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La France reste prudente sur les sanctions contre les ministres israéliens

– Malgré les mesures du Canada et du Royaume-Uni contre Smotrich et Ben Gvir, Paris temporise et botte en touche sur une éventuelle réponse nationale.

Ümit Dönmez  | 12.06.2025 - Mıse À Jour : 12.06.2025
La France reste prudente sur les sanctions contre les ministres israéliens

Ile-de-France

AA / Paris / Ümit Dönmez

Le porte-parole du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, Christophe Lemoine, a défendu jeudi la cohérence de la position française sur le conflit israélo-palestinien, sans s’engager clairement sur l’épineuse question des sanctions individuelles contre les ministres israéliens d’extrême droite Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir.

Interrogé à plusieurs reprises sur l’absence de mesures françaises similaires à celles prises récemment par Londres et Ottawa, Christophe Lemoine a insisté sur les condamnations verbales déjà exprimées par Paris. « Nous avons toujours condamné les propos excessifs de M. Smotrich », a-t-il rappelé, évoquant également la « provocation inacceptable » que représenta la visite de Ben Gvir sur l'esplanade des Mosquées.

En réponse à la question d'un journaliste, le porte-parole a souligné que la France avait déjà « pris des sanctions contre des colons violents en Cisjordanie », dans le cadre de la politique de colonisation qu’elle considère comme illégale. Il a toutefois renvoyé la question des sanctions individuelles à une concertation européenne. « C’est une discussion que nous devons avoir à 27 », a-t-il répété, précisant que le sujet serait abordé lors du prochain Conseil des affaires étrangères.

S’il a confirmé que la France dispose d’un cadre juridique permettant des sanctions nationales – avec déjà « 56 interdictions administratives du territoire » prononcées – aucune ouverture concrète sur une action bilatérale ciblant des membres du gouvernement israélien n’a été formulée. Une prudence qui tranche avec l’initiative suédoise, rendue publique le matin même, appelant à des sanctions contre les deux ministres israéliens.


- Conférence des Nations unies

Sur la conférence pour la solution à deux États, coorganisée la semaine prochaine à New York par la France et l’Arabie Saoudite sous l’égide de l’ONU, Christophe Lemoine a défendu la légitimité du format onusien face aux critiques et menaces de Washington, qui a laissé entendre que les États participants pourraient être perçus comme hostiles à Israël.

Le porte-parole n’a toutefois pas répondu clairement aux interrogations sur l’éventuelle pression diplomatique exercée par les États-Unis sur ses alliés.


- Exportations militaires vers Israël

Même flou lorsqu’il a été interrogé sur les ventes d’armes à Israël, que des ONG accusent la France de poursuivre malgré les déclarations officielles. Lemoine s’est contenté de renvoyer aux propos précédemment tenus par le président Emmanuel Macron, ainsi que les ministres Jean-Noël Barrot et Sébastien Lecornu, sans infirmer ni confirmer les révélations du rapport cité.

Pour rappel, la Ligue des droits de l’homme a déposé une plainte ce mercredi contre la société marseillaise Eurolinks (et une société israélienne) pour « complicité de crimes contre l’humanité et de génocide », l’accusant de fournir depuis octobre 2023 des « maillons » utilisés dans les fusils-mitrailleurs employés à Gaza.

Dans ce contexte, en réponse aux accusations de plusieurs ONG, le ministre des Armées Sébastien Lecornu a déclassifié un document confidentiel remis aux commissions de Défense du Parlement, affirmant que la France n’exporte vers Israël que des matériels strictement défensifs ou destinés à être réexportés – principalement des composants pour le Dôme de fer, pour un montant de 16 millions d’euros en 2024.



- Flottille pour Gaza

Dans l’affaire de la flottille humanitaire Madleen, interceptée par Israël, et en réponse à la question d'Anadolu, le porte-parole du Quai d’Orsay a insisté sur le rôle de la Diplomatie française, qui aurait, selon lui, assuré un suivi consulaire auprès des six ressortissants français impliqués. L’arrestation du journaliste Yanis Mhamdi, qualifié d’« activiste » par Tel Aviv, n’a pas donné lieu à une dénonciation claire. Là encore, les critiques concernant l’attitude du ministre Jean-Noël Barrot, accusé de reprendre le langage de l’extrême droite israélienne, sont restées sans véritable réponse.

Pour rappel, parmi les six Français de l’expédition « Flottille de la liberté » sur le Madleen, la députée européenne Rima Hassan a été interceptée par l’armée israélienne après avoir tenté de briser le blocus naval de Gaza. Après avoir été placée en isolement mercredi, Rima Hassan sera expulsée vers la France ce jeudi.


- Situation humanitaire à Gaza


Depuis la reprise des hostilités le 18 mars 2025, les attaques israéliennes ont causé la mort de près de 5 000 Palestiniens, portant le bilan total à Gaza à plus de 55 000 morts, depuis le début du conflit en octobre 2023, suite à une attaque du Hamas. La majorité des victimes palestiniennes sont des civils, notamment des enfants et des femmes. Malgré l'annonce de cessez-le-feu, les violations persistent, aggravant la situation humanitaire déjà critique.

Pour rappel, la Cour internationale de Justice (CIJ) a ordonné à Israël, le 26 janvier 2024, de prévenir tout acte de génocide à l'encontre des Palestiniens à Gaza et de permettre l'accès à l'aide humanitaire. De son côté, la Cour pénale internationale (CPI) a émis, le 21 novembre 2024, plusieurs mandats d'arrêt, notamment contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis dans la bande de Gaza.

Par ailleurs, Israël bloque, depuis le 2 mars, l’entrée de toute aide humanitaire dans la bande de Gaza, invoquant des raisons de sécurité. Quelques autorisations minimes de passage de l'aide humanitaire ont été accordées, mais celles-ci demeurent largement insuffisantes pour répondre aux besoins de la population gazaouie.

Ce blocus a été condamné par plusieurs ONG, dont Médecins du monde, Oxfam et le Norwegian Refugee Council, qui alertent sur un "effondrement total" de l’aide humanitaire et dénoncent "l’un des pires échecs humanitaires de notre génération". Dans ce contexte, le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, a réaffirmé qu’"aucune aide humanitaire n’entrera à Gaza".


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