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La justice française refuse l’extradition d’un ancien ministre sous Bouteflika poursuivi pour « corruption »

- La chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a estimé que l’extradition d’Abdesslam Bouchouareb vers l’Algérie aura « des conséquences d’une gravité exceptionnelle ».

Aksil Ouali  | 19.03.2025 - Mıse À Jour : 20.03.2025
La justice française refuse l’extradition d’un ancien ministre sous Bouteflika poursuivi pour « corruption »

Algeria


AA/Alger/Aksil Ouali

La justice française a définitivement rejeté les demandes d’extradition de l’ancien ministre de l’Industrie sous le régime du président Abdelaziz Bouteflika (décédé en 2021), Abdeslam Bouchouareb. Le verdict a été prononcé, ce mercredi, mettant ainsi fin à cette procédure qui a duré plusieurs mois.

Membre dans le gouvernement de l’ancien Premier ministre actuellement en détention, Abdelmalek Sellal (2014-2017), l’homme de 72 ans fait l’objet de six mandats d’arrêt internationaux émis par la justice algérienne qui l’avait également condamné par contumace des peines d’emprisonnement de 20 ans chacune.

La chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a évoqué, pour justifier cette décision, « les conséquences d’une gravité exceptionnelle » que pourrait avoir cette extradition en raison de « l’état de santé et de l’âge » de Bouchouareb. Les magistrats qui ont examiné le dossier ont estimé, selon des médias français, que « cela porterait atteinte à l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme et à l’article 5 de la convention d’extradition franco-algérienne de 2019 ».

Cette chambre a ainsi suivi le réquisitoire du parquet, qui s’était opposé à cette demande d’extradition à l’audience du 5 mars courant. « L’éloignement de M. Bouchouareb, gravement malade, ferait courir à celui-ci, si ce n’est un risque de vie, [un risque] de déclin rapide et irréversible de son état de santé », avait estimé l’avocat général, Raphaël Sanesi de Gentile.

De son côté, Me Anne-Sophie Partaix, avocate de l’Algérie, avait, elle, estimé que les autorités judiciaires avaient, le 13 février, « donné les garanties nécessaires » à la justice française : « M. Bouchouareb a volé de l’argent aux Algériens, il a été condamné et doit répondre de ses actes », avait-elle insisté.

Ce refus d'extradition survient alors que les tensions entre Paris et Alger ne cessent de s'accroître.

Pour rappel, le contentieux historique entre l’Algérie et la France est très profond. En plus de la question des archives et la restitution des biens d’Algériens confisqués, l’Algérie réclame aussi des réparations sur les essais nucléaires français en Algérie et l’indemnisation des victimes. L’Algérie réclame aussi la reconnaissance des crimes coloniaux par la France officielle.

Les relations entre les deux pays se sont dégradées davantage, depuis l’été 2024, sur fond de reconnaissance par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. En réaction, l’Algérie a retiré son ambassadeur à Paris et le président Tebboune a annulé un déplacement en France, prévu initialement en septembre 2024.

Plus récemment, l’affaire de l’emprisonnement de l’écrivain algéro-français, Boualem Sansal et le refoulement de migrants en situation irrégulière, dont l'influenceur algérien Doualemn, ont suscité la colère des autorités françaises qui menacent désormais de recourir au "rapport de force", selon les déclarations répétitives du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.

Côté algérien, le président Abdelmajid Tebboune a pointé "des déclarations hostiles tous les jours de politiques français », qualifiant le dialogue avec le président Macron de "perte de temps" et mettant en garde contre "une séparation qui deviendrait irréparable".

"Nous avions beaucoup d'espoirs de dépasser le contentieux mémoriel (...) Mais, plus rien nʼavance si ce nʼest les relations commerciales. Le dialogue politique est quasiment interrompu", a-t-il déploré.

Le 25 février 2025, Paris a décidé de restreindre l’accès au territoire français de certains responsables algériens pour "défendre les intérêts des Français".

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