Politique, Monde

La France se dirige-t-elle vers l’instauration de la police des « vêtements républicains » ? (Opinion*)

- 313 signalements ont été comptabilisés en septembre pour des atteintes à la laïcité dans les écoles, collèges et lycées

Ümit Dönmez  | 30.10.2022 - Mıse À Jour : 31.10.2022
La France se dirige-t-elle vers l’instauration de la police des « vêtements républicains » ? (Opinion*)

Ankara

AA / Paris / Fatih KARAKAYA

La crispation politique et médiatique autour de la visibilité de la femme musulmane dans l’espace public, continue de faire rage en France.

Dans une tentative visant à opposer les femmes iraniennes qui ne veulent plus porter le voile avec les Françaises qui le souhaitent, certains médias, responsables politiques ou associatifs, voire des intellectuels français, expriment ouvertement leur volonté d'exclure totalement les femmes voilées de l’espace public.

Ces derniers mois, les polémiques autour des jeunes filles ont de nouveau pris de l'ampleur, sans, toutefois, directement concerner le voile.

Un grand nombre de médias français affirment, qu'au cours de cette période, les atteintes à la laïcité se sont multipliées dans les écoles, faisant état d'un "danger" pour la République.

Ainsi, une part importante de la communauté musulmane de France a le sentiment d’être stigmatisée à chaque occasion, quelques que soient ses actions, paroles ou pensées.

En question, des jeunes filles défieraient la République en portant des jupes ou des abayas.

Pour les auteurs des accusations, la jupe en soi ne constituerait pas un problème, mais portée par des filles « d’apparences ou supposées musulmanes », celle-ci deviendrait un outil religieux ostentatoire au service des « islamistes ».

- 10 000 signalements pour atteintes sexuelles

D’après le ministre de l’Éducation, Pap Ndiaye, 313 signalements ont été recensés en septembre pour des atteintes à la laïcité dans les écoles, collèges et lycées.

Suite à la révélation de ces chiffres, depuis le début d’octobre, les médias traitent en boucle ces supposées atteintes qui concernent essentiellement les jupes longues.

Pourtant, quand on sait qu’en France il y a 59 000 établissements scolaires, 313 cas de « violations de la laïcité » ne représentent vraiment pas une affaire d’État, d’autant plus que la jupe longue n’est pas un vêtement propre aux musulmanes. Cependant, celle-ci constitue la quasi-totalité des sujets liés à l’Islam.

Dans le même temps, selon le journal Le Monde, « on estime à 35 000 le nombre de situations préoccupantes et à 10 000 celui des signalements réalisés, chaque année, en milieu scolaire ». Ces 10 000 signalements représentent, en réalité, des violences sexuelles et sexistes.

Dans les universités, la situation est encore plus grave. D’après la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, « sur l’année universitaire 2019-2020, 140 000 personnes ont été concernées par des agressions ou tentatives d’agressions, soit 4 % de la population étudiante » dont « 50 % rien qu’au mois d’octobre », selon l’association « Sexe et Consentement ».

De même, selon un rapport de l’UNICEF, 42 000 enfants sont sans domicile et les conséquences sont désastreuses pour leur santé mentale.

Face à ses chiffres alarmants, Anne-Sophie Simpère, avocate chez Amnesty France se demandait sur son compte Twitter « lequel des chiffres devraient nous inquiéter le plus », alors que le sujet grave des violences sexuelles n’a pas eu droit à un dixième du traitement réservé aux filles en jupes longues.

- L’ombre du meurtre de Samuel Paty

Aujourd’hui, pour discréditer les femmes voilées, certains médias, responsables politiques ou associatifs évoquent fréquemment la tragique mort du professeur Samuel Paty, comme si ces femmes étaient coupables de son meurtre.

De plus, en renvoyant les femmes voilées de France dos à dos avec les femmes iraniennes, ceux qu se présentent comme les défenseurs de la laïcité française, veulent faire croire que la liberté de se vêtir n'existe pas pour la femme musulmane et qu'en insistant à vouloir porter le voile, ces femmes françaises sont coupables des répressions en Iran.

C’est aussi l’avis des professeurs Joan W. Scott et Éric Fassin. Dans une tribune publiée ce samedi, les deux professeurs estiment que « dans un cas comme dans l’autre, les féministes protestent contre un État qui entrave la liberté de leur choix. Dans les deux cas, elles combattent toutes les formes de domination patriarcale, le voile imposé comme le dévoilement contraint. »

Citons également le cas de Corinne Narassiguin, femme politique qui affirme que « Défendre le droit de porter le voile n’est pas un combat féministe », dans les colonnes du journal Le Monde.

Ces mêmes « défenseurs de la laïcité » avaient signé en 2021, dans « Le Point », un manifeste appelant à durcir le projet de loi « séparatisme », en particulier contre les mamans voilées qui accompagnent des sorties scolaires, et voulaient interdire des femmes adultes de participer aux sorties scolaires de leurs enfants, sous prétexte "d'un vêtement non adapté."

- Vers une loi qui impose des vêtements républicains

Considérant que « porter des jupes longues » est une défiance vis-à-vis de la République, Éric Ciotti, député Les Républicains (LR) et candidat à la présidence du parti de droite, veut interdire certains types de vêtements dans les écoles.

« On ne peut pas laisser prospérer aujourd'hui cet islamisme à bas bruit qui vise à menacer notre société. Au sein de l'Éducation nationale, ça a été le règne du pas de vague. Pap Ndiaye ferait mieux de soutenir les enseignants et les chefs d'établissements », sinon, a-t-il conclu, « c'est une forme de lâcheté coupable ».

Pour le député LR, la situation serait très grave, au point de choisir quel vêtement est religieux, lequel ne l’est pas.

Face à la pression de la droite, le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye, dans les colonnes du Monde, a concédé « qu’il y a bel et bien une vague de port de tenues pouvant être considérées comme religieuses ».

Néanmoins, il a refusé, dans l'état actuel, de légiférer sur les vêtements.

Compte tenu des expériences précédentes, le sujet reviendra certainement au cœur de l'actualité et la France sera le seul pays européen et démocratique à mettre en place la police des vêtements dans les écoles, comme elle est la seule à y interdire le voile.

*Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la ligne éditoriale de l'Agence Anadolu.​​​​​​​

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