Le chargé d’Affaires de l’ambassade de France à Alger convoqué par le MAE algérien
- Le MAE algérien dénonce « le chantage aux visas » de la part gouvernement français

Alger
AA / Alger / Aksil Ouali
Le ministère algérien des Affaires étrangères (MAE) a convoqué, ce mercredi, le chargé d’Affaires de l’ambassade de France à Alger et dénoncé, le « chantage aux visas » de la part du gouvernement français. Cette déclaration intervient à la suite l’annonce, mardi, par l’ambassade de France à Alger de la réduction du nombre de rendez-vous pour le dépôt des demandes de sésames d’accès sur le territoire français.
« Le ministère des Affaires étrangères observe que le chantage aux visas continue de la part du gouvernement français. La première phase de ce chantage s’est achevée avec la dénonciation par l’Algérie de l’Accord algéro-français de 2013 sur l’exemption réciproque de visas aux détenteurs de passeports diplomatiques et de service. Aujourd’hui, les autorités françaises ouvrent une seconde phase qui concerne les passeports ordinaires qu’elles entendent gérer par le chantage, le marchandage et l’intimidation », a indiqué le MAE algérien dans un communiqué.
Selon la même source, le Directeur général du Protocole au ministère algérien a convoqué le chargé d’affaires de l’Ambassade de la République française à Alger. « Cette convocation intervient suite au communiqué rendu public par la représentation diplomatique française au sujet de l’accréditation d’agents diplomatiques et consulaires français en Algérie », a fait savoir le communiqué.
Les autorités algériennes, selon le document, ont « attiré l’attention du diplomate français sur le grave manquement aux usages diplomatiques, les plus solidement établis, qui caractérise ledit communiqué ». « Dans ce contexte, il lui a été indiqué que par sa forme autant que par son fond, ce communiqué était inacceptable en ce qu’il contenait une présentation tendancieuse des faits et qu’il s’adressait directement à l’opinion publique algérienne pour incriminer devant elle une prétendue responsabilité exclusive et entière du Ministère des Affaires étrangères dans la non-accréditation d’agents diplomatiques et consulaires français en Algérie ».
Estimant que le communiqué de l’ambassade de France « n’est pas tolérable » et « viole l’esprit et la lettre de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 », le MAE algérien impute la responsabilité de cette situation aux autorités françaises. « La non-accréditation d’agents diplomatiques et consulaires français en Algérie est intervenue bien après une décision française similaire et après épuisement, à l’initiative de la partie algérienne, de toutes les possibilités de règlement de ce différend à la satisfaction des deux pays », a rappelé la même source.
Evoquant une stricte application du principe de « réciprocité », la même source a fait savoir que « c’est le gouvernement français qui a été à l’origine, depuis plus de deux ans, du refus d’accréditation de Chefs de Poste et d’agents consulaires algériens en France. En conséquence de cette situation, trois Consuls Généraux et six Consuls algériens n’ont pas reçu leurs accréditations sollicitées depuis plus de six mois ». Il a affirmé également que « quarante-six agents diplomatiques et consulaires algériens n’ont pu rejoindre leur lieu d’affectation en France du fait du silence observé par la partie française quant à leurs demandes d’accréditation ».
Mardi, 26 août, l’ambassade de France à Alger a rendu publique un communiqué affirmant que ses effectifs seront « réduits d’un tiers au 1ᵉʳ septembre prochain » en raison, « du refus par Alger de l’essentiel des demandes d’accréditation de se ses agents diplomatique et consulaire ». Cette situation, a ajouté la même ambassade, engendre une réduction des rendez-vous pour le dépôt des demandes de visas par les citoyens algériens.
- Une crise qui dure
Cette polémique sur les accréditations des agentes diplomatiques et consulaires est un nouvel épisode de la crise entre l’Algérie et la France qui dure depuis l’été 2024. Cette dernière a éclaté fin juillet 2024 après la décision du président Macron de reconnaître la marocanité du Sahara occidental. Elle s’est aggravée avec l’incarcération de l’écrivain algéro-français, Boualem Sansal, et le contentieux autour de l’expulsion des Algériens frappés d’une OQTF. Pendant cette brouille, il n’y a eu qu’une seule tentative de réconciliation.
C’était à l’occasion d’un échange téléphonique entre les présidents Tebboune et Emmanuel Macron, le 31 mars 2025, lors duquel ils ont tracé une feuille de route pour relancer les relations bilatérales. Le 6 avril dernier, le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, a effectué une visite officielle à Alger pour « tourner la page ».
Mais l’apaisement n’a été que de courte durée. Le 14 avril, l’Algérie a annoncé l’expulsion de douze diplomates français. Le lendemain, en réponse directe, la France a répliqué en déclarant qu’elle allait expulser à son tour douze diplomates algériens.
Côté algérien, le président Abdelmadjid Tebboune a pointé « des déclarations hostiles tous les jours de politiques français », qualifiant le dialogue avec le président Macron de « perte de temps » et mettant en garde contre « une séparation qui deviendrait irréparable ».
« Nous avions beaucoup d'espoirs de dépasser le contentieux mémoriel (...) mais plus rien n’avance si ce n’est les relations commerciales. Le dialogue politique est quasiment interrompu », a-t-il déploré. Le 7 août courant, le président français Emmanuel Macron a demandé la « suspension officielle » de l’accord de 2013, déjà mis de facto en pause depuis un renvoi réciproque de diplomates en mai.
Le chef d'État français souhaite également que le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, obtienne une coordination avec les autres pays de l’espace Schengen pour limiter l’accès au territoire européen des responsables algériens concernés. Cette crise s’ajoute à un contentieux historique très profond entre l’Algérie et la France.
En plus de la question des archives et de la restitution des biens d’Algériens confisqués, l’Algérie réclame des réparations pour les essais nucléaires français en Algérie et l’indemnisation des victimes. Elle demande également la reconnaissance des crimes coloniaux par la France.