce qu'on a décidé, que ce soit sur SWIFT, que ce soit sur les banques russes, que ce soit sur les réserves de la Banque centrale russe, est déjà extrêmement important. La Russie s'est punie elle-même, parce qu'il y a énormément de sociétés américaines et européennes qui quittent le pays, et malheureusement cela provoquera aussi une augmentation du chômage en Russie."
Abordant l'aspect migratoire du conflit ukrainien, Asselborn a dit être "totalement opposé à ce qu'on traite les réfugiés de l'Ukraine, ces gens qui doivent fuir la guerre, différemment de ceux qui doivent quitter la Syrie ou d'autres pays dans cette région, à cause de la guerre".
"Ce n'est pas acceptable en Europe qu'on traite les gens différemment sur base de leur couleur de peau, de leur langue, leur religion, a-t-il insisté. Ce que nous avons fait maintenant pour les Ukrainiens, c'est notre devoir de le faire, c'est le devoir de le faire aussi pour d'autres personnes, dans d'autres régions qui doivent quitter leur pays, qui ont peut-être une religion différente, mais on doit les accepter aussi. Si la guerre fait fuir les gens, la porte de l'UE doit être ouverte pour les uns, comme pour les autres."
Pour le ministre luxembourgeois, il y a deux mots importants : "solidarité et responsabilité".
"Dans tous les pays de l'UE, nous ne sommes pas bons en ce qui concerne la migration, a-t-il reproché. Nous avons énormément de problèmes dans quelques pays mais aussi en général et si on n'arrive pas à établir une politique migratoire européenne, je pense qu'on va traîner ce boulet pendant des années encore. Si l'UE est un lieu où on défend les droits humains et l'État de droit, il faut que nous arrivions ensemble à avoir une politique migratoire commune qui convienne aux valeurs de l'UE."
Concernant l'adhésion de l'Ukraine à l'UE, Asselborn rappelle que les responsables européens en ont discuté lors de la réunion à Versailles.
"D'un côté il faut bien voir qu'il y a des règles à suivre, a-t-il expliqué. On a toujours utilisé le mot 'aspiration', pour devenir membre de l'UE. Je crois qu'il faut travailler à approfondir ce mot 'aspiration'."
Le ministre Asselborn a fait remarquer qu'intégrer l'Ukraine immédiatement, ne résoudra pas les problèmes.
"Nous avons un énorme défi devant nous, après cette guerre, pour remettre l'Ukraine en marche et pour aider l'Ukraine, où les gens pourront vivre, les jeunes comme les vieux, en paix", a-t-il insisté.
Se félicitant de sa participation au Forum, Asselborn a souligné son importance pour mieux comprendre la région.
"Le Président Recep Tayyip Erdogan a raison, il a pris position, il a dit qu'il faut que la diplomatie reprenne le devant. Je crois pouvoir dire aussi en tant qu'européen, que l'État de droit, tout ce qui se rapporte à l'indépendance de la justice, à la liberté des médias, à la séparation des pouvoirs, tout ça aussi est très important si on veut vraiment que la diplomatie se développe correctement", a conclu le ministre luxembourgeois.
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