L'Afghanistan et les Talibans ... Un périple de "Guerre et de paix"
Le Mouvement des Talibans, qui a émergé en tant que force influente pendant la guerre civile afghane au lendemain de l'invasion soviétique, est devenu l'un des acteurs politiques majeurs du pays durant le dernier quart de siècle.

Ankara
AA / Ankara / Emre Aytekin
Le Mouvement des Talibans, qui a émergé en tant que force influente pendant la guerre civile afghane au lendemain de l'invasion soviétique, est devenu l'un des acteurs politiques majeurs au cours du dernier quart de siècle.
Après l’occupation soviétique de l’Afghanistan, qui a duré 10 ans, et qui s’est soldée par le retrait des forces soviétiques, en 1989, le pays a été le théâtre d’une guerre civile en 1992 entre les différents groupes de « Moujahidin » (Combattants).
La guerre civile afghane a entraîné le pays, qui venait de sortir de combats qui visaient l’armée soviétique, dans une atmosphère de conflit et d'instabilité chronique.
L'instabilité politique que le pays a connue a entravé la mise en place d'institutions étatiques, la reconstruction de l’infrastructure détruite et la fourniture de services d'éducation et de santé aux citoyens.
Les Talibans sont apparus dans cet environnement instable en vue de mettre en place un "régime islamique inspiré du rite hanéfite » en Afghanistan.
Auto-baptisée « Talibans », qui signifie « les étudiants », l'organisation se compose d’élèves qui ont reçu une éducation religieuse dans les zones à majorité pachtoune situées dans l'est et le sud du pays.
Les Pachtounes sont un groupe ethnique implanté dans le sud et l'est de l'Afghanistan, dans les régions frontalières du nord-ouest et les zones sous administration tribale ainsi que dans la province du Baloutchistan dans l'ouest du Pakistan.
Le Mollah Mohamed Omar a fondé le Mouvement des Talibans en septembre 1994, avec 50 élèves d'écoles religieuses dans la province de Kandahar (sud).
Le Mollah Omar, qui a reçu son enseignement à l'école "Sank Hissar" dans le village de "Maiwand" (nord-ouest de Kandahar) et qui a appartenu aux groupes de Moujahidin contre l'occupation soviétique, a réclamé la mise en place en Afghanistan d’un régime fondé sur les « principes islamiques », après avoir déposé la direction communiste.
Le nombre d'affiliés au Mouvement, qui a commencé avec 50 personnes, a atteint les 15 000 après l’afflux des élèves des écoles religieuses afghanes qui y ont adhéré.
** Les Talibans prennent le contrôle de l’Afghanistan
Les Talibans ont pris le contrôle du chef-lieu de la province de Kandahar, le 3 octobre 1994, au terme d’une attaque-éclair, tandis qu’il ressort de certaines allégations que le Pakistan, hôte des écoles religieuses, fournissant les ressources humaines (combattants) au groupe, avait été le principal soutien de l’organisation depuis sa création.
A l’orée de l’année 1995, les Talibans, qui contrôlaient désormais 12 provinces afghanes, avaient assiégé la capitale Kaboul, tandis que les forces gouvernementales provisoires sous la direction du ministre de la Défense Ahmed Shah Massoud ont repoussé la première tentative du mouvement de prendre le contrôle de la capitale.
En dépit des lourdes pertes subies par le Mouvement, les Talibans sont revenus et ont rassemblé leurs forces pour lancer une nouvelle attaque, l'année suivante, en vue de prendre le contrôle de la capitale.
Le 26 septembre 1996, les forces d’Ahmed Shah Massoud ont battu en retraite vers le nord en direction des montagnes de l’Hindu Kush pour organiser la résistance contre les Talibans, dont les forces progressaient toujours vers la capitale Kaboul.
Le lendemain, les Talibans ont pris le contrôle définitif de Kaboul et mis fin à la présence du gouvernement provisoire, annonçant dans la foulée la création de son propre gouvernement sous l’appellation « Emirat islamique d'Afghanistan ». L’Afghanistan était alors englué dans le chaos et l'état d’instabilité causé par des conflits armés qui durent depuis près de 20 ans.
Avec l’avènement de l’année 1998, les Talibans sont parvenus à prendre le contrôle de 90% du territoire afghan, au moment où le pays n'avait pas assez d'eau et d'électricité, parallèlement à la détérioration de l'infrastructure et l'effondrement des secteurs des télécommunications et des transports.
Le pays était confronté à un véritable problème pour satisfaire aux besoins fondamentaux des citoyens tels que le logement, la nourriture et les médicaments. Les années de la longue guerre civile, qui a tué plus d'un million de civils et généré environ 100 mille veuves, ont secoué la structure sociale du pays fondée essentiellement sur la solidarité familiale et tribale.
Compte tenu des difficultés à obtenir les soins de santé primaires, les taux de mortalité infantile sont devenus les plus élevés au monde, avec un pourcentage de 25%. De plus, un enfant sur quatre né dans le pays est décédé avant l'âge de cinq ans.
Le peuple afghan a fait face à de véritables crises au cours de cette période, où il avait le plus besoin d'aides humanitaires fournies par les organisations des Nations Unies et par des ONG étrangères.
Lorsque les Talibans se sont emparés du pouvoir, ils ont suivi des procédures strictes dans l'application du « système islamique » et ont adopté des attitudes sceptiques vis-à-vis des organisations de secours étrangères.
Durant l'été 1998, les Talibans ont fermé les bureaux de toutes les organisations étrangères d'aide humanitaire et des agences onusiennes en Afghanistan, tandis que les Nations Unies ont accusé les Talibans « d’entraver l’acheminement des aides alimentaires à destination de 160 mille civils en proie à la famine ».
** Accusé de soutenir et de fournir un sanctuaire au terrorisme
Seuls le Pakistan, l'Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis ont reconnu le régime fondé par les Talibans en Afghanistan entre 1996 et 2001.
Au cours de cette période, les Talibans ont protégé le milliardaire saoudien Oussama ben Laden, qui a appuyé certains Moujahidin étrangers qui ont combattu contre les Soviétiques en Afghanistan dans la décennie 80, dans le cadre d’un réseau terroriste international appelé « Al-Qaida ».
Au moment où Ben Laden planifiait et dirigeait les actes terroristes internationaux d'Al-Qaïda en Afghanistan, il apportait en même temps un soutien financier substantiel aux Talibans. Les combattants qui lui étaient affiliés se battaient également dans les rangs des Talibans et participaient aux batailles du Mouvement.
En décembre 2000, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 1333 qui prévoit d’infliger des sanctions au régime des Talibans pour avoir autorisé l'utilisation de l'Afghanistan comme base et refuge pour al-Qaida dirigée par Oussama ben Laden et d'autres groupes.
** Les attaques du 11 septembre et l’occupation américaine
Après les attentats terroristes d'al-Qaida perpétrés contre les tours du World Trade Center à New York, le 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont occupé l'Afghanistan au terme d’une opération baptisée « Liberté Immuable », lancée le 7 octobre 2001.
Les forces de la coalition, conduite par les États-Unis et leurs alliés en Afghanistan, sous la direction de « l’Alliance du Nord », sont parvenues à s’emparer des principales provinces, l’une après l’autre.
Les Talibans se sont retirés de la capitale Kaboul en novembre, et de Kandahar, bastion du Mouvement au début du mois de décembre 2001, au moment où les chefs des Talibans et d'al-Qaida ayant été contraints de quitter le pays.
Au mois de décembre 2001, les dirigeants afghans ont tenu une réunion en Allemagne, connue sous le nom de la « Conférence de Bonn », après le renversement du Régime des Talibans. Hamid Karzai, qui sera élu ultérieurement, président, a été choisi pour diriger un gouvernement intérimaire.
** Les Talibans réapparaissent sur la scène afghane
Restructuré sous la houlette du Mollah Mohamed Omar après l'occupation américaine, le Mouvement des Talibans a lancé une guérilla contre le gouvernement central afghan et la Force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS), mise sur pied par les Etats-Unis d'Amérique et l'OTAN en 2003.
Le mouvement a commencé par l'établissement de postes de contrôle, a tendu des embuscades et a lancé des raids-éclair sur les zones rurales ainsi que des opérations suicides dans les villes. À la faveur de cette stratégie, le Mouvement a réussi à reprendre le contrôle de certaines régions du pays dès l’année 2006.
Les forces de la Coalition internationale ont été amenées à accroitre leurs effectifs pour contrer le pouvoir et l'influence croissants des Talibans, ce qui a conduit le nombre des forces internationales dans le pays à atteindre les 140 mille soldats, sous la direction de la FIAS, dont 100 mille soldats américains, entre 2009 et 2011.
Le 23 avril 2013, des informations ont circulé au sujet de la mort du chef des Talibans, le Mollah Mohamed Omar dans l’un des hôpitaux de la ville pakistanaise de Karachi, après qu’il ait contracté la tuberculose.
En 2012, les Etats-Unis ont annoncé qu'ils mettraient fin à leurs opérations militaires en Afghanistan, à compter de décembre 2014, pour entamer le processus de retrait de leurs forces.
Le 28 décembre 2014, l'OTAN a, officiellement, mis un terme aux opérations de la FIAS et a transféré l’ensemble des responsabilités en matière de sécurité au gouvernement afghan.
Le jour même, il a été annoncé que l'opération de soutien à la stabilisation, sous la direction de l’OTAN, s’inscrivait dans la continuité de l'opération « Liberté immuable », tandis que les forces du gouvernement afghan n'ont pas réussi à garantir la sécurité, et le plan de retrait américain a échoué.
Entre temps, les Talibans ont poursuivi leurs opérations terroristes en Afghanistan, tandis que les affrontements dans le pays ont fait de nombreux morts parmi les civils.
** Les pourparlers de paix
Les Etats-Unis ont tenté, durant le mandat de l'ancien président Barack Obama, à entrer en contact et à engager, pour la première fois, des négociations entre les Talibans et les gouvernements afghans pour instaurer la paix dans le pays.
Les initiatives lancées successivement en 2011, 2012 et 2013 ont échoué, tandis que les négociations tenues en coordination avec le Pakistan et la participation des Etats-Unis d'Amérique et de la Chine en 2016 n’ont pas été sanctionnées par des résultats tangibles.
Après l’élection de Donald Trump au poste de président des Etats-Unis en 2017, les négociations entre les Talibans et le gouvernement de Kaboul ont amorcé un nouveau tournant, et les efforts ont repris pour les couronner de succès.
Le président afghan Ashraf Ghani, qui a été élu pour un deuxième mandat présidentiel, a annoncé qu'il était prédisposé à négocier avec les Talibans, au début de l’année 2018.
Ghani a aussi promis de reconnaître les Talibans, en tant que parti politique légal et de libérer les membres du Mouvement emprisonnés, tandis que les Talibans ont réagi en rejetant l’offre du président, prétextant qu’ils souhaitent négocier directement avec les Etats-Unis pour restaurer la paix, et non avec le gouvernement afghan.
Le 25 février 2019, des représentants des Talibans et des Etats-Unis se sont rencontrés pour la première fois dans le cadre des négociations de paix organisées dans la capitale qatarie Doha.
A l’issue du 8ème round des négociations entre les Etats-Unis et le Mouvement des Talibans, le 12 août 2019, des informations ont circulé sur le fait que les parties seraient près de conclure un « accord historique ».
Le Représentant spécial du président américain en Afghanistan, Zalmay Khalilzad, a annoncé qu'un accord a été conclu entre les deux parties en septembre 2019 et que l'accord en question est en attente de l'approbation du président Trump.
Malgré cette annoncé, Trump a reporté la signature de l'accord, après qu'un soldat américain ait été tué dans une attaque terroriste commise à Kaboul le jour même.
Les pourparlers entre les Etats-Unis et les Talibans ont repris en décembre 2019 et ont abouti à un cessez-le-feu effectif.
À la fin de la période des sept jours, qui a débuté le 22 février 2020, un accord de paix a été signé, lequel accord donne l’espoir de mettre fin à des décennies de combats en Afghanistan.
Le samedi 29 février, la cérémonie de signature d'un accord entre les Etats-Unis et le Mouvement des Talibans s’est déroulée, dans la capitale qatarie Doha, ouvrant ainsi la voie à faire prévaloir la paix et à mettre fin à la guerre en Afghanistan.
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