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Le jazz : Une révolte musicale contre le racisme et la discrimination à l'égard des Noirs

- Inspiré des rythmes africains et de genres tels que le blues et le gospel, le jazz est reconnu comme un genre musical qui reflète la tristesse, la joie et les exigences de liberté des Noirs face au racisme systématique au début du 20e siècle.

Fatma Esma Arslan Özdel  | 30.04.2025 - Mıse À Jour : 30.04.2025
Le jazz : Une révolte musicale contre le racisme et la discrimination à l'égard des Noirs

Dakar

AA / Dakar / Fatma Esma Arslan Ozdel


La "Journée internationale du jazz", célébrée dans le monde entier le 30 avril de chaque année, nous rappelle que le jazz n'est pas seulement un genre musical, mais aussi un outil de résistance.

Depuis 2012, l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) célèbre la "Journée internationale du jazz" le 30 avril de chaque année afin de souligner l'unité et l'inclusivité du jazz malgré les différences culturelles.

Le jazz, interprété par la communauté afro-américaine aux États-Unis au début du XXe siècle, s'est imposé non seulement comme un genre musical, mais aussi comme une forme de résistance au racisme et à l'injustice.

Nourri de rythmes africains et de genres tels que le blues et le gospel, le jazz est devenu un outil puissant qui reflétait la tristesse, la joie et les exigences de liberté des Noirs soumis à un racisme systématique.

Le fait que les débuts du jazz coïncident avec la mise en œuvre des lois Jim Crow contre les Noirs aux États-Unis a créé de nombreux obstacles pour les musiciens de jazz.

Selon ces lois, de nombreux musiciens noirs ne pouvaient même pas entrer dans les salles où ils se produisaient en tant que spectateurs, ne pouvaient pas séjourner dans les hôtels où ils chantaient et ne pouvaient séjourner que dans des hôtels réservés aux Noirs.

Il est bien connu que le célèbre artiste de jazz, Louis Armstrong, n'a pas été autorisé à prendre le même ascenseur que les clients blancs dans un hôtel où il s'était produit en 1931 ; il a donc quitté l'hôtel après le concert et ne s'est plus jamais produit dans cette ville.

Des noms tels que Louis Armstrong, Billie Holiday, Nina Simone et John Coltrane se sont opposés aux politiques racistes de l'époque et ont fait connaître au monde entier, par leurs œuvres, la puissance culturelle de l'identité afro-américaine.

Des œuvres telles que "Strange Fruit", "Mississippi Goddam" et "Alabama" ont montré que le jazz n'était pas seulement un genre musical, mais aussi un appel à l'égalité.


- Résistance politique contre l'apartheid

Cette résistance musicale, qui ne s'est pas limitée aux États-Unis, a également eu un impact sur le continent africain. En Afrique du Sud, Abdullah Ibrahim et Hugh Masekela ont su devenir la voix du peuple en utilisant le jazz contre l'oppression du régime de l'apartheid.

L'œuvre intitulée "Mannenberg" d'Ibrahim a été utilisée comme hymne dans les manifestations contre l'apartheid et est devenue la "voix de la liberté" parmi la population.

Le morceau « Soweto Blues » de Masekela, dans laquelle il critique ouvertement le régime d'apartheid en faisant référence aux étudiants qui ont perdu la vie lors du soulèvement de Soweto en 1976, a également eu un grand impact dans le pays à l'époque.

Dans les pays d'Afrique de l'Ouest tels que le Sénégal, le Mali et la Guinée, le jazz a acquis une nouvelle identité en se mêlant à la musique traditionnelle.

Des noms tels que le Malien Salif Keita et le Sénégalais Cheikh Lo ont attiré l'attention sur les problèmes sociaux de la société en incluant dans leur musique les thèmes de la discrimination, de l'exclusion et de l'égalité.


- Senghor: Un président sénégalais inspiré par le jazz

Léopold Sedar Senghor, premier président du Sénégal, entré en fonction en 1960, a joué un rôle important dans l'implantation de la musique jazz au Sénégal.

Le jazz a non seulement inspiré le mouvement de la "négritude" né à Paris dans les années 1930 contre le colonialisme et le racisme, auquel Senghor a participé, mais il a également inspiré de nombreuses œuvres de Senghor, qui était également poète.

En 1966, Senghor a organisé le premier Festival mondial des arts nègres à Dakar, inspiré par la lutte pour l'indépendance de l'Afrique et les droits civiques aux États-Unis.

L'invitation par Senghor du légendaire musicien de jazz américain Duke Ellington à ce festival, qu'il avait organisé pour réunir les artistes noirs du monde entier avec leur "patrie", a eu un grand retentissement.

Accueilli avec beaucoup d'enthousiasme, Ellington a déclaré dans une interview après le festival que sa première et dernière visite sur le continent africain lui avait donné "le sentiment de rentrer à la maison".


- Le jazz au Sénégal, sur les traces de Senghor

S'il est difficile d'atteindre l'idéalisme de Senghor dans le jazz sénégalais d'aujourd'hui, les festivals internationaux organisés dans le pays visent à maintenir l'intérêt pour le jazz.

Le festival de jazz de Saint-Louis, organisé dans la ville du même nom située au nord du pays et qui fut la capitale pendant la période coloniale, contribue de manière significative au développement du jazz en Afrique en réunissant des artistes de jazz locaux et internationaux depuis 1993.

Le festival de jazz Dakar-Gorée, organisé conjointement à Dakar et sur l'île de Gorée, connue sous le nom d'île aux esclaves, depuis 2015, réunit d'importants artistes de jazz du monde entier et des artistes africains au Sénégal.

Dakar Music Expo, qui se tient également à Dakar, réunit depuis 6 ans sous un même toit de jeunes artistes de jazz africains, des professionnels de l'industrie musicale, des producteurs, des managers et des organisateurs de festivals.

Moustapha Diop, fondateur et guitariste du groupe de jazz sénégalais Jamm, a déclaré que bien qu'il y ait de nombreux musiciens de jazz de grande qualité dans le pays, ils ne trouvent pas de plateforme pour jouer.

Soulignant que les musiques de danse populaires telles que le mbalax et le rap dominent aujourd'hui le secteur de la musique dans le pays, Moustapha Diop a déclaré : "Le jazz est toujours considéré comme un genre “marginal” au Sénégal. Cependant, il existe une mission importante derrière le jazz qui nous concerne directement".

Diop fait remarquer qu'il faudrait organiser davantage d'événements internationaux pour que le jazz soit apprécié comme il le mérite en Afrique.

Sophie Tahi, artiste française d'origine marocaine connue pour son album "Nina Simone songs", a déclaré qu'il y avait des influences jazz dans tous les genres musicaux en Afrique.

"Le jazz est un genre ouvert à tous, mais même en Europe, il y a encore une attitude distante à l'égard du jazz. Même moi, je pensais différemment jusqu'à ce que je sorte mon album de chansons de Nina Simone, mais je me suis rendu compte que ce que l'on peut faire avec le jazz est illimité", a ajouté Sophie Tahi, qui se trouve à Dakar pour un festival de musique.

Tahi défend que les jeunes musiciens devraient davantage s'approprier la musique jazz.

"Ne vous limitez pas en disant “je fais du jazz”. Le jazz est un héritage très riche qui peut être mélangé à de nombreux genres musicaux."


* Traduit du turc par Tuncay Çakmak

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